Chaque
chronique centrée sur cette hydre superbe qu’est le Néo Prog, pourrait
s’apparenter à un plaidoyer pour une certaine vision de la culture Rock.
Largement influencé par Lester Bang, et sa vision très primaire du genre, la
caste des chroniqueurs musicaux s’est mise à taper lourdement sur tout ce qui
paraissait Progressif. Pour être plus précis, elle a commencé à le faire en
1975, lorsque le gros succès des débuts fut passé. Pour eux, le Rock se devait
d’être brutal, primaire, et n’avait pas à se soucier de complexifier sa
musique. Bang était un chroniqueur incroyable, ces phrases sonnaient comme de
grandes claques données à tous les conformismes, mais il ne concevait le Rock
que comme un mouvement éphémère. Dans cette optique, les groupes ne pouvaient
être qu’une réunion de musiciens inexpérimentés, se lançant sur scène comme un
semi-remorque envoyé à pleine vitesse dans le mur du show business.

Le
Prog n’était donc pas un genre prétentieux, il ne faisait que poursuivre la
tendance initiée par les Beatles, qui consistait à faire ce que personne
n’avait fait. Le fait qu’il ait, par la suite, développé des codes plus
marqués, menant à la naissance d’un Revival Prog, pourrait paraitre plus
gênant. Mais on peut considérer que la
génération des Flower Kings a plagié celle de Yes que si l’on estime que les
Stones ont tout pompé sur Muddy Waters. Les décors étaient les mêmes, le
matériel aussi, mais l’œuvre finale était belle et bien indépendante. En
réalité, le problème du Rock Progressif, comme de toute la culture Rock
actuelle, était plutôt lié à un certain public sectaire.

Formé
en Suède, Beardfish s’est fait remarquer en sortant coup sur coup deux
manifestes artistiques brillants de variété. Le groupe montrait une musique
partagée entre le burlesque jazzy d’un Zappa période « Uncle Meat »
et le lyrisme épique du Genesis de Peter Gabriel, et ne rechignait pas à
hausser le ton dans de grandes envolées Zeppelinienne. Le seul problème était
que, rallongé par un concept alambiqué, le disque manquait de cohésion. Défaut
accentué par le caractère beaucoup plus
posé du premier, le second déployant un Hard Rock raffiné, comme un Uria
Heep penché sur la création de « Salisbury » (1971).
« Destined
Solitaire » n’arrangeait pas ce seul défaut, avec ces soixante-dix-sept
minutes bourrées de changements de rythme, et autres expérimentations brillantes
mais mal cadrées. Le groupe était magnifique, les titres impressionnants de
créativité, mais le tout semblait former un ensemble aussi lumineux
qu’hétéroclite.
Et
puis, enfin, Beardfish réduisit ses bavardages à l’essentiel,
transformant ses séries de grandes démonstrations en opus efficace et enivrant.
Les éléments qui ont fait le charme des disques précédents sont encore
présents, mais le groupe passe désormais de tendres mélodies comme « Outside
Inside » à des passages plus tendus, avec une facilité qui force le
respect. On soulignera d’ailleurs les riffs puissants de « Green Wave »
dont la violence annonce l’évolution d’un groupe qui se sert désormais de la
puissance du Heavy Metal pour accentuer l’impact de ses envolées.
Celle-ci
relevait l’ensemble sans le dénaturer, ce qui ne sera pas le cas sur les courts
passages hurlés de « The Void » sorti un an plus tard. Bien que
disposant d’une discographie impressionnante, ne contenant que des disques d’un
éclectisme passionnant, Beardfish n’atteint la perfection que sur ce « Mammoth »
sur lequel il parvient enfin à compacter ses influences dans un tout cohérent.
Il produit ainsi une œuvre originale, inédite, et donc un grand disque de Rock.
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On se retrouve demain, avec "L'Ombre de Staline" film de Agnieszka Holland.
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On se retrouve demain, avec "L'Ombre de Staline" film de Agnieszka Holland.
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