vendredi 2 mars 2018

LE RETOUR DU HEROS de Laurent Tirard (2018) par Luc B.



Voilà une comédie rondement menée, et en costumes, comme on pouvait en voir dans les années 60, inspirée des films de Jean Paul Rappeneau ou Philippe De Broca. Ce dernier ayant souvent dirigé Jean Paul Belmondo, entre autre dans CARTOUCHE ou LES MARIES DE L’AN II. Et à qui compare-t-on souvent Jean Dujardin, le héros qui fait son retour ? à Bébel… Sauf que… Le Dujardin, la quarantaine passée, est physiquement moins svelte, moins virevoltant, plus empâté, mais l’esprit est là.

Laurent Tirard se pose en descendant de ces auteurs de comédies, dites de qualité française (LE PETIT NICOLAS, UN HOMME A LA HAUTEUR, déjà avec Dujardin), qualificatif qui faisaient hurler les jeunes loups de la Nouvelle Vague. Il n’empêche, qu’en choisissant le film en costume, le rythme et la construction du vaudeville, les dialogues débités à la mitraillette, et l’opposition entre personnages masculin / féminin, Tirard verse dans un cinéma codifié, dont il réussit souvent, à retrouver le charme.

L’idée de départ est excellente. Le capitaine Charles-Grégoire Neuville, fiancé à Pauline Beaugrand, est appelé au front. Il lui promet un amour éternel, et de lui écrire tous les jours. Il n’en fait rien. Pauline sombre dans la dépression. Sa grande sœur Elisabeth se substitue au beau capitaine, et comme dans CYRANO DE BERGERAC, crée de toute pièce une correspondance, dans laquelle Neuville a le beau rôle, celui du héros. Elle lui invente des exploits qui redonnent foi et santé à sa jeune sœur. Un peu trop… Elisabeth se résout à faire mourir son héros épistolaire… Mais Neuville revient, et compte reprendre sa place…

L’exposition pose la situation avec des scènes courtes, visuelles, une fois les pièces sur l’échiquier, c’est la suite qui va être intéressante... On tient un vrai ressort de comédie : comment Neuville, le couard, le lâche, le profiteur, le déserteur (excellente scène de repas avec le général Mortier-Duplessis) va pouvoir reprendre son rôle de héros, ne sachant rien de ses exploits, inventés de toutes pièces par Elisabeth ? 

En en faisant des tonnes. En grossissant encore plus le trait. Et dans ce registre, Jean Dujardin excelle, charmeur et faux-cul comme pas deux, se complaisant dans le mensonge, prêt à tout pour combler de ses récits la famille Beaugrand (ah, la mère, excellente Evelyne Buyle, géniale, dévorée d’admiration !) allant jusqu’à se prétendre propriétaire d’un gisement de diamants. Ce qui va lui amener quelques investisseurs, dont il va profiter, inventant à l’occasion le concept de pyramide de Ponzi (modèle d’escroquerie de Stavinski, Madoff…). D'où cet échange entre Neuville et Elisabeth qui souhaite sa part du gâteau : « je veux 50% » « impossible ! vous êtes une femme, vous ne pouvez pas gagner autant qu’un homme » ! « Oh ça va, on n’est plus au moyen âge, mais en 1812 ! Il serait temps que ça change !! » « Bon, 49%... ».

Tirard aurait sans doute pu aller encore plus loin dans les quiproquos, faire en sorte que son héros soit menacé d’être démasqué, le pousser dans ses retranchements. Il invente une intrigue secondaire amusante entre Pauline et son nouveau mari Nicolas, un type palot, transparent, qu’Elisabeth va aussi manipuler pour la bonne cause. Le rôle de Pauline réserve aussi quelques surprises, un tempérament volcanique derrière un minois de jeune vierge.  

Le rythme est soutenu, l’affaire est réglée en 1h30, Tirard se fait plaisir à filmer décors et costumes, mais sans ostentation, glissant ça et là quelques clins d'oeil (l'ouverture de LA PRISONNIÈRE DU DÉSERT...). On pourrait reprocher une mise en scène plutôt académique, mais n'est-ce pas le but de cet exercice ? Côté casting, tout le monde est impeccable. Le scénario est joliment troussé, avec quelques allusions contemporaines bien trouvées (« car c’est notre combat ! vive l’Empire ! » hurle un Dujardin d'une voix saturée et macronienne...) et la pirouette finale est excellente.

On sent qu’avoir donné le rôle d’Elisabeth à Mélanie Laurent avait pour but de la faire sortir de sa sphère « cinéma d’auteur », lui redonner un lustre populaire. Elle s’en sort pas mal, mais j’aurais tout de même préféré voir une Sandrine Kiberlain, qui aurait enlevé le tout avec davantage de naturel et d’insolence.

Une comédie drôle, rythmée et sympathique. Que demande le peuple ? 

LE RETOUR DU HÉROS 
couleur  -  1h30  -  format scope

 


4 commentaires:

  1. Kiberlain ou Laurent ça se discute... Moi perso j'ai adoré le jeu de Mélanie. Et je la trouve en plus bien plus craquante que Sandrine Kiberlain.

    Le film est vraiment bien quoi qu'il en soit. Même si un poil trop court.

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  2. Moi qui râle d'habitude sur la longueur excessive des films, je te rejoins sur ce point. Dans celui-ci, on aurait pu avoir 10 minutes de rabe pour étoffer les choses !

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  3. Chaque décennie a les Belmondo qu'elle mérite ... voir que pour celle-ci Belmondo c'est Dujardin (et Delon Danny Boum ?), me fait penser que ...

    Euh ... Rien en fait ...

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  4. Dans ce cas, ne pense pas. Apprécie, juste. C'est tout... C'est joliment fait, c'est ce qui compte, même si ce n'est pas parfait.

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