Ca lui aura pris 6 ans de
travail, à Bertrand Tavernier, pour concevoir ce long film-documentaire VOYAGE
A TRAVERS LE CINEMA FRANCAIS. Mais y’avait pas déjà un film comme ça… dans le même genre ?
Si, celui de Martin Scorsese, qui voyageait lui à travers LE CINEMA AMERICAIN
(et son VOYAGE EN ITALIE). Il parait évident que le titre
est un clin d’œil au film de Scorsese, les deux hommes se connaissent et
se côtoient, réunis par une même cinéphilie.
Mais le film de Tavernier
diffère sur deux points. Son récit est autobiographique (et non thématique). Si Scorsese égrenait quelques souvenirs, Tavernier en fait la trame narrative de son film. Second point, qui
découle du premier, la sélection est donc plus subjective, et le temps consacré à
tel ou tel metteur en scène, plus long.
La Traversée de Paris / Autant-Lara |
Gabin, justement, le seul
acteur qui aura son portrait dans le film, son jeu, sa gestuelle, ses cheveux devenus blancs en un jour - après un bombardement en Méditerranée. On a beau tout connaitre, ça reste
passionnant. Dans une interview post film, Tavernier se justifie :
« Pourquoi lui, et pas d’autres, ou pas d’actrice ? Parce qu’aucun
comédien n’a eu à cette époque autant d’importance dans l’industrie du cinéma, en achetant des
droits, co produisant, il a initié des dizaines de chefs d’œuvres, qui
n’auraient jamais vu le jour sans lui ».
On reste dans les années
d’avant-guerre, avec une évocation de Marcel Carné, vilipendé par ses scénaristes Prévert ou
Henri Jeanson, comme incapable d’écrire, de créer, de diriger. Fabuleux cet
interview de Jeanson qui dit : « HOTEL DU NORD… qui c’est qui a réalisé
ça déjà… hum... Duvivier ? Non, Duvivier il savait diriger, lui... Ah oui : Carné ! ». Tavernier nuance : « Quand on voit la réussite
de ses films, LE JOUR SE LEVE, QUAI DES BRUMES, LES ENFANTS DU PARADIS… on se dit
que Carné doit bien y être pour quelque chose ! ». Et de montrer par
l’image, telle scène, tel plan, le travail de découpage de Carné qui
s’appropriait les scénarios visuellement. Et qui doit-on la scène fameuse d'Arletty "Est-ce que j'ai une gueule d'atmosphère ?!", à Carné qui apostrophait Jeanson sur son scénario, lui disant : "j'peux rien faire de ta scène, y'a pas d'atmosphère". Furibard, l'autre a écrit ce que l'on sait...
Léon Morin prêtre / Melville |
Casque d'Or - Becker |
Une longue séquence (trop longue ? car quid des directeurs photos ?) s’attache
aux compositeurs de musiques de film (Jaubert, Kosma), à cette spécificité française - contrairement
aux studios hollywoodiens - où le scénariste, le réalisateur, choisissait le
musicien, qui était associé aux étapes de fabrication du film.
Max et les ferrailleurs - Claude Sautet |
Cet argument, et d’autres,
seront développés dans une longue interview (objet du troisième dvd), comme :
1- pourquoi choisir untel, et pas un autre (bah oui Bertrand, et Ophüls, Clouzot, Allégret, Decoin, Verneuil ???) 2- pourquoi si peu de femmes ? A quoi Tavernier répond : citez-moi
trois réalisatrices françaises entre 1930 et 1950 ? 3- y aura-t-il une
suite ? Au cinéma, non. Mais à la télé oui, une vingtaine de courts épisodes sont
prévus, mais dans un autre esprit, sans l’aspect
biographique. Tavernier conclut, pas peu fier, d’avoir eu un certain succès
avec son film aux USA, où des gens de la profession ignoraient qu’il y avait eu
un cinéma français avant Truffaut ou Godard ! Tarantino, qui connait son
JP Melville sur le bout de la rétine, y aurait découvert Claude Sautet !
Le film dure 3h15, et c’est
juste… pas assez ! On en redemande. Tant le récit est fluide, intelligent,
instructif, mais jamais pontifiant ni pompeux. On écoute simplement un type raconter sa passion, et on regarde - comme les gâteaux d'une vitrine de pâtisserie - des centaines d’extraits
judicieusement choisis, montés, imbriqués, des interviews ou de reportages d’époque, des anecdotes à foison.
Mais ce qui est terrible, c’est que ça donne
surtout envie de voir ou revoir tous ces films dont il parle, et ça, malheureusement,
une vie n’y suffirait pas !
couleur et N&B - 3h15 - format 1:1.85 + dvd bonus : 1h30.
Autant dans le film lui même, Tavernier a écrit ses textes (au passé simple souvent !) autant dans l'interview, c'est une discussion sans montage, et le débit de parole en pâtit - hésitation, répétition...
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire