jeudi 14 décembre 2017

R.I.P. FATS DOMINO (1928-2017)

Ça vous a peut être échappé même si les médias s'en sont fait un peu l'écho  mais une authentique légende du rock'n'roll  nous a quitté en cette fin d'année 2017. En effet Fats Domino est décédé le 24 Octobre à l'age de 89 ans; quelques mois après  Chuck Berry, laissant Jerry Lee Lewis et Little Richard seuls survivants de ces temps héroïques... Lui c'est vraiment un de ceux qui ont inventé le rock'n'roll, sans vraiment s'en rendre compte d'ailleurs : à la question comment avez vous commencé avec le rock'n'roll il répondait  "vous savez pour moi ce qu'on nomme le rock'n'roll,  moi j'appelle ça du Rythm'n' Blues et j'en joue depuis plus de 15 ans" (début des années 40). Pour les plus jeunes, il faut savoir qu'en ces temps là sévissait la ségrégation aux Etats Unis et que ce qui était joué par les noirs, dont le Rythm'n'blues, était baptisé dédaigneusement "race records" (disque de race!). Comme Ray Charles ou d'autres Fats souffrira de la ségrégation lors de ses tournées dans les états du Sud, il fut même interdit de jouer parfois, mais ses concerts qui commençaient à attirer un public de jeunes blancs qui se mélangeaient au public noir constituèrent une menace pour l'apartheid et furent interdits dans certaines villes, en tous cas ils contribueront à faire évoluer les mentalités.

Il pousse ses premiers cris le 26 Février 1928 dans un modeste logement à la plantation de sucre où s'échinent ses parents, sur les bords du Mississippi, à l'Est de  Nouvelle Orléans, ville à laquelle il restera fidèle toute sa vie. Comme à sa femme Rosemary d'ailleurs qu'il épousera à 19 ans et avec laquelle il aura 8 enfants. Au milieu de ses 7 frères et sœurs  le petit Antoine Dominique se passionne très jeune pour la musique dont il apprend les bases auprès de son beau-frère, joueur de banjo dans les orchestres locaux, puis en autodidacte en écoutant la radio et les disques familiaux. A 10 ans la famille hérite d'un vieux piano et il s’entraîne inlassablement.

Mais il faut gagner sa croûte jeune en ces temps là, et à 11 ans, il quitte l'école pour travailler dans une manufacture, à l'age de 14 ans il commence à se produire dans les clubs et à 20 intègre l'orchestre de Billy Diamond. C'est lui qui lui trouve son sobriquet de "Fats" Domino, référence au pianiste Fats Waller que Domino adore - et également pour son embonpoint. A 21 ans il se fait remarquer par Dave Bartholomew, saxophoniste, compositeur, arrangeur, chanteur et chef d'orchestre mais également à l'époque directeur artistique d'Imperial Records qui le signe aussitôt ( hé oui, à cette époque il y avait des gens compétents à la tête des maisons de disques et pas des commerciaux).

Domino et Bartolomew entament une longue collaboration, co-écrivant nombre des succès de Fats, dont le premier "The fat man". Bien d'autres vont suivre dans ces fifties qui constituent le somment de sa carrière et de sa popularité (Detroit city blues, Gn'home, poor me, aint that a shame (repris par Cheap Trick sur le live at Budokan en 1978), "blue monday", I"'m walkin", "All by myself", "Blueberry Hill" (*) et "Tin pan Alley" en 1955 etc). Sa musique est un savant mélange de diverses cultures et styles : boogie woogie, ragtime, blues, gospel, créole, fanfare New Orleans, jazz, country,  souvent festive et dansante et ralliera aussi bien le public noir du Rhythm'n'blues que le public blanc naissant au rock'n'roll. A noter qu'il apparaîtra aussi dans plusieurs films musicaux à succés ("The girl can't help", "Shake rattle and roll", "the big beat", "disc jockey jamboree", "let the good time roll").

Sa carrière connaîtra ensuite des hauts et des bas, plus creuse notamment au milieu des années 60 où la british invasion attire les lumières - et le tiroir caisse - sur les groupes anglais (Beatles, Stones, Who..) au détriment des pionniers locaux du rock'n'roll. A noter que les déclarations d'Elvis - son plus grand fan - ont fait aussi pour  sa popularité "beaucoup de gens semblent penser que j'ai déclenché ce business (le rock'n'roll) mais le rock'n'roll était là bien avant que j'arrive. Personne ne peut chanter cette musique comme les noirs ("colored people" dans le texte), je ne pourrais jamais chanter comme Fats Domino". Et à Vegas en 1969 à un journaliste qui l'appelle "le King" il répond, "non le vrai King il est dans la salle", désignant Fats assis dans l'assistance, un bel hommage. 

avec Jerry Lee et James !
Fats tourne en Europe en 1967 pour la première fois et en 1968 publie "Fats is back" avec notamment une reprise de "Lady Madonna" des Beatles, juste retour des choses car Lennon et MacCartney comptaient parmi ses admirateurs et l'ont  repris, comme d'ailleurs les Stones, les Animals ou d'autres groupes de british blues. A partir des années 80 il se fera plus rare, fatigué de la vie en tournée.

En 1986 il est intronisé au  Rock'n'Roll Hall of fame et classé parmi les 10 plus influents pionniers du rock (avec Elvis, Ray Charles, Chuck Berry, Little Richard, Jerry Lee Lewis, James Brown, Sam Cooke, Everly Brothers, Buddy Holly).

En 2005 sa maison est inondée par l'ouragan Katrina et on le croit disparu. Des fans laissent même un message de deuil sur les murs de sa propriété ("RIP Fats") mais il est finalement rescapé, il s'impliquera ensuite dans des concerts de charité et sort un live en 2006 "Alive and kicking", son dernier  enregistrement.

Les chiffres donnent le vertige, de 1955 à 1987 il aura sorti prés de 150 LP (dont des live et des best of) pour Imperial, puis ABC, Mercury, United Artists et d'autres labels.  65 millions de disques vendus, 23 disques d'or, des hits à  la pelle. Pas facile de s'y retrouver dans tout ça, surtout que depuis 1987, plus de 300 cd sont apparus sur le marché ! Citons l'excellent Coffret paru chez Frémeaux et associés, 6 cd  "the indispensable Fats Domino 1949-1962", une formidable idée de cadeau de Noel pour moins de 40€... (lien vers sa discographie complète : rocky-52.net/chanteursd/domino).

On le voit c'est un artiste majeur qui nous a quitté et j'aurais bien aimé voir des spéciales à la télé ailleurs que sur Arte à 4 heures du matin...

On n'oubliera ni sa virtuosité ni son éternel sourire, RI.P. FATS, thank you

* Blueberry Hill,  pièce crée en 1940 par Vincent Rose reprises notamment par Glenn Miller et Louis Armstrong avant la version la plus connue de Domino en 1955, ensuite Elvis, Little Richard ou Jerry Lee la chanteront aussi, tout comme Johnny et Eddy en France.

ROCKIN-JL

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