- Un peu de musique de divertissement
cette semaine M'sieur Claude ? Les danses hongroises de Brahms sont un peu la
musique de variété de l'époque romantique…
- Ma foi Sonia on peut le
dire comme cela après tout. Brahms les a écrites pour piano (parfois à quatre mains), en
a orchestré quelques-unes et d'autres ont achevé ce travail.
- Je regarde sur le livret. En effet, on y voit Dvorak en personne et même le chef Ivan Fischer
lui-même. Heu, vous aviez parlé de sa version de la symphonie "pastorale"
de Beethoven je crois ?
- Oui, Ivan Fischer est
l'un des chefs européens les plus talentueux à la tête de son orchestre du
festival de Budapest. Ces danses sont virevoltantes surtout qu'il y apporte une
couleur tzigane…
- Oui, on entend un
cymbalum et il y a une photo d'artistes tziganes dans le livret. Ivan Fischer
reste fidèle à ses origines hongroises…
- Tout à fait…
Toujours souriant, les yeux malicieux, Ivan Fischer, comme bien des intellectuels (et pas
seulement) hongrois a bien des soucis. Il ne s'accommode pas, mais alors pas du
tout du régime fascisant de Viktor Orban.
(Repère de l'extrême droite mondiale pour reprendre une expression du journal Le Monde.) Il le crie un peu trop
haut et les sanctions n'ont pas tardé à tomber : diminution drastique des
subventions pour l'orchestre et autres activités musicales que le chef contrôle
avec talent et humanisme. Fichtre ! Seconde fois que je parle des interactions
négatives entre l'art et la politique ce mois-ci ; déjà le Venezuela lors de la
chronique de musique latino dirigée par Gustavo
Dudamel…
Ivan Fischer ne baisse pas les bras et une remarquable interprétation de la 3ème symphonie de Mahler vient de paraître (lu ce matin dans Diapason).
Le disque présenté ce jour est un régal !
Ô les enregistrements de tout ou partie de ces danses font les beaux jours de
la discographie grand public, mais souvent avec des accents germaniques très
prononcés. Et là, la légèreté de l'orchestre du festival de
Budapest fait miracle. Par ailleurs, pour
"folkloriser" le flot musical, Ivan Fisher a fait appel à un trio de musiciens tziganes de premier ordre :
Aux violons tziganes : József Lendvay fils et József Lendvay Senior. Au cymbalum : Oszkár Ökrös. (Une légende vivante de cet instrument dans son pays.)
József Lendvay Jr |
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Brahms va se
passionner pour la musique tzigane sous l'influence du violoniste hongrois Ede Reményi
(1828-1898) avec qui il se lia d'amitié vers ses 15 ans. Comme beaucoup de
compositeurs allemands ou austro-hongrois, le jeune homme collectionnera
les thèmes populaires et folkloriques entendus au cours de ses pérégrinations
dans toute l'Europe du XIXème siècle.
Brahms composera ses 21 danses
pour le piano (parfois à quatre mains) entre 1867 et 1880, plutôt en
début de carrière donc, et dans le même état d'esprit qu'un passionné de mots
croisés. Je veux dire par là que le maître ne leur attribuera jamais de numéro
d'opus comme si il considérait ses friandises musicales indignes de figurer
dans son catalogue à côté de ses symphonies, concertos, chefs-d'œuvre
de musique de chambre ou encore son Requiem allemand… À ce sujet,
plusieurs chroniques sont parues depuis sept ans sur divers ouvrages (Index).
Une biographie est à lire dans l'article consacré à deux quintettes
d'exception (Clic).
L'orchestration
sera écrite de la main du compositeur uniquement pour les trois premières et la dixième. De
nombreux compositeurs ou artistes s'amuseront par la suite à les orchestrer. Il
y a du choix, mais pour cet album, Ivan Fisher propose ses propres orchestrations (voir tableau) pour quelques-unes.
(D'où la présence d'artistes de culture tziganes et amis du maestro.) Il a
également retenu deux transcriptions de Robert
Schollum, musicologue et compositeur autrichien du
XXème siècle. Un autre compositeur allemand méconnu Albert
Parlow se pliera également à l'exercice. Encore
plus discret, le compositeur hongrois Frigyes
Hidas, mort en 2007, a apporté sa pierre à
l'entreprise et enfin, le plus célèbre de tous, Antonin
Dvorak a orchestré les cinq dernières, mais Ivan Fisher ne joue que les trois qui terminent le CD, préférant celles de son compatriote Hidas pour les n° 17 & 18.
Voici
un tableau qui donne le timing de la vidéo et le nom des auteurs de
l'orchestration :
1.
0:00 - (Brahms)
2.
3:12 - (Fischer)
3.
7:13 - (Brahms)
4.
9:23 - (Fischer)
5:
14:21 - (Fischer)
6:
16:52 - (Parlow)
7:
19:57 - (Fischer)
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
|
8:
21:47 - (Schollum)
9:
24:58 - (Schollum)
10.
26:57 - (Brahms)
11.
28:43 - (Fischer)
12.
32:31 - (Fischer)
13.
35:01 - (Fischer)
14.
36:31- (Fischer)
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
|
15:
39:01 - (Hidas)
16.
41:39 - (Parlow)
17.
44:35 - (Hidas)
18.
47:47 - (Hidas)
19.
49:12 - (Dvorak)
20.
50:49 - (Dvorak)
21.
53:46 - (Dvorak)
xxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxxx
|
Brahms et Dvorak étaient de bons amis et il n'est pas rare de trouver des disques qui réunissent une sélection de danses hongroises de l'un avec quelques danses slaves de l'autre... C'est le cas d'un bel album des années 60 signé Herbert von Karajan. |
Un orchestre tzigane des siècles passées |
Inutile
de préciser mes chers lecteurs qu'une analyse personnel sur le fond
psychologique ou la forme musicologique n'a pas sa place dans ce billet faisant
la part belle à des pièces de divertissement, comme récemment des divertimenti
de Mozart ou les pièces
symphoniques latino-américaines sous la baguette de Gustavo
Dudamel.
On
écoute un tel disque de la même manière que Maggy Toon plonge avec délice dans
une boîte de bonbons au chocolat 😊 ! Une à une. (J'avoue, je
participe.)
Deux
petits exemples. La 5ème
danse est vraiment très connue car source de nombreuses
illustrations sonores au cinéma. Qui n'a pas vu la scène du barbier dans le
Dictateur de Chaplin où Charlot rase un client un peu angoissé sur fond de la musique de Brahms menée à un tempo
frénétique… La vidéo met en avant la prouesse de
Chaplin (bien entendu) mais aussi la vitalité humoristique de cette pièce d'un
peu plus de 2 minutes, ses changements incessants de tempo, de couleurs ; tout un
village qui danse, des villageois qui font tournoyer les belles bohémiennes. Ivan Fisher adopte un tempo moins énergique et
distille ainsi une belle douceur bucolique, la tendresse entre les danseurs et
danseuses.
La
danse n°11
est l'une qui fait intervenir le cymbalum. Une danse lente très poétique. On
sera surpris comment un colosse de la carrure de Oszkár Ökrös peut jouer avec autant de délicatesse accompagnée par les violons tziganes…
La n°12 magnifie le son de ces instruments typiques avec encore plus de vitalité
débonnaire.
Oszkár Ökrös
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