Même
dans ses films les plus légers, il y en a quelques-uns, François Ozon a
toujours recherché la transgression. Son succès tout rose bonbon dans la forme
HUIT FEMMES dégageait des trésors de noirceur et de perversité. Il a toujours
joué avec les ambiguïtés sexuelles de ses personnages, leurs pulsions assouvies
ou non.
Dans
L’AMANT DOUBLE il met les pieds en plein dedans ! Le premier plan donne le
ton, avec ce travelling arrière qui sort d’un vagin, pour se fondre sur un œil…
Bon, on est dans un cabinet de gynéco, mais tout de même ! Fallait
oser ! Montage quasi surréaliste qui renvoie AU CHIEN ANDALOU de Buñuel,
aux photos de Man Ray.
Pas
de scène d’exposition, Ozon entre dans le vif de son sujet, en quelques plans.
Chloé, dépressive, se rend chez un psy, Paul Meyer. Au fil des rendez-vous, elle tombe amoureuse de son thérapeute, qui lui rend bien.
Transgression. Ils s’installent ensemble. Et Chloé découvre des choses…
Je
ne spolie pas l’intrigue - on connait le sujet du film. Paul a un jumeau,
Louis, un double maléfique, qui va s’immiscer dans la vie du couple. C’est
comme Clark Kent / Superman, y’en a un avec des lunettes, l’autre non ! Pas
mal de films nous viennent à l’esprit, et pas des moindres, comme le FAUX
SEMBLANT de Cronenberg, VERTIGO ou PSYCHOSE d’Hitchcock, BASIC INSTINCT de
Verhoeven, le Kubrick d'EYES WIDE SHUT, le BODY DOUBLE de De Palma (ou
Vertigo, donc, c’est pareil !), et l’esprit de Roman Polanski plane -
notamment dans les scènes avec la voisine, grâce à
la composition doucement flippante de Myriam Boyer. On pense à ROSEMARY’S BABY, REPULSION, LA VENUS A LA FOURRURE…
"Psycho"... sort de ce corps ! |
Avec
des parrainages aussi prestigieux, on pouvait s’attendre à un thriller aussi
élégant que malsain. Y’a juste un problème. Après 10
minutes efficaces, les faces à faces entre Chloé et Paul deviennent vite
redondants. Il ne se dégage pas grand-chose de leurs entrevues, qui
prennent un temps fou, puisqu’on a compris assez vite qu’ils deviendront
amants, et que le double, Louis, aura lui aussi sa part de gâteau. Et quand on
s’ennuie, on est moins concentré, on rate des trucs, on pige encore moins.
Car
- et là je ne spolie pas ! - une intrigue va en cacher une autre. Et du
genre tarabiscoté. Sauf que ce regain d’action, ses nouveaux développements,
arrivent un peu tard. Il y a pourtant plein de bonnes idées, celle de faire de
Chloé une gardienne de musée, femme désincarnée, que personne ne regarde, un
objet parmi ceux exposés. La voisine de palier, Rose (comme Mia Farrow dans le
Polanski…) est un personnage ambigu à souhait, sa seule présence à l’écran
dissipe une petite angoisse.
La
mise en scène est comme toujours très travaillée, la photo est superbe, chaque
mouvement de caméra respire la maitrise, la précision. Ozon sait filmer, pas de
doute. Il y a des plans merveilleux, Chloé au téléphone sous une œuvre d’art,
comme des branches d’arbre, dans son musée. Les décors sont particulièrement bien
choisis, utilisés. François Ozon use du procédé split-screen (écran divisé) qui
sied évidement au thème, un effet vidéo lui permet aussi de dédoubler Chloé
dans une scène d’amour, bien vu. Et à propos, qui dit thriller érotique, dit
scènes de sexe… y’en a.
Mais
ça ne décolle pas. Cronenberg distillait son venin malsain et flippant,
l’héroïne avait toute notre attention. Verhoeven usait des ficelles du Film
Noir, du polar, on était toujours aux aguets. Je ne parviens pas à m’intéresser
au cas de Chloé, froide comme une pièce de marbre dont sont faites les
sculptures qu’elle surveille. Pas sûr
que le jeu des acteurs, Marine Vacht et Jérémie Renier, atone, aide beaucoup.
Outre Myriam Boyer, on y croise aussi Jacqueline Bisset, toujours très classe.
Un
thriller devrait faire frissonner, s’il est érotique, il devrait exciter... On se rattrape sur le travail de mise en scène très
élaboré, mais l’histoire et les personnages nous passent un peu au-dessus.
L'AMANT DOUBLE (2017)
couleur - 1h45 - scope 1:2;35
000
Chez certains commentateurs, on remarque qu'immanquablement des photos de jeunes filles ornent leur chronique ...
RépondreSupprimerSerait-ce du racolage ? Ou bien un penchant incontrôlable ? Ou les deux !?
J'ai trouvé ce film "inutilement" dérangeant (bonjours la scène d'ouverture !).
RépondreSupprimerTout y est glacial et malsain, et pas forcément très compréhensible en plus. Pas sûr de l'avoir moi même entièrement compris ce film. Et visiblement, au regard des personnes qui sortaient de la salle, la confusion semblait prédominer chez une majorité d'entre eux.
Dans un autre registre, "Get Out" m'a plus largement surpris. Dans le bon sens du terme.