- Mendelssohn le retour M'sieur Claude ! C'est quoi ce titre
énigmatique ? On attend concerto, symphonie, sonate, quatuor, etc. Mais
Romances sans paroles…
- Des lieder mais sans la
voix, de charmantes pièces très libres de forme, écrites tout au long de sa vie et
réunies dans six cahiers…
- Ah oui, donc pas des
nocturnes, des ballades, mais des poèmes mis en musique pour un piano solo…
- Oui, tout à fait Sonia,
cela dit, ces jolies pièces dédicacées la plupart du temps à des femmes
auraient inspiré les nocturnes de Chopin, à vérifier…
- Nous avions écouté
Daniel Barenboïm chef d'orchestre dans la Dante symphonie de Liszt, et ce jour
c'est le pianiste dans un double album assez ancien je crois.
- De 1974, mais beaucoup
considèrent que le talent de cet artiste était alors au sommet, et cette gravure
garde depuis un statut de référence dans ce cycle pianistique…
Daniel Barenboïm au début des 70' |
Felix Mendelssohn est surtout
connu des mélomanes débutants pour Le songe d'une
nuit d'été,
son octuor et ses symphonies
"italienne" et "écossaise". Les pianistes amateurs
connaissent bien ces six recueils de six romances sans paroles. Des pièces
inclassables mais dont le titre évocateur de romance indique bien leur
intention lyrique, tendre et romantique.
Peut-on
parler de lieder sans voix ? Oui et non, les romances sans paroles ne sont pas
forcément des accompagnements pour une mélodie sans texte, sans la soprano et
le baryton chantant la main sur le cœur et l'autre main sur le piano… Il faut
rappeler que Mendelssohn
fut un père fondateur du romantisme. Dès 19 ans, il commencera à composer ces
petits morceaux poétiques et offrira l'un d'eux à sa sœur Fanny pour son anniversaire… Lisons ce qu'écrivait la jeune femme de
23 ans dans son carnet intime : "Félix m'a donné une Romance sans paroles pour mon album
(il en a écrit récemment plusieurs qui sont magnifiques)".
Les
48 romances réunies en huit recueils seront publiées entre 1830 et 1845, il faut
mettre en regard la courte vie du compositeur : 1809-1847, 38 ans d'une activité intense, écourtée bien tôt par une
mort provoquée par le chagrin inconsolable causé par la disparition de Fanny qu'il aimait tant. Des temps de
jeune adulte jusqu'à la fin prématurée, le compositeur reviendra sans cesse à
cette forme intime, à l'opposé des œuvres plus grandioses comme les oratorios
Elias et Paulus. Si les romances paraissent chez les éditeurs de manière
discontinue, leur composition l'occupe à tous ses moments perdus. Même si le temps
perdu n'est guère discernable chez cet homme hyperactif dès la préadolescence !
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Fanny Mendelssohn (1805-1847) |
Très
apprécié dans ses débuts de carrière dans les années 60' et 70', la critique
semble bouder le virtuose et le chef et vilipende un peu trop facilement ses
gravures récentes, il me semble. Il est vrai que depuis son départ de l'orchestre symphonique de Chicago
en 2006, le musicien paraît se replier sur un répertoire assez classique et
chercher à suivre une fin de carrière tournée vers un large public. Pour Daniel Barenboïm, la
musique classique se doit d'être un langage d'humanisme et de réconciliation
des peuples, d'où la création par exemple de l'Orchestre Divan occidental-oriental, une
phalange israélo-arabe qui ne peut rivaliser avec les grandes philharmonies
historiques, bien évidemment, mais ce n'est pas le but ! Malgré un répertoire
très large, le pianiste se plaît à donner chaque année l'intégrale des sonates de Beethoven en concert. Ô oui, ce n'est pas
révolutionnaire, il y a pléthore d'interprètes, mais pourquoi nos chers
critiques ont la fâcheuse manie de transformer leurs commentaires sur les programmes
ou les parutions de disques en olympiades vachardes ?
Consolation
: à lire quelques commentaires "étoffés" de mélomanes amateurs sur un
site bien connu, on constate que l'indice de sympathie envers Daniel Barenboïm reste
entier, et pas uniquement pour la personnalité attachante, et qu'un grand
nombre de ses gravures récentes sont appréciées !
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Comme
toutes les œuvres écrites au fil du temps d'une carrière (nocturnes de Chopin ou de Fauré), il est possible
d'écouter ces romances par petit groupe ou dans le désordre le plus complet.
Aucune suite logique ne guide l'inspiration de Felix Mendelssohn. On prétend d'ailleurs que sa sœur Fanny, brillante
pianiste, pourrait en avoir écrit quelques-unes… En cette époque très
machiste, les compositrices voyaient la plupart du temps leur travail publié
sous le nom d'un créateur masculin réputé !
De
vous à moi, écouter dans la continuité 48 romances
peut lasser de la même manière qu'il est difficile d'appréhender sans interruption
les 59 Mazurkas
de Chopin même sous les
doigts de magicien de Jean-Marc Luisada…
Clara Schumann |
Établir
un tableau chronologique montre le parallèle entre les périodes d'écriture de
chaque recueil en regard de la composition et de l'évolution vers des ouvrages
de plus en plus ambitieux de Mendelssohn : du joli Quintette
(Clic),
de la pétulante symphonie italienne, du célèbre concerto
pour violon, en passant par l'oratorio
à la manière de Bach : Elias, jusqu'au au douloureux et ultime Quatuor…
Recueil
|
Composition
|
Publication
|
Œuvre
contemporaine
|
Recueil
|
Composition
|
Publication
|
Œuvre
contemporaine
|
Opus 19
|
1829-1830
|
1830
|
Quintette n°1
|
Opus 62
|
1842-1844
|
1844
|
Concerto pour violon
|
Opus 30
|
1833-1834
|
1835
|
Symphonie N°4
|
Opus 67
|
1844-1845
|
1845
|
Elias
|
Opus 38
|
1836-1837
|
1837
|
Concerto piano N°2
|
Opus 85
|
1834-1845
|
1851
|
Le Songe d’une nuit d’été
|
Opus 53
|
1839-1841
|
1841
|
Variations sérieuses
|
Opus 102
|
1842-1845
|
1868
|
Quatuor op. 80
|
Autre
caractéristique montrant la vocation intimiste de ces recueils techniquement
assez faciles (parait-il), cinq d'entre eux sont dédiés à des femmes avec qui
l'émotif Mendelssohn
nouait des liens affectueux.
Recueil
|
dédicataire
|
Recueil
|
dédicataire
|
||||
Opus 19
|
????
|
Opus 38
|
Rosa von Woringen
|
Opus 62
|
Clara Schumann
|
Opus 85
|
Édition posthume
|
Opus 30
|
Elisa von Woringen
|
Opus 53
|
Sophia Horsley
|
Opus 67
|
Sophie Rosen
|
Opus 102
|
Édition posthume
|
Cécile Mendelssohn (Épouse de Félix) |
Pas
de commentaires très techniques ou musicologiques cette semaine sur ces
charmantes Romances
sans paroles. Imaginons des friandises, des petits textes ou
poèmes mis en musique, des chansons entonnées par l'unique voix du piano.
D'ailleurs chaque romance porte un titre poétique qui peut nous aiguiller vers
le monde onirique et charmeur illustré par la mélodie.
Opus 19 - 1 – Andante con moto ("Doux
souvenirs") : la mélodie suit la ligne sinueuse des arpèges à
la main gauche. La main droite chante une ritournelle plus modulée, nostalgique
et aux ruptures de ton évocatrices des sentiments qui se bousculent dans l'âme
du musicien. Une pièce d'une infinie tendresse, et surtout un toucher élégiaque
et galant du clavier de Daniel Barenboïm. Quels souvenirs ? Mystère et peu importe.
Le souvenir se veut idéalisé telle une rêveuse et voluptueuse métaphore sonore. La délicatesse du propos définit dès ce premier essai les règles du genre qui marquera la longue histoire de ces romances…
Opus 19 - 5 – Piano Agitato ("Agitation")
: [9:35] la
forme se révèle très diversifiée d'une pièce à l'autre pour éviter la
monotonie. Ainsi cet agitato au rythme enlevé voit les deux lignes mélodiques dédiées
à chaque main s'affronter dans une facétieuse escarmouche. Des accords
plus marqués cherchant à emporter la bataille. Daniel
Barenboïm
conserve un jeu léger, chaque note conquiert sa place dans ces chicaneries débonnaires.
Opus 30 - 3 –
Adagio ma non troppo ("Consolation ") : [20:45]
Encore un nouveau style : celui d'une berceuse inspirée d'un chant populaire. À
mi-chemin entre une ballade et un nocturne, la mélodie se veut simple, aux
antipodes de la polyphonie de l'exemple précédent et de ses voix conflictuelles.
Non, ici une homophonie comme le récit d'une maman au chevet de son enfant à
l'heure du marchand de sable. La partie centrale est gagnée par une hardiesse
plus percutante. L'épisode héroïque d'un conte de grand-mère ? Simple
supposition… Là encore Daniel Barenboïm laisse planer un chant subtil dépourvu de
toute brutalité dans les accords du développement.
Chaque pièce possède une personnalité propre. [23:00] Ainsi la
romance N°4 de l'opus 30 qui suit
consolation assure
un contraste musical bien tranché par sa fougueuse fantaisie. Elle est notée Agitato e con fuoco. Son sous-titre
étant Le vagabond, on ne
sera pas surpris par la vitalité d'un personnage digne de Till l'espiègle. Je
vous laisse savourer à votre guise ces 48 miniatures…
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