Rien que la pochette : ce double canon juxtaposé (1), semblant sortir brusquement de nulle-part, menaçant, prêt à faire parler la poudre. Et le patronyme : POINT BLANK, écrit en caractères taillés dans l'acier. Simple et naïf au possible mais qui ne laisse place à aucun doute quant au contenu. Du Rock qui envoie du lourd, du plombé, qui doit faire mal et qui doit laisser des traces. On s'attend à une déflagration de guitare ardentes en guise de chevrotines. C'est "In your face", et c'est bien le but recherché ; tant par le nom que par l'image.
Voilà deux ans que le groupe tourne sans cesse, s'aguerrissant sur les scènes d'Amérique du Nord en profitant de diverses premières parties prestigieuses ; dont celle de Lynyrd Skynyrd (avec qui il tourneront à maintes reprises, jusqu'au crash), Marshall Trucker Band, Foghat, Grand Funk Railroad, Ted Nugent, Charlie Daniel's Band, Kiss, ZZ-Top (évidemment puisqu'il partage le même manager, Bill Ham), Aerosmith, War, et Bob Seger. En conséquence, leur répertoire est bien rodé, et porte parfois la marque de ces groupes (à l'exception de Kiss) qu'ils ont côtoyés (soudant parfois quelques liens, notamment avec ZZ-Top avec qui ils resteront bons amis). Ils enregistrent ainsi rapidement un premier opus éponyme, en ne recourant aux overdubs qu'en de rares occasions. Avec pour résultat, un disque qui sonne cru,brut, vivant, organique.
Le disque est introduit par un riff binaire, joué par une guitare lourde, pesante, paresseuse (Tony Iommi en guest ?), sur laquelle vient se greffer une slide dérapante, à la limite de vriller les tympans. Un chanteur, un hurleur, vient cracher ses mots pleins de morgues et d'arrogances. Du Hard-Blues sentant la sueur et le graillon. Et puis d'un coup, au bout de deux minutes, ça part en vrille. "For such a free free man !". A fond la caisse, le truck, la remorque pleine, passe la 5ème en descente, et écrase le champignon ; pied au plancher ! Deux guitares gazouillent tels deux rossignols mutants chargés de rayons gamma.
Si le riff de "Moving" nous rappelle au bon souvenir de "ZZ Top's First album" et de "Rio Grand Mud", voire de Blackfoot (de la trilogie animalière) ; le chant lui, est foncièrement agressif et belliqueux (et quand on voit la carrure du gaillard, on le laisse tranquillement s'exprimer, sans interférer). Ces refrains semblent au bord de la schizophrénie. C'est du robuste. Et toujours ces deux grattes qui prennent un malin plaisir à accélérer un instant le tempo. Il y aurait même quelques réminiscences des Canadiens du Bachman-Turner-Overdrive.
"Wandering" serait presque du Wishbone Ash première époque, avec même quelques passages mielleux, entre Rock-progressif et ballade bluesy... portés par un chant de brute éméchée. La large partie instrumentale cultive activement les twins-guitars telles que l'ont élaborés le duo Andy Powell et Ted Turner. Cette pièce n'aurait nullement dépareillée sur le fameux "Live Dates" du quatuor Anglais.
"Bad Bees" s'égaye avec ferveur, et aisance, dans un Boogie-rock Texan, bien dans le style de ZZ-Top, avec John O'Daniel et Kim Davis qui prennent successivement le relais du chant à chaque couplet. Fabuleux solo chantant et lumineux de Rusty Burns. On regrette juste que ce boogie premier cru n'est été limité qu'à seulement deux petites minutes trente. C'est court mais intense.
On a parfois fait la remarque au groupe de certaines similitudes avec le célèbre trio Texan, subodorant donc une source d'inspiration notable. Ce que les intéressés réfutent, arguant plutôt quelques sources d'inspirations identiques, ainsi qu'une bien naturelle filiation texane commune.
Et comment qualifier "That's The Law" ? Ou, au minimum, tenter de le cerner ? Sinon de le prendre simplement tel qu'il est. Tout simplement du pur Point-Blank, avec ce mélange de Southern-Rock et d'un Heavy-Rock américain, à peine bravache, fier de soi, et respirant l'envie de vivre. Du gros Rock qui tache dont les grandes lignes ont été édicté par les Grand Funk Railroad et Ted Nugent. John O'Daniel s'y montre particulièrement hargneux, la bave à la commissure des lèvres, mordant à pleines dents ses mots.
Du Boogie-rock encore, toutefois, ici, en plus musclé. Quoique le riff de "Lone Star Fool" aurait très bien pu être signé de la main de Mel Galley, pour un titre perdu de Heavy-Funk / Hard-blues dont il avait le secret.
Après toute cette déferlante de titres relativement massif et assez agressifs, la ballade "Distance" paraît s'être égarée. Au lieu d'apporter un peu de fraîcheur, c'est plutôt la douche froide. On dirait une démo de Trapeze (pour rester dans le cadre de Mel Galley, encore approprié dans ce cas), une ébauche, avec une imitation passable de Glenn Hughes. Il y a là de la matière qui aurait méritée d'être mise de côté un temps, pour être mûrie et être retravaillée. Les ballades ne semblent pas alors être le fort du quintet Texan. Cependant, dès l'album suivant, le tir sera rectifié.
Les références à Mel Galley et Trapeze ne sont probablement pas fortuites puisque c'était au Texas que le trio Anglais avait récolté le plus de succès.
On frôle l'apothéose avec "In this World" en final. Malgré ses pieds bien ancrés dans la terre Texane, ses airs évidents de Rock Sudiste, et son riff millésimé Johnny Winter 73-74 ("Still Alive and Well", "Saints & Sinners", "Johnny Dawson Winter III"), de ce petit bijou transpire quelques gouttes de Bob Seger ainsi que du Deep-Purple Mark III ; plus précisément celui de l'album "Stormbringer". "I like to live my life the way I love ; a brandnew girl each day. Now if you want some good ol' Texas lovin', come on, and stare my way !"
Si Point-Blank fait assurément partie de la famille du Southern-Rock, avec ce premier jet rien n'est vraiment sûr. D'autant plus que lorsque le disque se retrouve dans les bacs des disquaires, en 1976, les poids-lourds du genre n'étaient pas encore de ce monde. Molly Hatchet ne sortira son premier fait d'arme que deux ans plus tard. Bien qu'évidemment très influencé par les fleurons d'un rock dit Sudiste, le quintet a l'intention de plomber le propos. En particulier avec du Rock-maison, soit Texan. En l’occurrence celui de ZZ-Top, de Johnny Winter, de Nitzinger, de Corpus, de Rocky Athas. Mais on sent aussi derrière, le poids d'un Foghat. Une empreinte plus qu'évidente sur les accélérations. Ainsi, on ne s'étonnera pas de savoir que la bande à Burns a parfois accompagné sur les routes, le groupe de Lonesome Dave Peverett et de Rod Price. (Le groupe Anglais était alors très populaire en Amérique du Nord, au point d'y emménager).
Depuis le Southern-Rock promu par les Allman Brothers Band, des groupes de jeunes énervés, mais talentueux, faisant crépiter leurs amplis avec un Rock fougueux et parfois élégant. Il semblerait que le Heavy-Rock de combos à double guitares tels que Wishbone Ash et Blue Öyster Cult aient laissé une marque indélébile chez les Sudistes. Sans oublier Foghat qui, bien qu'étant un pur produit du British-Blues (certes, avec une empreinte US marquée), a parfois été catalogué parmi les groupes de Southern-Rock.
Un disque qui fera date, et qui pose aussi un nouveau jalon. Celui d'un Southern-Rock qui s'en-Hardit, qui s'enivre des sons des barbares cultivant le gros son craché par des murs de Marshall en surchauffe.
Premier essai réussi. Le suivant, "Second Season", qui incorpore quelques occasionnelles guitares acoustiques sans perdre en impact et en pêche, fait encore mieux. La suite par contre, devient plus discutable, mais offre encore quelques pépites de Southern-Rock juteux, mais aussi de Heavy-rock et de Rock US mélodique.
Néanmoins, Point-Blank n'était pas le seul à faire parler la poudre. La même année, des irrespectueux, des trublions osaient partir au galop pour le seul plaisir du vent dans les cheveux, et dégainer à la moindre occasion leurs flingues, sans respect pour le shérif. Dont Ultra, Coyote et Blackfoot. Mieux, dès 1974, Hydra avait déjà tirer une première salve meurtrière avec son très bon disque éponyme. Sans oublier Alamo, ce groupe de San Antonio qui ne réalisa qu'un seul disque en 1971 et qui, par certains de ses aspects (d'autres sont nettement plus ancrés dans un Heavy-rock légèrement psyché, parfois proche des premiers Uriah-Heep), pourrait préfigurer Point-Blank (flagrant sur la première pièce).
Aujourd'hui, POINT BLANK n'est plus et ne pourra plus renaître ; son leader et fondateur James Russell "Rusty" Burns étant décédé le 19 février dernier. A moins que John O'Daniel ne continue à se produire. Il serait alors le seul membre d'origine. Phillip Petty (bassiste) est décédé d'un cancer le 7 juin 2010 ; Kim Davis s'est suicidé le 18 octobre 2010 ; Bill Randolph (en remplacement de Petty de 1979 à 1982) d'une crise cardiaque le 19 juin 2001.
(1) Un groupe avait déjà fait le coup du canon juxtaposé : Shotgun Ltd, en 1971. Un seul et unique disque seulement, mais de belle tenue.
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Autre article lié : Rusty BURNS (1953 - 19/02/2016) R.I.P.
P.S. : Merci à monsieur Norbert Krief, qui, lors d'une interview pour la revue Best, avait pris le temps, et le plaisir, d'énumérer et de commenter les disques qui l'avaient marqué. Aux côtés d'un Johnny Winter (de mémoire, le "Live Johnny Winter And"), il y avait ce Point-Blank qu'il qualifiait de coup-de-poing.
J'ai eu les deux premiers en vinyle assez vite, évidemment....Jamais été vraiment emballé. Pas mal, mais... Il faut reconnaître que le son était assez pourri, type bouillie.
RépondreSupprimerLe Live Johnny Winter and...? C'est le plus mauvais disque de Johnny l'hiver.....
Ben, non, pas vraiment. Le son était bon (quoi qu'en vinyle, j'avais débuté par "The Hard Way", avec la face live).
SupprimerMaintenant, peut-être que sur un vieux Teppaz, ça le faisait moins ... Hein ?
Par contre, j'ai pas trop compris le but de la remarque sur le "Live Johnny Winter And" ? Ha ! Oui ! La playlist de Nono.
Pas d'accord, mais je pense que c'est juste histoire de lancer un débat sur un sujet houleux. Histoire de ne pas ternir la réputation de mister Shuffle.
(en plus que les vacances touchent à leur fin ...)
J'adore cet album que je n'ai plus et que j'aimerai retrouver. Une reprise de Hidway stars aux petits oignons
RépondreSupprimerJ'adore cet album que je n'ai plus et que j'aimerai retrouver. Une reprise de Hidway stars aux petits oignons
RépondreSupprimerLe label High Vaultage (autre label allemand spécialisé dans la réédition) avait réédité les deux premiers disques, avec un petit livret intéressant.
SupprimerLa reprise d' "Highway Stars" est sur le disque "The Hard Way" de 1980. Elle a longtemps été considérée comme une des meilleures.
J'ai la réédition CD Evangeline. Et je confirme que le son de Second season sur vinyle est dégueulasse. Ou alors je suis tombé sur une fin de pressage.
RépondreSupprimerFaudrait peut-être songer à changer le diamant ...
SupprimerOu alors le travail de remasterisation a vraiment été fait sérieusement (un e fois n'est pas coutume ...), car sur CD rien ne laisse présager d'une production pauvre (il y avait le management de Bill Ham tout de même).
De mémoire, seule la basse n'en a pas vraiment profité.
les deux premiers Point Blank sont des classiques du Southern-rock! Achetés en 76 et 77 en LP puis of course en cd par la suite, ils ressortent régulièrement pour un petit tour sur la platine.Le "Reloaded" paru en 2007, disque de la reformation est un live que je trouve tout à fait acceptable avec le renfort de l'excellent Buddy Whittington ex Bluesbreaker de Mayall.
RépondreSupprimerPS: mais quelle malédiction s'est abattu sur ce bon Shuffle? Il me semble que c'est pas la première fois qu'il tombe sur des produits foireux.....En revanche d'accord avec lui, le live de Winter est définitivement mauvais, j'ai jamais compris l'engouement autour de cet enregistrement! Il a fait tellement mieux par la suite!
Ouaip, j'aime bien ce "Reloaded". Par contre, "Volume 9" est une grosse déception. (ce n'est pas une daube non plus)
Supprimerles deux premiers Point Blank sont des classiques du Southern-rock! Achetés en 76 et 77 en LP puis of course en cd par la suite, ils ressortent régulièrement pour un petit tour sur la platine.Le "Reloaded" paru en 2007, disque de la reformation est un live que je trouve tout à fait acceptable avec le renfort de l'excellent Buddy Whittington ex Bluesbreaker de Mayall.
RépondreSupprimerPS: mais quelle malédiction s'est abattu sur ce bon Shuffle? Il me semble que c'est pas la première fois qu'il tombe sur des produits foireux.....En revanche d'accord avec lui, le live de Winter est définitivement mauvais, j'ai jamais compris l'engouement autour de cet enregistrement! Il a fait tellement mieux par la suite!
ça y est ! JP est de connivence avec Shuffle. On est mal barré. C'est le début de la fin.
RépondreSupprimerCrénom ! Mais moué, j'l'adore ce first live of Jeannot L'Hiver !! Ce doit être d'ailleurs le premier 33 que j'ai pu écouté de lui.
Combien de fois on se le passait avec un poto, et on l'écoutait fasciné par tant d'énergie.
Et pis, volà, j'le préfère au "Captured Live" ! Vouaille ! Because ce first live ... et bien il me paraît plus nature, plus sincère, plus authentique. A mon sens, le Captured est grévé par une guitare noyé par un excès d'effet de Phase, et surtout une débauche de notes balancées à toutes berzingue.
Rassures toi Bruno ma "connivence" avec Shuffle s'arrête là, faut pas déconner, un type qui ne cesse de dénigrer Warren Haynes.....Ah si quand même un truc nous réuni l'Allman Brothers Band période pré- Haynes of course!
RépondreSupprimerEt " Second Season" est pour moi l'équivalent de l'album III de Led Zep
RépondreSupprimerC'est-à-dire ? Bon ou pas ? Parce que, à un moment, certainement du temps où Led Zep n'était pas totalement une institution, nombreux étaient ceux qui décriaient cet album. Quand d'autres le plébiscitaient.
SupprimerTrès bon !
RépondreSupprimerJe le place en second après l'EP que tu évoques !
Une véritable claque cet album, certes dans un ton moelleux, mais à écouter sur la 66 ( ou sur la A1 direction Lille Paris )
Ou Paris Lille.
SupprimerCe disque est effectivement très bon. C'est par lui que j'ai réellement accroché au Southern-Rock, avec les premiers ZZ Top et Blackfoot. j'aime bien Lynyrd Skynyrd, mais je trouve ça trop laidback à mon goût. "Second Season" explore une voie semi-acoustique qui n'est pas pour me déplaire, j'apprécie énormément cet album.
RépondreSupprimerJ'ai eu la chance de voir Point Blank sur scène en 2010 à Bobino, en première partie de Robin Trower, en remplacement de Hot Tuna. Je n'est pas été déçu. J'ai pu discuté avec Rusty Burns et John O'Daniel après le concert, ils étaient d'une grande humilité, tout étonnés de l'accueil chaleureux du public.
Robin Trower et Point Blank ? Belle affiche.
SupprimerPas vraiment étonné de l’accueil de Rusty Burns, car généralement, les gauchers savent faire preuve d'humilité. C'est bien connu.
T(as décroché une dédicace, je casse ma tire lire et je te donne 6666666666660000000000000 de francs CFA
SupprimerMonsieur est trop bon
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