C’est
le huitième film du duo Benoit Delépine et Gustave Kervern. Ils avaient déjà
tourné avec Benoit Poelvoorde dans LOUISE-MICHEL (2007) et LE GRAND SOIR (2012)
et déjà avec Gérard Depardieu dans MAMMUTH (2010). Le film reprend une
construction chère aux auteurs, le road-movie. C’est pratique, pas cher, y’a
pas besoin de faire des décors, juste de poser une caméra, et tourner. Car
c’est la méthode de travail des deux compères, aller à l’essentiel, au plus
vite. Pas de répétition, de direction, une fois que les comédiens ont
une trame de texte, on tourne. Enfin, Depardieu, lui, n’a pas de texte, ça fait
maintenant des années qu’il travaille à l’oreillette… On ne s'emmerde pas dans un découpage de champ et contre-champs, pas l'temps, un seul angle de vue, un plan = une scène, et si ça bafouille, c'est pas grave (et ça bafouille souvent...).
Il
y avait quelques velléités artistiques au début de leur carrière, leur premier
film AALTRA était en noir et blanc, on sentait les plans cadrés, réfléchis,
parfois sous influence de Aki Kaurismaki, ou Jacques Tati (ce qui revient au
même). Tout cela a disparu, et on se demande quel est vraiment le job de Hugues
Poulain, leur chef op’ depuis leurs débuts…
On
ne peut pas à proprement parler de mise en scène, mais plutôt de captation,
notamment dans les scènes au salon de l’agriculture, dont on sent bien qu’elles
ont été mises en boite sur le vif (le regard des figurants « réels »
surpris de voir Depardieu débouler ?). Comme on dit, ça fait partie du
charme, du style, au moins ces deux-là en ont-ils, un style. On pourrait comparer ce
cinéma à celui de Jean Pierre Mocky, mâtiné de Bertrand Blier (qui lui soignait la forme de ses films), d’autant que pas mal de guest-star font un
petit passage.
Alors,
l’histoire… Bruno est agriculteur. On devine une vie sentimentale vide, une
attirance certaine pour la bouteille, d’ailleurs, avec son oncle, tous les ans,
il fait la route des vins. Au salon de l’agriculture… de stands en
stands ! Son père, Jean, veuf, est éleveur. Devant la détresse de son fils, il l’embarque
(en taxi !) pour un tour de France, un vrai.
Ce
qu’embarque le taxi, en réalité, ce sont trois solitudes, trois types en
rupture. Jean, le père, continue d’appeler le portable de sa femme décédée,
pour entendre sa voix sur le répondeur, et y laisser des messages. Bruno se
cherche désespérément une femme, une compagne, et se demande s’il ne va pas
quitter l’agriculture, pour une place de vendeur à Jardiland. Mike, le
chauffeur de taxi (Vincent Lacoste, qui fait du Vincent Lacoste), étale un bonheur conjugal qui n’existe pas, lui
aussi est seul, et cherche à renouer avec ses anciennes copines de
collège.
Les
trois types vont croiser un certain nombre de personnages, essentiellement des
femmes, et vont apporter leur petite part de bonheur dans la vie des autres,
très modestement. On retiendra la séquence de la chambre d’hôtes tenue par
Michel Houellebecq (!!), qui a installé femme et enfants dans son garage
pour céder les chambres aux clients ! Il y a une jeune serveuse timide,
déprimée, très inquiète de la situation économique et de la dette de l’Europe. Une
employée d’agence immobilière (Ovidie) qui rend jalouse sa patronne de maîtresse en se
faisant sauter par le premier client venu (Poelvoorde), une belle rencontre
dans un hôtel entre Depardieu et Andréa Férreol (cette scène ramène à Bertrand
Blier, la présence de Depardieu n’y est pas étrangère) qui passent un moment
très agréable au lit, et se rendent compte qu’en se rhabillant, ils ont oublié
de faire l’amour !
Grand moment celui où Benoit Poelvoorde explique les 10
stades de l’alcoolisme (flash-back à l'appui), qui passe par la joie, la violence, le désespoir, le
pathétique, la honte… On parle beaucoup de pinard dans ce film, mais
finalement, on en boit peu, et plus généralement de la piquette, car ces pieds nickelés n'ont pas les moyens de faire la route des grands crus.
Sous
ses dehors vaguement anars, le film est en réalité très touchant, presque consensuel. Beaucoup de
thèmes sont abordés en filigrane, chaque personnage rencontré représente un
petit morceau d’humanité, une humanité qui se sent seule, brisée, incomprise, abusée,
laissée sur le bord du chemin, qui a peur de l’avenir. On y célèbre gentiment
les valeurs de la terre, des choses simples, de la famille, la convivialité, l’amour, le partage.
Un discours pas franchement punk, image qui colle à la peau des auteurs, comme la musique d'un autre fondu, Sébastien Tellier, qui est d'un académisme surprenant.
Depardieu
est épatant comme toujours, massif et tellement léger à la fois, face à un Benoit
Poelvoorde qui abat le gros du boulot, tour à tour clown triste, colérique, pathétique, ou
suintant le malheur par tous les pores. Dire qu’il se donne au rôle est un
euphémisme ! Tout ne se vaut pas, le travail d’écriture étant réduit à sa
plus simple expression, certaines scènes ne sont pas développées, restent de bonnes intentions drôles sur le papier, mais tombent un peu à plat. Comme celle de
Vincent Lacoste et Izia Higelin (27 ans, paraplégique et cancéreuse !) qui aurait dû être méchamment caustique, et qui est juste incongrue. Où l’apparition de Chiarra Mastroanni,
dont on se demande encore ce qu’elle est venue faire là… Céline Salette hérite
du rôle féminin le plus développée, prénommée Vénus, l’ultime rencontre tendre et poétique, la bonne, du moins on
l’espère pour tout le monde…
SAINT-AMOUR (2016)
couleur - 1h40 - 1:1:85
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J'avais bien aimé Louise Michel. Mammuth un peu moins. Donc, Izia Higelin est aussi mauvaise actrice que mauvaise chanteuse. C'est cohérent et, partant, rassurant.
RépondreSupprimerJ'aurais envie de dire qu'Izia Higelin n'a pas le temps d'être mauvaise, elle dit deux phrases, c'est tout. C'est la manière dont la scène est amenée qui est sans saveur... "Louise Michel", oui, c'était bien. "Mammuth" était intéressant, mais cette image à chier, c'était par moment insupportable ! Celui-ci est davantage 'grand public', comme on dit...
RépondreSupprimerOui "grand public" certes mais bougrement touchant! C'est plein de tendresse et d'émotion, je viens de le voir et les deux zigotos (Delépine et Kervern) m'ont vachement surpris. Il est vrai que ce film est moins nettement estampillé "Groland" que ses prédécesseurs mais j'ai passé un superbe moment.
RépondreSupprimerpour revenir à la scène avec Izia Higelin, bien sûr c'est complètement superflu, mais je pense que ce passage n'a d'autres buts pour les auteurs de glisser quelques vannes type "Groland" ben oui la nana sur un fauteuil, cancer des poumons, ablation des ovaires, vous en voulez encore......Quant'a la rencontre entre Depardieu et Andréa Ferreol....;tout simplement superbe! Et cette réplique de Depardieu à propos de sa femme décédée a qui il téléphone: "Oui elle est morte mais toujours joignable!" Ah merde! c'est pas beau ça!
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