On connaissait déjà l'attrait qu’exerçait Pink Floyd sur Matt Abts. Il suffit pour cela de se remémorer que le batteur de (feu-?) Gov't Mule avait déjà fait partie d'un projet monté en l'honneur du célébrissime groupe de Rock Progressif, sous le patronyme évocateur de Blue Floyd. Un combo réunissant, outre Abts, Marc Ford, Johnny Neel, feu-Allen Woody (qui prenait alors la six-cordes et se lançait même dans quelques soli) et Berry Oakley Jr. pour arpenter les scènes américaines en y jouant des reprises du Floyd en mode Blues gras. Et puis, il y a aussi la passion partagée avec les autres membres de la Mule. Ce dernier étant allé jusqu'à jouer presque intégralement des albums du Floyd. Comme l'atteste d'ailleurs "Dark Side of the Mule", le disque live de 2014 (1) qui consacre son second CD (sur 3) à "Dark Side of the Moon", avec, pour l'occasion, renforts de choristes et d'un saxophoniste (Ron Holloway). Avec aussi quelques pièces empruntées aux "Meddle", "Animals", "Wish You Where Here" et "The Wall" qui débordent sur un troisième CD.
C'est en 2011 que naît PLANET Of The ABTS. L'année où Gov't Mule fait un break (avant de reprendre le chemin des studios pour un dernier disque en 2013), permettant alors à Haynes de reprendre sa carrière solo.
Après un premier essai plus Rock, aujourd'hui introuvable, POA revient avec du matos plus marqué par le Rock Progressif des années 70, et plus particulièrement celui de l'univers Floydien de cette même décennie. Néanmoins avec une certaine agressivité qui lie définitivement le trio à la sphère Hard-Rock (ou Classic Rock).
"Down For The Count" qui ouvre le disque, est un des morceaux les plus ouvertement Hard-Rock du lot, avec son gros riff immergé dans le Hard-Blues. Cela bien que l'ombre de Pink-Floyd embrasse ce brûlot. Notamment par le chant légèrement, ici, fantasmagorique, limite fantomatique, de T-Bone Andersson, mais aussi par les quelques touches de claviers un tantinet spectrales. Finalement, assez proche de l'univers de Gov't Mule. C'est à se demander si cette pièce n'a pas été placée sciemment en ouverture spécialement pour rassurer et attirer le fan (de base ou hardcore) de la bande de Warren Haynes.
La suite explore d'autres horizons limitrophes, relativement moins communs. "Revolution" est slow -blues sulfureux et limoneux ; une espèces de Moody Blues en mode Heavy - avec un solo ombrageux pro-Gilmour, branché dans une disto vintage et grassouillette (genre EHX Glove). La guitare est lourde, épaisse, dégueulant des flots de notes volcaniques, fondues par des effets de phaser, d'overdrive et de wah-wah. A elle-seule, parfois, elle nous rapprochait presque de Samsara Blues Experiment.
"Friend Look Rather Sad" se pavane dans un Heavy-Progressif langoureux, un rien vaporeux, tel que l'affectionne les Scandinaves, si l'on se réfère, par exemple, aux Ben Granflet, Tusmorke, Black Bonzo et Gin Lady. (Et puis, d'ailleurs, justement, hein, finalement, P.O.A. c'est aussi 2/3 de Suédois). L'ami Warren Haynes a été convié pour y graver de slide.
Blues-rock paresseux assez classique avec "I Call You Whiskers" (Robin Trower meets Leslie West).
"Planet Pt.3" serait une suite aux "Planet Pt.1" et "Planet Pt.2" présents sur le premier et éponyme album. Un superbe morceau à tiroirs qui aurait pu donner son titre à l'album tant il semble recentrer toute l'essence de l'originalité et de la pertinence du groupe. Ainsi, cette pièce débute dans une atmosphère d'outre-espace, un peu à la manière d'un néo-psychédélisme propre à Casua Sui. Cependant, progressivement, induit par le groove de la basse, quelque chose de plus funky s'infiltre ; comme si d'un coup, un portail trans-dimensionnel menant directement dans le Bronx (ou Long Island ?) était ouverte. Une extrêmement courte ouverture qui ne serait en fait qu'une escale vers New-Orleans (Le quartier du Tremé ?) avec l'incursion de cuivres (joués et arrangés par Danny Louis en invité) qui paraissent retentir d'une parade de la ville du croissant (une parade toutefois un peu moribonde). Toutefois, le bref passage a laissé des traces avec quelques "scratches" et raps (Jake Abts) qui reviennent ; presque en transparence. Avant le retour à l'ambiance du premier mouvement - qui garde néanmoins le souvenir des "voyages" précédents -, c'est l'heure d'une joute entre un synthé et une six-cordes armée d'une copieuse wah-wah (un peu dans le genre d'Uriah-Heep) avant que la basse généreusement enrobée d'une Fuzz glissante, ne viennent donner de la voix.
Au coda, on s'attend à ce que la basse reprenne son groove caoutchouteux. Mais c'est un clavier éthéré qui vient prendre la relève. "I'm Telling You" invite Cold Play à jouer sa sempiternelle ritournelle... avant d'être piétiné par un riff Heavy et primaire, foncièrement Hard-Rock. Tout comme le chant assez martial. Retour à Cold Play lors du break qui s'offre un court passage entre chant et chœurs d'enfants dans une optique "Alice Copperienne". La pelle - qui semble négliger depuis le début son micro-chevalet - lâche un solo fangeux, gorgé de wah-wah grave et épais, tel un éboulement de terrain meurtrier déversant caillasses et boues.
Et en parlant de pelle, son timbre évoque assez souvent celui d'une Stratocaster passablement velue et charnue, favorisant les positions 3 et 4 de son sélecteur (micro central et micro central + micro manche), et branchée dans un double-corps Marshall ; voire up-gradée avec un humbucker (Seymour Duncan Pearly-Gates ou SH4 JB).
Après ces deux pièces relativement complexes, aux humeurs changeantes, "I'm Remember That" pourrait paraître totalement anecdotique. Le titre est d'ailleurs un des plus court. Juste du bon Heavy, un peu rapide. Sorte de Heavy-Rock où se mêle Cheap-Trick, Sammy Hagar et The Cars. Une pièce qui aurait pu faire figure de phare sur l'un des nombreux disque du genre des années 80 mais qui, ici, en comparaison de la très bonne teneur du matériel, fait figure de maillon faible.
Retour à l'ambiance outre-espace avec "Seahorse" où des vents inter-sidéraux viennent siffler aux oreilles. On pense au "Bridge of Sighs" de sir Robin Trower, à Manfred Mann's Earth Band et Hawkwind, aussi ; toutefois, là encore, l'approche, la façon d'attaquer les notes, trahissent un profond ancrage dans le Heavy-rock des 70's.
Le final reste ancré dans un Heavy-Rock-progressif, bien que débutant pratiquement dans un cadre Smooth-Jazz aux réminiscences du Journey première mouture, avec un p'tit truc de Robben Ford dans quelques licks de guitares ; cependant "Yersterday Seemed Fine" fait de nombreuses excursions dans le pays imaginaire de "Sergent Pepper Lonely Hearts Club Band", procurant alors quelques refrains enjoués et fédérateurs.
On ne sera guère étonné de constater que PLANET Of The ABTS reprend en concert des titres de Led Zeppelin, Hendrix et Pink Floyd (période Syd Barrett comprise - "Lucifer Sam" -). Par contre un peu plus pour les titres de Black Sabbath, même si, il est vrai, que c'était déjà un des péchés mignons de Gov't Mule.
Alors qu'il est probable que Gov't Mule soit mis en sommeil pour de nombreuses années, que Warren Haynes ait décidé de se réserver à d'autres cieux musicaux, nombreux sont ceux qui vont se sentir orphelin. Cependant, il se pourrait bien que le projet personnel de Matt Abts soit le palliatif idéal pour combler le manque viscéral de ces addictifiés.
PLANET Of The ABTS ne fait pas partie des "artistes" contemporains incapables d'un art véritable -incapables de vraie musique ? - ne faisant que suivre des lignes de conduites imposées afin de générer de l'argent. Des diktats coupables d'une supercherie internationale qui induit, peut-être involontairement, à une régression en terme de créativité et d'intégrité. P.O.A. est une sorte de résistant, et qui par là même aura bien du mal à accéder à une notoriété internationale, du moins s'il ne devait compter que sur ses seuls disques (dont le 1er est déjà malheureusement introuvable).
1. Down for the Count 4:18
2. Revolution 5:49
3. Friend Looked Rather Sad 5:22
4. I Call You Whiskers 5:52
5. Planet Pt.3 7:22
6. I'm Telling You 5:01
7. I Remember That 3:22
8. Seahorse 5:20
9. Yesterday Seemed Fine 5:56
"All Things The Valley" a été dédié à Brian Farmer, décédé en août 2014 (Ami de Gov't Mule et fidèle "guitar-tech" de Warren Haynes)
(1) En fait, il s'agit d'un concert de 2008 donné pour la soirée d'Halloween à l' "Orpheum Theathre" de Boston?
(2) Gov't Mule est resté un trio jusqu'au décès d'Allen Woody.
Addict de longue date pour tout ce qui touche à Warren Haynes et sa bande, je me suis comme toi tourné vers POA depuis quelques mois et ma foi sans vraiment remplacer Gov't Mule la formation de Mat Abts a de la gueule! Je souscris totalement à ton analyse de ce "All things the valley"
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RépondreSupprimerComme disait maitre Capello : attention, jeu de mot... Abts / Apes, "Planet of Apes" = "La planète des singes", en VO. C'est bien trouvé comme nom de groupe, faut oser le second degré, dans le rock c'est pas fréquent.
RépondreSupprimerOuaip : j'aurais d'ailleurs dû en faire mention. D'autant que cela pourrait avoir quelques connotations pas très reluisante pour la "gente humaine".
SupprimerComme l'était "Gov't Mule" pour l’administration Américaine.
Enfin une bonne nouvelle après ce début d'année mortifère. Gov't Mule mis en sommeil. Ça me mettrait presque de bonne humeur pour la journée. Sur le 1er morceau, son de batterie bien 70's, ouvert, pas maté. Il joue sur quoi, Abts?
RépondreSupprimerSur une bonne "vieille" Pearl.
SupprimerJ'écris "vieille" parce que cela m'évoque le noms de grands cogneurs des 70's.
Evidemment, le jeu de Matt Abts a une importance capitale dans la musique de son trio (c'était aussi le cas avec Gov't Mule) ; notamment parce que le gaillard ne se contente pas d'un jeu binaire et robotique (sauf si la structure même de la pièce le réclame).
Sur la pochette intérieure du CD, on peut y lire :
SupprimerMatt plays : Pearl Drums, Sabian Cymbals, Evans Heads, Vater Sticks and Everyone's Drumming Hand Drums.
- Shuffle, aujourd'hui Bruno parle d'un batteur...
RépondreSupprimer- Ahhhhhhhhhhhhhhhhhh ???!!!!
- Celui de Warren Haynes...
- Oooouuuhhhhhhhhhhhhhhhhhh
J'ai un coup de mou. Je vais me reprendre.
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