lundi 11 janvier 2016

Scott WEILAND RIP (27/10/1967 - 03/12/2015)



Une petite chronique nécrologique bien tardive, retraçant brièvement la carrière de ce chanteur qui restera toujours un second couteau en dépit de son appartenance à deux groupes de Rock bancables, et de son indéniable talent, de chanteur et de compositeur.

     Pour ce chanteur né le 27 octobre 1967 à San Jose (Californie), tout commence lorsqu'il fonde en 1987 (ou 1986 suivant les biographies), avec Robert et Dean DeLeo, un groupe. Initialement baptisé  Mighty Joe Young, ils durent changer de patronyme dès que le bluesman eut vent de l'utilisation de son nom de scène (ce qu'il n'apprécia guère). Le groupe opte alors pour Shirley Temple Pussy. Les garnements... Mais, lorsque le quatuor obtient un contrat avec Atlantic, sous la pression (par crainte légitime d'un procès) ils doivent de nouveau changer se rebaptiser. En gardant les mêmes initiales, ils optent alors pour Stone Temple Pilots.

     Dès le premier disque, "Core" (sorti en septembre 1992), Scott Weiland et ses acolytes passent de l'ombre à la lumière en atteignant la 3ème place du billboard et en s'illustrant aux MTV Awards de 1993. Remportant le titre de meilleur nouvel artiste, grâce notamment à la chanson "Plush" et son clip vidéo (ci-dessous), alors largement diffusé sur la chaîne musicale.
"Core" est certifié huit fois "disque de platine". Un résultat hallucinant, d'autant plus pour un groupe sorti de nul-part. Un départ sur les chapeaux de roues. C'est l'époque du raz-de marée du Grunge engendré par le "Nevermind" de Nirvana. Si Stone Temple Pilots profite de l'engouement pour ce "nouveau" genre musical, nombreux sont ceux, dont certaines critiques, qui les accusent d'opportunisme. Sans probablement savoir que le groupe a déjà plusieurs années d'existence derrière lui. Cependant, on ne peut nier quelques similitudes avec Pearl Jam (flagrantes sur "Plush") qui, bien que formation plus récente, a déjà enregistré une première galette en 1991.



     L'album suivant, "Purple", profite de la médiatisation du collectif et perce aisément dans d'autres pays (dont le Canada, l'Australie et le Royaume-Uni). Il place pas moins de cinq singles dans les charts. Un fait assez rare pour un groupe apparenté au Hard-Rock. L'album lui-même parvient à atteindre la première place des charts US et Australiens. Et un des titres, "Big Empty", se retrouve sur la B.O. de "The Crow" d'Alex Proyas. Tout baigne donc pour Scott. qui est plébiscité, tant par la presse que le public, qui soulignent ses dons de compositeur ainsi que pour sa palette de tessitures de son chant. Enfin, cela devrait.
Malheureusement, Weiland a de très sérieux problèmes d'addictions, doublés par des troubles bipolaires probablement générés, sinon exacerbés, par la drogue. Toutefois, il traîne aussi un dur passé comme un lourd boulet dont il ne peut se défaire. Il révélera plus tard avoir été la victime d'un viol à l'âge de douze ans, et ne pas avoir osé en parler. Un traumatisme qui sera enchaîné et mis au placard grâce à l’absorption de drogues diverses dès son adolescence ; et qui rejaillit, réouvrant de terribles blessures lors d'une cure de désintoxication.

     En 1995, "Tiny Music... Songs from the Vatican Gift Group" marque une baisse de popularité, même si ses ventes sont encore bien confortables. Trois singles dans les charts, dont un qui rafle un instant la première place : "Trippin' on a Hole in a Paper Heart" (ci-dessous).

    Première pause du groupe, encouragée par les problèmes de Weiland. qui a du mal à concilier ses problèmes de santé et d'addictions avec sa carrière. Sans parler de sa vie conjugale tumultueuse. Son arrestation  pour possession de cocaïne et d'héroïne, pendant l'enregistrement du dernier disque a aussi déplue à ses collègues qui commencent à perdre patience.
     Scott profite de cette pause pour enregistrer son premier effort solo, avec une musique qui se détache parfois des sentiers balisés du Rock, pour se teinter de rythmes jazzy, latins, d'ambiances de cabaret. Quand à d'autres moments, quelques réminiscences Punk viennent mettre les pieds dans le plat, bousculées par de la Cold-wave.  "12 Bar Blues" est un disque courageux, un peu étrange, relativement difficile d'accès, avec quelques passages électro-psychédéliques foutraques. On pense parfois à un Bowie sous acide, mais c'est surtout l'esprit torturé, en conflit, de Weiland qui transparaît tout au long de cette galette. C'est parfois un véritable mal-être qui prend vie au son de "12 Bar Blues" ; qui n'a, par ailleurs, qu'un très éloigné rapport avec la musique des douze mesures.

     
     En 1999, c'est le retour de Stone Temple Pilots avec un quatrième disque, sobrement baptisé "N° 4". En dépit d'un silence discographique de quatre années, et d'une promotion moindre, l'album bénéficie d'un succès notable. Même si ce n'est en rien comparable avec la période dorée ("Core" a été une des plus grosses ventes de la décennie). Cependant, les rapports entre les membres du groupe sont de plus en plus conflictuels, exacerbés par les divers problèmes de Weiland (qui doit passer quelques mois à l'ombre).
Et puis en 2002, juste après la tournée promotionnel de "Shangri-La Dee Da", c'est le split.

     Scott rebondi rapidement avec un nouveau projet qui fait rapidement parler de lui. En s'alliant avec les ex-Guns N' Roses, Slash, Duff McKagan et Matt Sorum, il garde toute l'attention de la presse et des tabloïds. Ainsi, avec Velvet Revolver, il renoue avec un succès (qu'il n'a jamais totalement perdu) proche des années fastes de Stone Temple Pilots (cependant, plus proches de celles du deuxième et troisième disque, que du premier qui reste inégalable en matière de ventes).
Profitant de la notoriété des quatre musiciens, et plus particulièrement celle de Slash et de Scott, le groupe enregistre déjà deux titres pour deux grosses productions hollywoodiennes de 2003 : "Set me Free" pour le "Hulk" d'Ang Lee et une cover de "Money" pour "The Italian Job" de F. Gary Gray. Il est probable que le management, et/ou la maison de disque, ait fait jouer ses influences pour un bon coup de pub.

    Ainsi, sans réelle surprise, le quintet (avec Dave Kushner en cinquième membre et second guitariste) frappe un grand coup tant au niveau de la médiatisation - bonne campagne de promotion dès l'annonce de la formation - qu'en matière de chiffre de ventes (multi-disque de platine à la clef). Le premier single, "Slither" (ci-dessous) est alors un des titres les plus joués sur les radios Rock US.


     Avec le second single, "Fall to Pieces" (ci-dessous), le collectif fait preuve de discernement en changeant de registre, bien que cela reste assez classique, tout en gardant son caractère très marquée par les deux fortes personnalités que sont Slash et Scott Weiland. C'est donc en toute logique que Velvet Revolver représente une osmose entre le Hard-Rock furibard des Guns N' Roses et celui nettement plus sombre de Stone Temple Pilots ; bien que, pour ce dernier, la facette Grunge soit étouffée. A quelque chose près, ce second single suit le succès du précédent, en allant même se distinguer une fois de plus l'année suivante.

     Les clips vidéos de Velvet Revolver sont travaillés et peaufinés, à l'image de celui de "Dirty Little Thing" alternant entre séquences de des-seins-animées (entre le "Heavy-Metal" de Gerald Potterton et de Aeon Flux) et d'autres filmées débordant de moult créatures aux formes avantageuses (avec une brève apparition d'Eva Mendes), et participent au rapide essor du quintet. Ce nouveau, et énième, super-groupe n'aura pas eu à galérer le moins du monde ; toutefois, les musiciens composant le combo ont déjà eu plus que leur part de vaches maigres avant de devenir des Rock stars. Cependant, cela n'a pas été aussi facile qu'il y paraît, car l'enregistrement de "Contraband" a été relativement pénible, perturbé par les problèmes judiciaires en-cours de Weiland.

     Malheureusement, en dépit de tout ce succès, Scott est toujours la proie de ses démons. Le clip de "Fall to Pieces" le montre d'ailleurs, sans pudeur, d'abord trituré entre son amour pour sa compagne et son addiction, puis en train de simuler une overdose (sauvé par l'ami Duff). On s'y croirait. Une interprétation plus saisissante que celle d'Uma Thurman dans "Pulp fiction". Du vécu ? Une addiction qui se révèle évidemment être un obstacle insurmontable à une vie heureuse. Scott sait évidemment de quoi il parle... c'est pratiquement son quotidien.
"Contraband", se classe dans les charts de nombreux pays (même en France), avec deux n° 1, aux USA (pendant près d'une année) et au Canada.




     L'album suivant mettra quelques temps pour sortir. Le collectif entame de nombreuses tournées triomphales, et profite aussi de la réussite de leur album et des singles (cinq). Et puis, encore une fois, le groupe est sollicité pour participer à la B.O. d'un blockbuster : celle de "Fantastic Four". "Come on, Come in" est composé exclusivement pour le film de Tim Story.
Scott Weiland est considéré comme un des meilleurs showman de la scène Hard-Rock, cependant, on doute de son sérieux et de sa santé. Des bruits courent. Sa réputation de junkie le suit, et on dit le groupe instable, au bord de la rupture ; on parle de remplacement...

     Et puis, malgré les embûches, Velvet Revolver parvient à sortir un second disque. Ce sera le dernier.
"Libertad" est un album plus diversifié.  Peut-être plus libéré d'une certaine pression. Les influences 70's y sont plus marquées (certains ont même évoqué l'aura de Jim Morrison sur certaines lignes de chants de Weiland). Toutefois, bien moins Sleaze et urgent que son prédécesseur, il déçoit quelque peu les fans de la première heure (ainsi que tous ceux qui sont restés collés à "Appetite of Destruction"). Ainsi, en dépit d'un départ fulgurant, les ventes se stabilisent rapidement, et ne parviennent pas à atteindre le cap des 500 000 exemplaires aux USA. Résultat décevant pour leur label, RCA, qui ne souhaite alors pas continuer avec eux (!). Pourtant, de part le monde, "Libertad" affiche tout de même des résultats relativement respectables (2ème au Canada et 3ème en Nouvelle-Zélande). Sans oublier le premier single, "She Builds Quick Machine" (clip ci-dessous) qui caracole à la seconde place de la radio Mainstream Rock.
Aujourd'hui, avec le temps, nombreux sont ceux qui considèrent désormais ce dernier disque comme le meilleur (en dépit de quelques trucs anecdotiques) de la courte aventure discographique de Velvet Revolver.

Weiland se fâche avec Matt Sorum et le quintet explose. Les lascars qui le composent n'ont de toutes façons guère de soucis pour trouver du boulot.



     Weiland ne reste pas inactif. En 2008, il reforme Stone Temple Pilots. En fait, plus précisément, c'est son épouse, Mary Forsberg qui avait contacté quelques mois auparavant, en 2007, les frères DeLeo pour les convier à une une soirée privée, et pour faire, au passage, un petit concert. Weiland et les frères DeLeo réconciliés, la reformation avait déjà été étudiée avant la rupture de Velvet Revolver.

     Stone Temple Pilots renaît donc de ses cendres, dans sa formation originale, mais se contente d'abord de quelques prestations scéniques. Peut-être pour tâter le terrain mais aussi parce que Weiland réalise dans le courant de l'année (2008) son second effort solo, " "Happy" in Galoshes".
Le disque est dans l'ensemble bien plus direct et rock que "12 Bar Blues".  On y retrouve encore l'ombre de David Bowie (mais on pourrait aussi mentionner parfois Mott the Hopple et Bolan, même des Beatles, même si cela pourrait être aucunement intentionnelle). On retrouve d'ailleurs sur la version "De Luxe", une reprise de "Fame" (de Bowie). Hélas, le disque souffre d'une production manquant de définition (volontairement ?). C'est du pur low-fi millésimé 70's. L'album porte le manteau noire, obscurcissant, du décès de son frère (qui joue sur un titre) et de son divorce.

     En 2010, Stone Temple Pilots réalise, enfin, son sixième, et éponyme, album, qui récolte un bon accueil. En théorie, ce serait le troisième disque que Weiland enregistre entièrement sobre.
Le quatuor de San Diego est à nouveau sur les rails et fait bien partie des groupes qui comptent.
La galette tient la route, c'est même un très bon disque qui peut s'afficher, d'égal à égal, avec toutes les autres réalisations, passées et à venir, de Weiland. Rien à voir avec la réalisation opportuniste et bâclée de musiciens aux abois, pressés par un besoin urgent de monnaie sonnante et trébuchante.

      Mais, déjà, et encore une fois, des dissensions resurgissent entre Weiland... et le reste du groupe. On parle de sortir un live regroupant de vieilles bandes des 90's, mais personnes ne tombent d'accord (enfin, Weiland et Dean DeLeo). On murmure aussi qu'il n'aurait plus les capacités suffisantes pour interpréter convenablement certaines anciennes chansons, que certaines répétitions n'étaient pas probantes. Il émet le souhait de faire une tournée en solo (ce qui énerve passablement ses collègues). Et puis, on finit par arriver à quelques concerts écourtés, justifiés à la presse par de subits problèmes de voix. Néanmoins, on pense bien évidemment à d'autres causes. Lors d'un interview en 2011, Scott se livrera  :
Je reste sur le fil du rasoir en permanence. […] Je jure, bien sûr, de ne jamais replonger dans l’héroïne, mais je n’aurais jamais cru que l’alcool serait un tel cauchemar. Et c’est légal.


     En 2011, troisième disque solo, au titre pompeux : "A Compilation of Scott Weiland Cover Songs". Un disque de reprises, aux choix plutôt intéressants ; avec évidemment du Bowie, du Nirvana et du Beatles, du Smith et du Lemonheads, mais aussi, plus étonnement, du Radiohead, Flaming Lips, Rolling Stones, Depeche Mode et Stones Roses.
Et pour la fin de cette année, en octobre, c'est le traditionnel disque de chants de Noël : "The Most Wonderful Time of The Year". Entre un le disque de reprises et celui de chants de Noël dans la même année, ça sent l'appât du gain. Ce que soupçonnera d'ailleurs certains membres de STP, le reprochant publiquement.

     A force de tirer sur la corde, ses collègues sont à bout de patience. Sentant le vent tourner, Scott profite d'un interview sur une radio pour lancer un appel afin de relancer Velvet Revolver (dans le courant de l'année, le groupe a été momentanément remonté pour effectuer trois concerts, pour récolter des fonds pour la famille du musicien John O'Brien décédé). Toutefois, Slash n'est aucunement intéressé.
Finalement, il est congédié par ses anciens frères d'armes et se retrouve le bec dans l'eau. Officiellement, c'est Weiland qui quitte le groupe, en février 2013, pour se consacrer à sa carrière solo.

     Mais s'il y a bien une chose que l'on ne pourra pas reprocher à Scott Weiland, c'est d'être un paresseux. Il avait apparemment sous le coude un groupe, Wildabouts. Scott et ses Wildabouts travaillent un répertoire neuf et partent en tournée. En 2014, ils enregistrent un disque de Sleaze/Glam lourd, tantôt limite garage (avec une reprise de Marc Bolan qui ne dépareille pas avec l'ensemble). "Blaster" sort discrètement le 31 mars 2015 sous le patronyme de Scott WEILAND and the WILDABOUTS. Le disque est reçu avec des avis bien partagés ; les plus critiques lui reprochent d'être trop évident, voire facile, moins fin et varié que ceux de Stone Temple Pilots. Cela en dépit d'un "Circles" presque Country-folk (certes en coda) et un "Modzilla" en funk-rock (certes... pachydermique).
Jeremy Brown, le guitariste, est retrouvé mort un jour avant la sortie du disque. Un décès attribué à un excès de multiples médicaments.

     Après l'enregistrement de "Blaster", mais avant sa sortie, Scott participe au projet Art of Arnachy de Ron Thal (Bumblefoot et Guns' N'Roses) et John Moyer (Disturbed, Adrenaline Mob, Operation Mindcrime) dont le disque paraît en Juin 2015. Scott spécifie bien qu'il n'est pas un membre du groupe, qu'il n'a été sollicité qu'aux travers des bandes stéréos qu'on lui faisaient parvenir, et à l'aide desquels il écrivait, puis y apposait son chant.

     Sur la route avec ses Wildabouts, Scott Weiland est retrouvé décédé dans l'autocar de la tournée le jeudi 3 décembre 2015. Selon le médecin légiste (de Hennepin, Minnesota), il aurait succombé pendant son sommeil à une surdose de médicaments combinés à de l'alcool, et de la cocaïne.

Une carrière tumultueuse et chaotique, grevée par des addictions, une bipolarité, des problèmes avec la justice, des conflits conjugaux, une santé fragilisée (il souffrait d'asthme et d'une maladie cardiovasculaire), qui ne parviendra jamais à être vraiment pérenne. En dépit de piques de popularité intenses, Scott Weiland eut toujours du mal à rester sur le piédestal sur lequel il était parfois parvenu à poser un pied. Parce que, en dépit de tous ses efforts, il gâchât systématiquement tous ce qu'il entreprenait.
Une vie que l'on pourrait croire réussi en regard de la quinzaine de disques réalisés, des chansons écrites, des récompenses, de sa notoriété. Mais qui pourtant aurait pu être bien plus radieuse sans son traumatisme et ses addictions qui eurent raison de deux mariages et de divers départs vers la gloire.

     Un journaliste de la revue Rolling Stone parlait de Weiland en ces termes : "Il a ce côté "Jim Morrison meets Eddie Veder", et il est tout simplement fantastique sur scène. Malheureusement, il est têtu et ne sait pas faire de compromis ; sans parler du fait qu'il fait partie de ces rockers célèbres dans l'histoire pour avoir le don de toujours réussir à tout foutre en l'air".


2 commentaires:

  1. C'est l'hécatombe... Bowie now,
    A quand le tour de Jauni Halliday ??

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  2. Scott Weiland, STP ou encore les Velvet Revolver, non décidément j'aurai occulté toutes ces formations jusqu'au bout. :-(

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