Philip John TAYLOR 21 septembre 1954 - 11 novembre 2015 |
Philip John Taylor connu sous le sobriquet "Philthy Animal" (ensemble ou séparément), le frappa-dingue qui a officié derrière les fûts de la machine de guerre Motörhead de 1975 à 1992, est décédé le mercredi 11 novembre 2015 à 61 ans, des suites d'une longue maladie.
Cette boule de nerf, au faciès de Hun, juvénile avait posé les bases de la batterie Heavy-Metal.
Il était tellement indissociable de l'image de Motörhead que l'on avait du mal à croire qu'il n'était que le second batteur du trio infernal. Il aurait été recruté pendant les sessions houleuses de "One Parole" (qui ne sortira finalement que bien plus tard, à l'époque de "Bomber"). Lemmy raconta qu'il l'avait embauché parce qu'il avait une voiture et qu'ainsi il pourrait accompagner le groupe au studio. Mais aussi, parce que son prédécesseur, Lucas Fox, n'était pas assez bon. C'est alors que Philthy appela son pote Eddie Clarke.
Le passé de Phil Taylor est assez trouble. On parle de lui comme d'un ancien skinhead, d'un gars belliqueux pas très recommandable qui aurait parfois vécu de petits larcins, dont celui de servir d'intermédiaire dans la revente de produits illicites.
Après un second opus un peu foutraque, le disque éponyme, où le trio semble se chercher encore, Motörhead explose sans sommation à la face de la pauvre Europe déjà bien accablée par des hordes de chevelus aux goûts musicaux douteux et "aux mélodies approximatives" (1). Stupeur ! Un trio de gredins à l'air patibulaire, sans foi ni loi, a débarqué, bien décidé à faire un boucan de tous les diables.
C'est avec le suivant, le troisième, l'explosif "Overkill" qu'il dépose définitivement son trademark. Notamment avec le morceau-titre. Par crainte de n'être pas assez agressif et afin de renforcer le côté bulldozer doublé d'un panzer (un killdozer ?), il s'arme d'une double-grosse caisse. Arme secrète qui lui permet de scotcher littéralement l'auditeur dès les premières secondes.Un terrifiant assommoir fonctionnant à l'huile coude et opérant de rafales mortelles.
"Overkill" marque son époque, allant même jusqu'à traumatiser une flopée de batteur en herbe qui s'évertuent à reprendre ce rythme de rouleau compresseur impitoyable. Certes, les deux barbares sanguinaires à l'avant de la scène y étaient pour beaucoup dans cette déflagration sonore qui revient tel un écho corrosif sur les dix pièces de cette galette. Toutefois, ce rythme comparable à une locomotive des enfers est le socle inébranlable sur lequel ils peuvent s'appuyer sans crainte (à condition de prendre ses distance pour ne pas se faire happer et hacher menu).
Alors que son collègue Fast Eddie Clarke ne s'était jamais déraciné de sa culture Blues, British-Blues et Hendrixiennes, Philthy Animal avait décidé d'aborder la batterie comme on tenterait de dompter un monstre fabuleux et carnivore, en utilisant consciencieusement la méthode du "cogner dessus comme un sourd et sans répit".
Phil Animal Taylor c'est un peu comme s'il avait vu en Ian Paice un messie qui aurait établi de nouvelles tables de la Loi, ou un nouvel évangile, en jouant ce rythme effréné et soutenu sur "Fireball", voire "Highway Star" ou autres "Speed King". Et que lui, en serait le fervent et zélé apôtre. Au point où il aurait balancé la sauce même sur une ballade ou un slow-blues.
Rares étaient alors les groupes à pouvoir asseoir autant sa puissance sur la batterie. Certes la Rickenbaker de Lemmy n'est point innocente dans cette débauche d'énergie et de furie sonore. C'est aussi en raison de cette extraordinaire déflagration qu'Eddie Clarke favorisa la Fender Stratocaster, mettant alors un temps en sommeil sa Gibson Les Paul (qu'il ressortait néanmoins sur quelques titres). La Strato apportant nettement plus de fréquences aiguës que la Les Paul, et pouvant alors plus aisément se démarquer du mix (tant de la basse - mediums - que la batterie - les graves), ne pas se noyer dans la masse.
Forcément, lorsque l'on voyait ce loustic pour la première fois, avec sa coiffure en pétard, sa moustache Mongol, ces yeux scrutateurs, flairant un mauvais coup, vêtu tout de noir, avec ses débardeurs moulants (une taille en dessous), on savait qu'il n'était pas là pour jouer de la Pop ou du Disco, caresser mollement ses peaux. Non, on s'attendait à entendre un bourrin de première, un sauvage capable de mettre le feu à ses caisses tel un homme des cavernes le ferait par friction pour produire l'âtre qui allait préserver du froid de la nuit, et faire cuire la barbaque. Et on n'était pas déçu. Il défouraillait.
Motörhead, un bombardier ? Absolument : "Ain't hope in Hell nothin' gonna bring us down,...Because we shoot to kill and you know we allways will ! It's a Bomber, It's a Bomber, It's a Bomber" - "Bomber"
La horde sauvage (à seulement trois, il faisait du boucan comme dix), en deux albums sortis dans la même, en 1979, marque d'une empreinte indélébile l'histoire du Heavy-Metal. Bien que n'étant que du pur Rock'n'Roll poussé à son paroxysme, parfois nappé de tranches de Blues fortement irradié (l'apport de Clarke), Motörhead se place en chef de file de la New Wave Of British Heavy-Metal. "Overkill" et "Bomber" s'incrustent dans les play-list des revues Rock européennes. On retrouve mister Kilminster classé dans les référendum annuels, en tant que bassiste évidemment, ainsi que Philthy Animal Taylor qui caracole en tête des classement dans sa catégorie. Une consécration.
Autre fait notable, la "Tête de Moteur" a la capacité de réunir à ces concerts diverses factions d'amateurs de sensations fortes et de Rock'n'Roll. On y voit autant de Hard-rockers, vieille et nouvelle branche, de Punks, de skins et de bikers. Seuls les minets du Disco et les fans de Daniel GuichHard restent réticents. On se demande bien pourquoi.
Après ses deux missiles tomahawks, les trois desperados débarquent sans crier gare avec une arme de destruction massive. L'incandescent "Ace of Spades" qui va un peu plus loin dans l'agression. Le disque est à juste titre souvent cité comme un précurseur - ou un initiateur, c'est selon - du Speed-Metal et du Trash-Metal (ou Thrash-Metal - pour mémoire, en 1980 et 1981, on retrouvait bien plus fréquemment l'orthographe Trash-).
Bien nombreux sont ceux qui pensent que Motörhead achève son âge d'or avec le célèbre live qui suit, "No Sleep 'til Hammersmith", qui fait aussi office de Best-of de luxe.
Évidemment, trio oblige, il était un élément indispensable à la recette Motörhead. Toutefois, il était de tout de même considéré comme le plus facilement remplaçable des trois. Notamment grâce à sa personnalité particulière. Finalement, ce fut Fast Eddie qui partit le premier, remplacé par un Brian Robertson qui avait bien du mal à inculquer un semblant de mélodie aux deux sombres vandales restants. L'album "Another Perfect Day" demeure encore l'album le plus mélodique et chiadé de toute la discographie. (à titre d'exemple, écouter la pièce suivante, "I got Mine" : un titre incroyablement mélodique... pour Motörhead).
Le talentueux écossais ne s'éternise pas. Plusieurs raisons seront avancées de parts et d'autres. Brian aurait prit l'habitude de boire plus que de raison (ce que relate d'ailleurs la mini bande-dessinée de la pochette intérieur du 33 tours d'époque) ; les nouveaux morceaux passent moins bien en concert ; Brian s'offrirait un peu des taquineries incessantes de deux gredins ; l'album avec sa tentative de raffinement aurait déçu une frange du public (mais aussi séduit une nouvelle) ; des désaccords opposent Brian et les deux trolls ; l'épuisement généré par la cadence des concerts (et les afters...).
Et puis finalement, Philty quitte également le cuirassé en 1984. Consternation pour les fans. Déjà le départ de Fast Eddie fut difficile à digérer, mais additionné à celui de l'Animal...
Philthy rejoint Waysted peu après la réalisation de l'excellent "The Good The Bad The Waysted". Malheureusement ce groupe est à l'image de son fondateur, Pete Way : instable. Et cette mouture explose en vol (pour finalement ressusciter sous une autre forme en 1986, mais en gardant sa tête de pochtron, en l'occurrence celle de Pete Way (2)
N'arrivant pas à s'adapter ou à trouver son bonheur ailleurs, il retourne au bercail en 1987. Un espoir pour les fans qui espèrent ainsi retrouver un peu du Motörhead d'avant 1984. D'autant plus que son remplaçant, Pete Gill (ex-Saxon) n'a pas convaincu. Ce dernier avait bien du mal à retrouver la puissance et le groove épileptique de Taylor. Et puis, peut-être que les afters de Lemmy étaient "Too much" pour lui.
Philthy retrouve les chemins de studios pour l'album "Rock'n'Roll", le huitième disque pour un Motörhead officiant désormais en quatuor, soit avec deux guitaristes : Würzel (qui dû arrêter la musique à cause d'une cardiomyopathie et qui décéda le 9 juillet 2011, à 61 ans) et Phil Campbell (un jeune Gallois, né le 7 mai 61, et toujours en poste). Si l'album est assez bien accueilli, tout comme le retour du batteur totémique, avec à la clef un petit hit "Eat the Rich", c'est avec la galette suivante que la fonderie volante renoue avec un certain succès.
Presque un album-concept dont le sujet traite des horreurs de la guerre, en l'occurrence celles de la première guerre mondiale (c'est gai). "1916" marque l'entrée dans les charts américains avec en conséquence une sélection pour le titre du meilleur disque de Heavy-Metal à la cérémonie des Grammy Awards (mais - évidemment ? - c'est un groupe Américain qui remporte le trophée).
Mars 1992, dernier concert avec Motörhead. "March ö Die" est le dernier album où il apparaît. Et encore, sur un seul titre : "I ain't no nice guy".
Après avoir quitté Lemmy, - ou, suivant les versions, s'être fait jeter - il joua un temps avec "The Web of Spider" où officiat le guitariste Whitey Kirst connu pour avoir accompagné des années Iggy Pop. Plus tard il y eut les projets avec Chris Holmes (ex-WASP) avec qui il enregistre l'album "Nothing to Lose" en 2012, et Corey Parks (la plantureuse première bassiste des Nashville Pussy que l'on a souvent vu aux côtés de Lemmy).
Pendant longtemps, et encore parfois de nos jours, on a avancé que le batteur frappa-dingue du Muppets Show, baptisé "Animal", était inspiré par Phil Taylor. Ce qui est peu plausible car la série, bien qu'étant américano-britannique, ne débute qu'en automne 1976 et "Motörhead", l'album, ne sort qu'en août 77. L'Animal des Muppets est en fait inspiré d'un autre dérangé des fûts, qui dû certainement avoir un impact considérable sur le jeu énergique de Taylor, Keith Moon.
Eddie Clarke : "Mon cher ami, mon frère, s'est éteint cette nuit. Il était malade depuis un moment, mais ça ne rend pas les choses plus faciles quand le temps vient finalement. Je connaissais Phil depuis ses 21 ans, et c'était un sacré personnage. On a pu faire de la super musique ensemble, et j'ai plein plein de bons souvenirs de notre temps passé ensemble. . Rest in Peace, Phil!"
Ozzy : "It's a terrible, terrible loss. He was a great friend, great drummer, a great guy and he'll dearly missed. Today is a very sad day for me. R.I.P."
Slash : "Sad, sad news about losing Philthy Animal Taylor, one of the best drummers in Rock'n'Roll. Phil, you will be missed a lot".
Mike Portnoy : "R.I.P. Philthy Animal Taylor. Overkill was one of the firts double bass songs I ever learned".
Jamey Jasta : "What a legend. He changed the world of Heavy-Metal drumming. Double bass animal. Gonna go blare Overkill in his honour".
(2) Pete Way s'était aussi allié à Fast Eddie Clarke lorsque ce dernier quitta Motörhead. Ensemble, ils fondèrent la première mouture de Fastway. Mais Pete Way planta littéralement le groupe alors qu'il l'attendait dans un studio d'enregistrement. Pour en savoir plus Clic/Lien.
Articles / Motörhead (liens - clic) :
- "Inferno" (2004) + "Better Motörhead than Dead - Live at Hammersmith" (2007)
Daniel GuichHard !!! Pas mal !!
RépondreSupprimerLemmy:" His name was Phil Taylor, or Philthy Animal, and he was our drummer twice in our career. Now he's died and it really pisses me off that they take somebody like him and leave George Bush alive."
RépondreSupprimer(" Son nom était Phil Taylor, ou Philthy Animal, et il a été notre batteur deux fois dans notre carrière. Maintenant il est mort et ça m'énerve qu'on prenne quelqu'un comme lui et qu'on laisse George Bush en vie."...).
Excellent
SupprimerLe lendemain des attentats, Motörhead aurait du se produire au Zénith de Paris. Il aura finalement et légitimement annulé cette date parisienne. J'espérais fermement qu'un hommage fut rendu ce soir là a ce déglingo de Philty "Animal" Taylor. Ce n'est que partie remise.
RépondreSupprimerSale temps pour le Rock.
Philthy était un sacré batteur. Son style était à la fois foutraque et très véloce. Il a littéralement inventé la batterie Speed-Metal, c'est un vrai pionnier. Même si sa mort n'est pas totalement une surprise, car l'homme ne s'était pas ménagé durant toutes ces années, ça me fait chier de me dire que le trio original de Motorhead est désormais définitivement mort avec lui. C'était une sacré bande de chiens fous, charismatiques.
RépondreSupprimerEt quand on sait dans quel état se trouve Lemmy désormais...
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