Ca commence par une
déflagration terrible, dans un restaurant de Tel-Aviv. Un kamikaze vient de s’expédier
au ciel, avec une quinzaine de gamins qui fêtaient là un anniversaire. Le bilan
est très lourd, à l’intérieur, dehors. L’auteur nous fait vivre l’horreur par les
yeux d’une victime, qui ne comprend pas mais décrit les sensations, l'odeur de brûlé, celle du sang, les sons devenus sourds, les mères qui cherchent leurs gosses, les sirènes, les cadavres qu'on enjambe. Les blessés par dizaine sont
acheminés vers l’hôpital le plus proche. Le docteur Amine, chirurgien renommé, soigne,
opère, recoud pendant des heures, et rentre chez lui épuisé.
Mais Amine est sorti du lit
quelques heures plus tard. Sans
lui donner de raison, des policiers l’escortent jusqu'à son bureau. On lui demande de reconnaitre un
corps, celui d’une femme. Sa femme. Ou ce qui en reste. Amine est sous le choc,
sa femme était censée être chez une tante… Pourquoi était-elle revenue, sans
lui dire, et que faisait-elle proche de ce restaurant. La police va le lui
dire. Car l’examen du légiste est formel. Les blessures sur le corps sont
caractéristiques. Ce corps est celui du kamikaze…
Yasmina Khadra est algérien, il
écrit en français. Il est l’auteur de LES HIRONDELLES DE KABOUL, LES SIRENES DE
BAGDAD, CE QUE LE JOUR DOIT A LA NUIT. Et L'ATTENTAT, écrit en 2006 (adapté au cinéma en 2012, comme d'autres de ses écrits).
C’est un roman court, 250
pages, qui va à l’essentiel. Il décrit ce que devra faire le docteur Amine, une
fois admis que sa femme était bien l’auteur de l’attentat. Comprendre comment, et pourquoi.
Amine et sa femme sont palestiniens d’origine, mais travaillaient en Israël,
ils étaient intégrés. La vie d’Amine est dévastée, sa réputation à
jamais entachée. Alors il part, seul, dans sa quête, dans les territoires
occupés, la terre de ses ancêtres, pour refaire le parcours de sa femme, les
jours précédents l’attentat.
Pourquoi est-elle descendue du
bus qui la menait chez sa tante pour monter dans une vieille Mercedes ?
A-t-elle ou non été se faire bénir par l’imam, quels sont ses liens avec l’organisation
terroristes ? Quels réseaux fréquentait-elle clandestinement ?
L’ATTENTAT est un livre
formidablement écrit, le style est précis, fouillé, il rend palpable les
sensations. A la fois récit initiatique, malgré lui, réflexion sur l’engagement,
utilisant aussi certains codes du roman policier. Yasmina Khadra est un
formidable conteur, la prose est fluide. Le livre ne prend pas parti par un
camp ou pour l’autre, mais expose par des scènes quotidiennes, une
situation politique et humaine inextricable.
Comment des êtres humains ont une telle
haine chevillée à l’âme, ressentent cette injustice face à un monde qu’ils estiment ne pas être le
leur, qui les ostracise, les humilie dans leur mode de vie et de pensée. Comment en viennent-ils à suivre les préceptes de quelques
leaders, politiques, religieux, dont le seul moyen acceptable de revendication consiste à
entrainer les plus faibles à se faire sauter au milieu d’innocents. Innocents… de
notre point de vue. Mais coupables selon eux. Coupables de ne pas adhérer à
leur cause, de ne pas prendre parti pour leur combat,
leur idéologie, coupable de ne pas partager leur vision du monde et de la vie. Coupable de vouloir tout simplement vivre en paix, dans un monde multiple, diversifié, tolérant.
Allez au foot avec ses gosses, au concert avec sa copine, au restau avec ses potes, sont des modes de vie insupportables et inacceptables pour certains, qu'il convient d'éradiquer. Cette conception de la vie doit être punie de mort.
Allez au foot avec ses gosses, au concert avec sa copine, au restau avec ses potes, sont des modes de vie insupportables et inacceptables pour certains, qu'il convient d'éradiquer. Cette conception de la vie doit être punie de mort.
Je viens juste de finir ce
bouquin, et n’avais pas prévu d’en parler tout de suite. Comment imaginer
qu’il allait, quelques heures plus tard, devenir d’une actualité brûlante.
Lecture hautement recommandée.
Les auteurs du Déblocnot s'associent - mais faudrait pas que ça devienne une habitude - à la douleur de ceux qui ont été touchés par les horreurs commises à Paris, vendredi soir.
Les auteurs du Déblocnot s'associent - mais faudrait pas que ça devienne une habitude - à la douleur de ceux qui ont été touchés par les horreurs commises à Paris, vendredi soir.
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