- Oh M'sieur Claude, un jeune violoniste et non l'une des pin-up de
l'archet dont vous raffolez : Hilary, Julia, Chloé, Janine, Sarah, etc.
?
- Mais enfin Sonia : Pinchas Zukerman, Renaud Capuçon, Itzhak Perlman,
etc. ne sont pas des pin-up !!! Quel procès d'intention !!!
- Désolée de mon impertinence, ce jeune homme est un nouveau venu dans le
blog, vous m'en dites deux mots pour préparer la publication…
- Ce n'est plus un très jeune homme mon petit, le disque date d'une
vingtaine d'années, mais c'est une référence incontournable dans ces deux
concertos…
- Dommage pour moi… Enfin bref, je ne sais pas pourquoi je dis cela, …
Bien, hummm, je vais m'occuper de l'article, délosé, pardon...
désolé…
- Heuuu oui ! Chère Sonia, vous travaillez dans un blog à vocation
culturelle (enfin je crois), pas dans un club de rencontre…
Sergueï Prokofiev par Gladkytch |
En cette sixième année de vie du Deblocnot, il me semble judicieux de
consacrer un 3ème article à des ouvrages du compositeur russe.
Petit résumé des épisodes précédents : le charmant
Pierre et le Loup
raconté par Claude Pieplu
(Clic), le
3ème concerto
pour piano
par le duo
Lang Lang
–
Rattle
pour agacer les puristes qui s'attachent un peu trop à l'excentricité du
virtuose chinois sans vraiment l'écouter (Clic), et enfin la
5ème symphonie
par Maître
Karajan (Clic), un enregistrement dont la qualité ne semble guère contestée.
Prokofiev
quitte la Russie devenue "bolchévique" et bourlingue de
1918 (il a 27 ans) à
1933, date où (trop) confiant
il décidera de revenir dans sa Russie natale qui semble assagie (tu parles :
les purges vont commencer deux ans plus tard, et dès
1936, pour Prokofiev, c'est l'opprobre des autorités et la misère !).
Départ en 1918 pour 15 ans
d'exil : une première période de
1918 à
1923 aux USA où il repart de
zéro pour s'imposer, puis un passage en France qui lui permet de fréquenter
la pépinière d'artistes modernistes de Montparnasse, puis la Bavière et le
retour à Paris pendant une dizaine d'années. Le
premier concerto
pour violon
est écrit avant cette vie aventureuse entre
1916 et
1917. Révolution oblige,
l'œuvre ne sera créée qu'en
1923 à Paris par
Serge Koussevitzky
à la baguette et
Marcel Darrieux
au violon, lors du premier séjour de
Prokofiev, (le soliste étant le violon solo de l'orchestre). Concerto surprenant,
voire extravagant, fruit de la période la plus innovante de
Prokofiev, Ce premier concerto (plus avant-gardiste que le second) va connaître un
grand succès au XXème siècle. Comme toute première, on lit des
stupidités dans les critiques…
Georges
Auric, auteur de quelques musiques de films correctes, et copain de l'égotique Cocteau, emporte la palme
: "On dirait du Mendelssohn" !!!!
- Ohhh ! M'sieur Claude,
Cocteau est quand même un
personnage très célèbre…
- Oui Sonia, surtout par son carnet d'adresses et
la belle à la bête filmé par
Henri
Alekan… (Avis très perso, je
vous l'accorde.)
Le
second concerto
sera composé en 1935 pendant
cette période où le compositeur va et vient entre Moscou et Paris. Œuvre
moins difficile et marquée par un retour vers un certain classicisme, le
concerto sera créé à Madrid, ville que
Prokofiev
affectionnait, comme l'Espagne en général où il avait rencontré sa femme
Carolina Codina. L'ouvrage est
dédié au violoniste français
Robert Soetens
(1897-1997) qui le jouera en exclusivité pendant un an… Il faut dire qu'il
en était le commanditaire.
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André Previn
Gil
Shaham - © Boyd Hagen
|
Gil Shaham, bien que né aux USA en 1971,
est d'origine israélienne. En
1973, sa famille retourne en
Israël pour les deux ans du jeune
Gil
et il va suivre ses premiers cours à Jérusalem. Doué, il obtient une bourse
d'étude pour suivre l'enseignement de
Dorothy Delay
(une pédagogue de grand renom) à la prestigieuse
Julliard School
de New York.
Sa carrière démarre en flèche lorsqu'à 18 ans, il doit remplacer
Itzhak Perlman
lors d'une tournée assurée par le chef américain
Michael Tilson Thomas
et l'orchestre symphonique de Londres. Depuis
Gil Shaham
se produit en soliste avec les meilleurs orchestres de la planète.
Parallèlement à ses séries de concerts comme soliste de concertos ou dans
des formations de chambre,
Gil Shaham
a enregistré un répertoire très vaste. Le disque
Prokofiev
commenté ce jour, gravé alors que l'artiste n'a que 25 ans reste une
référence moderne pour ces deux concertos.
Gil Shaham
vient de graver brillamment les sonates et partitas de
Bach, le bâton de maréchal de tous les violonistes d'envergure.
De nationalité américaine,
André Previn
est compositeur, chef d'orchestre et pianiste. Il vient de fêter ses 86 ans
! Je ne l'aurais pas cru… Il a émigré d'Allemagne en
1938 pour échapper aux
persécutions nazies. Il
prendra la nationalité US dès
1943. D'esprit éclectique, il
commence sa carrière en adaptant ou composant des musiques de films :
Gigi
(1958),
Porgy and Bess
(1959) et
My Fair Lady
(1964). Trois succès, trois oscars !
En 1967, il va peu à peu
délaisser l'univers hollywoodien, y compris son métier de pianiste de jazz,
pour une carrière dans le répertoire classique. En
1968, il est nommé directeur du
fabuleux
Orchestre Symphonique de Londres. Un poste qu'il va conserver 11 ans. Ensuite, il dirigera les orchestres
de
Pittsburg, de
Los Angeles, le
Philharmonique de Londres et celui d'Oslo
juste avant de débuter une retraite en pente douce…
Ah ! Je précise que
Prévin
a également écrit de nombreuses B.O. pour des films marquants comme "Un homme est passé" de John Sturges ou encore
"Les Quatre Cavaliers de l'Apocalypse" de Vincente Minnelli.
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Concerto N° 1 en ré majeur
Alors ? Moderne ou postromantique ce concerto ? Si
Auric
cultive l'outrance ridicule,
Prokofiev
ne renie cependant en rien son apprentissage académique avec les plus
brillants compositeurs de l'école romantique russe :
Reinhold Glière,
Nikolaï Rimski-Korsakov,
Anatoli Liadov
et
Nicolas Tcherepnine. Mais comme
Moussorgski,
Prokofiev
possède un caractère difficile et anticonformiste. La tradition slave se
trouve face à un robuste colosse qui n'en fait qu'à sa tête… De sa jeunesse,
il va hériter d'un style de composition ancré dans la tradition (enfin
presque) ; pas de gammes tonales à la
Debussy
ou à la
Bartók
ou de polyrythmie à la
Stravinsky
qu'il va cependant beaucoup fréquenter. Par contre, question architecture,
nous sommes aux antipodes de la forme sonates chère à ses maîtres…
Si le concerto possède trois mouvements, les tempos sont inversés : Lent,
vif, lent !! Le second mouvement est un Scherzo, forme plutôt rencontrée
dans les symphonies et sonates ou comme morceau libre. Son orchestration est
également typique des innovations orchestrales en ce début du XXème siècle :
Piccolo, 2/2/2/2, 4 cors, 2 trompettes, 1 tuba, timbales, caisse claire,
tambourin, harpe, quatuor des cordes.
Raoul Dufy |
1 - Andantino – Andante assai
: Un bruissement léger des altos se fait entendre. Dans ce climat diaphane,
le violon déroule une première mélodie d'une infinie tendresse, une
ondulation qui va gagner lentement en intensité dans son articulation.
L'orchestre semble jouer sa propre partition sans pour autant abandonner le
soliste. [2'22] une seconde idée quasiment sans rapport avec l'introduction
va offrir au violon un passage agité et virtuose empreint de gaité, très
dansant [4'00] Tiens des pizzicati pour changer d'ambiance avec une sorte de
cadence hyper articulée qui va évoluer en furie.
Je ne vais pas plus loin. Vous avez saisi. Ce mouvement de concerto n'a
absolument rien de classique dans tous les sens du terme. Il s'agit d'une
farandole de passages variés, élégiaques ou diaboliques, où les lignes
mélodiques semblent se jouer de toute suite logique. On ne rencontre aucune
pause marquée, ni pour le violon soliste, ni pour l'orchestre. Les deux
développent sans opposition une totale complicité à travers une chorégraphie
orchestrale. Les idées musicales ne se répètent jamais même si elles ne
durent que quelques mesures.
Gil Shaham
se joue des difficultés inouïes par un phrasé clair, un staccato viril sans
sécheresse. On entend absolument tout de cette déferlante de notes imaginée
par
Prokofiev
qui prit conseil auprès du virtuose polonais
Paul Kochanski
dans le but d'intégrer dans son œuvre toutes les complexités possibles de
l'art du violon.
André Previn
offre un écrin symphonique délicat au violon, notamment par un équilibre
parfait dans les interventions des bois. Le mouvement se termine par une
méditation voluptueuse aux accents métaphysiques…
Gil Shaham
assure une grande cohérence à cet apparent chaos…
2- Scherzo – vivacissimo
: Quatre minutes de musique endiablée. Le violon est soumis à rude épreuve
dès l'exposition du premier thème, nerveux, précipité, goguenard… L'univers
de
Prokofiev
est présent à chaque mesure : rupture brutale de la ligne mélodique, rythme
quasi mécanique.
Gil Shaham
fait preuve de légèreté dans le discours mais aussi de puissance minérale
dans l'attaque burlesque du trio. L'orchestre Symphonique de Londres, réputé pour son manque de pathos de type germanique, apporte une sonorité
limpide et énergique fort bienvenue dans ce Scherzo qui caracole, opposant
même le violon au tuba, et ça, c'est vraiment nouveau…
Marc Chagall |
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Concerto N° 2 en sol mineur
Prokofiev
souhaitait opposer aux extravagances de son premier concerto, et à ses
fourmillements de styles, un moule plus classique pour son second opus écrit
en
1935, lors de ses allers et
venus entre Paris et la Russie où il voulait se réinstaller. C'est tellement
réussi que
Auric
a dû faire une crise d'apoplexie… l'histoire ne le dit pas…
L'ouvrage reprend la structure traditionnelle des concertos en trois
mouvements : vif, lent, vif. Orchestration : 2/2/2/2, 2 cors, 2 trompettes,
cymbales, triangle, castagnettes, grosse caisse, caisse claire, quatuor des
cordes et violon soliste.
1 - Moderato
: le violon solo introduit le mouvement avec mélancolie sur plusieurs
mesures. L'orchestre reprend ce premier thème. On pense à une fugue. Ce
début, d'esprit serein, ne dure pas.
Prokofiev
renoue avec son goût des contrastes en faisant évoluer le discours vers un
climat plus énergique et même un duo violon-grosse caisse de quelques notes.
Nous sommes à l'écoute de musique pure, dansante. Le point commun avec le
premier concerto est la difficulté technique imposée au soliste. Par contre
: l'orchestre semble plus sollicité et en opposition avec le violon. On
retrouve les jeux allègres et précis de
Gil Shaham
et
André Previn
qui décidément restent la signature de cet enregistrement. À la
discontinuité thématique du concerto en ré majeur, on constate un retour à
des reprises des thèmes identifiables dans ce qui se rapproche de la forme
sonate…
2 - Andante assai –
Allegretto - Andante assai
: Le mouvement lent retrouve sa place centrale. On retrouve cette rythmique,
ce battement d'horloge dans les pizzicati qui accompagne la longue mélodie
poétique de ce mouvement très serein. Le compositeur semble souhaiter un
retour vers une écriture néoclassique en opposition à l'imagination
fantaisiste qui faisait le charme du concerto écrit près de vingt ans avant.
Le discours se coule dans un moule romantique. On entend des réminiscences
du style d'écriture très clair qui prédomine dans le ballet
Roméo et Juliette
qui est contemporain de ce concerto.
Gil Shaham
apporte une belle alacrité à sa ligne de chant.
3 – Allegro ben marcato
:
Prokofiev
précise que le rondo final doit se jouer de manière martiale. La grosse
caisse marque de nouveau certains rythmes. Le phrasé général retrouve les
traits cinglants propres au style du musicien. La partition anticipe les
jeux de percussion que l'on retrouvera dans des œuvres ultérieures comme les
3 dernières symphonies. Tout est festif : on entend des castagnettes
intervenir. On ne peux nier une approche bucolique et populaire dans ce
final plein de verve et dynamisé par les deux interprètes !
Flûte et flûte !!! Encore une suppression des vidéos de
Gil Shaham par Youtube. Bob, on
se console avec
David Oistrakh accompagné par
Lovro von Matacic pour le premier concerto et
Alceo Galliera pour le second. Un jeu incisif, du grand art... En attendant le retour
hypothétiques des vidéos du CD commenté !!!
Retour en playlists des versions commentées :
Kon'nichiwa (Bonjour) ! Quand J'écoute les Concertos N° 1 et 2 de Prokofiev, je trouve que le N°2 a des faut air (moins le violon solo) du concerto "Dumbarton Oaks" de Stavinsky. Sur Prokofiev, tu as encore "Roméo et juliette" et très connu "Danse des Chevalier" à faire. en ce qui concerne les vidéos, elle sont nippone ni mauvaise, Prokofiev était-il un cas mis case ? Stop J'arrête la mes jeux de mots à deux balles ! Sayonara !!!
RépondreSupprimerあなたの発言をありがとうございます
RépondreSupprimerJ'ai déniché ses vidéos uniquement parce qu'elle affiche en vignette la pochette du CD. Sinon quand tu cherches en alphabétique, tu ne les trouves pas. Il y plusieurs centaines de vidéos sur le site, j'ai commencé à explorer,. On trouve des symphonies de Mhaler par Boulez... etc. Un peu un jeu de patience...
:o)