On ne va pas tourner autour du pot : c’est le disque le plus célèbre du plus
célèbre des groupes. Je vous laisserai vous entretuer pour savoir si c’est le
meilleur, ou non, franchement peu importe, il fait partie en tout cas de la
sainte quadrilogie constituée de « Beggars Banquet » (1968),
« Let it bleed » (1969), « Sticky Fingers » (1971),
« Exile on Main street » (1972), liste à laquelle on peut rajouter le
live « Get yer ya-ya ‘s out »
en 1969.
Est-ce
qu’un groupe aussi établi que les Rolling Stones à l'époque, oserait sortir aujourd'hui un truc au son aussi magnifiquement
crade, qui n’a d’égal en termes de bon goût, que son titre (littéralement les
doigts gluants) et sa pochette ?! Évacuons la question qui passionne tout
le monde : est-ce t’y ou pas la bite à Jagger qu’on voit sur la
photo ? Non. Même si le lippu aimerait sans doute qu’on le crût… On a
parlé de Joe Dellassendro, acteur
under-ground, habitué de la Factory d’Andy Warhol (qui a réalisé la dite
pochette) et des films de Paul Morrissey.
Apparemment, c’est pas lui non plus… ni même l'ingénieur français Claude T., hypothèse évoquée en
son temps, mais réfutée par sa femme dans une interview au Monde en
2007 : « Sinon, ils auraient fait un double album… ». Pour nos
très jeunes lecteurs, rappelons que sur le 33 tours de l’époque, la braguette
s’ouvrait vraiment, sur une autre photo de slip où l'appendice était encore mieux moulé !
« Sticky
Fingers » marque un double tournant dans la carrière des Stones. Ils
enregistrent désormais sous leur propre label, avec le fameux logo. C’est aussi le premier album avec leur nouveau guitariste
Mick Taylor, suite au décès de Brian Jones. « Sticky Fingers » a
été enregistré à Muscle Shoals, en
Alabama (fin 1969), aux studios Olympic de Londres (fin 70) et dans
la propriété de Jagger en Angleterre. C’est à cette occasion que
les Stones ont créé leur Rolling Stones Mobile Unit, un camion-studio bourré de matos, garé à l'extérieur, qui
resservira à d’autres groupes ensuite.
« Sticky
Fingers » c’est sans doute leur disque le plus accompli en termes de
production. Avec Jimmy Miller aux manettes, ils ont trouvé la bonne formule, les
5 angliches n’ont jamais aussi bien fait sonner le Blues rugueux du Delta, la
moiteur du Funk, la Soul dégoulinante. Comparé à « Their Satanic
Majesties » (1967), y’a pas photo… L'album démarre sur le légendaire « Brown
Sugar » qui ne qualifie pas une variété d’héroïne (quoique, le hasard est troublant) mais
plutôt, comment dire… le parfum intime des jeunes filles à la peau de bronze… Et qui a
écrit ce brulot ? Mick Jagger tout seul, Keith Richards lui reconnaissant
la création du riff de guitare, un coup de génie, alors que Jagger est un
piètre guitariste. Le titre est mis en boite à Muscle Shoals, et joué un an plus
tard à Londres, pour l’anniversaire de Keith Richards, avec quelques potes.
Eric Clapton se met à la guitare, et ce pochetron de Bobby Keys empoigne son
sax. la soirée est enregistrée. Les Stones adorent, repiquent le chorus de sax, et remixent la chanson, telle qu'on la connait aujourd'hui (la version Clapton est disponible sur le Net).
On
reste dans le registre rock avec « Sway », une composition
Jagger/Taylor. Le jeune guitariste nous gratifie d'un premier chorus de slide, ça s’énerve bien à la fin avec le piano de Nicky Hopkins. Keith Richards n'est crédité qu'aux chœurs. Je chipote, mais, pourquoi ces cordes à la fin ? Et on
arrive sur le chef d’œuvre absolu, « Wild Horses », la ballade
définitive inspirée par la muse Faithfull. Cherchez-pas, y’a pas mieux. L’intro est à chialer, comme l’entrée
du chant. A l’époque, Keith Richards trainait avec son pote Gram Parsons,
grand amateur de mezcal et de piquouze aussi (décédé en 1973), qui l’initia à la country, et participa à l'écriture de la chanson. Il aura
l’autorisation de sortir sa version avec The Flying Burrito Brothers.
Autre
pièce de choix, « Can't you hear me knocking », illuminé après la
rupture de tempo par les longs chorus de Mick Taylor (qui rappelle ses
interventions chez John Mayall) et de Bobby Keys. Taylor dont l’apport à
l’album est inestimable, en termes de jeu comme de composition, même s’il n’est
nulle part crédité. A l’époque Richards était dans les vapes, et pas très
concerné… Billy Preston est à l’orgue, le même qui officiait avec les Beatles,
joli CV. Il y flotte un parfum d'Allman's, Grateful Dead ? On passe à un court blues acoustique, dépouillé à l’extrême, reprise
de Fred McDowell, « You gotta move », un truc d’une simplicité
confondante, steel guitar, gros coups de charley (coups de fouets ?), et ces
chœurs lointains qui semblent s'élever d’une plantation de coton. Le
travail sur le son est éblouissant.
« Bitch »
repose sur un bon riff, une chanson rock’n’roll, jusqu’à l’arrivée des cuivres
(Bobby Keys et Jim Price) qui relancent sans cesse, eux-mêmes soutenus par
Charlie Watts à la batterie. C’est droit, carré, sans faille. « I got the blues » n’en est pas un, de blues (même si les premiers accords rappellent leur "Love in vain"), mais
un titre de pure soul music, avec les cuivres en mode Stax, l’ombre d’Otis
Redding plane, et Billy Preston nous lâche un break d’orgue Hammond à vriller
les tympans.
« Sister
Morphine » commence comme une ballade folk, acoustique. Elle avait été
enregistrée une première fois pour Marianne
Faithfull au chant, qui en avait rédigé le texte. Jagger l'a légèrement modifiée. C’est Ry Cooder
qui tient la guitare slide dans les deux versions. A la moitié de la chanson, un entrelacs de guitares
électriques et l'entrée de la batterie donne à l'ensemble une atmosphère comateuse tout à fait de circonstance. J’ai toujours adoré « Dead flowers »,
estampillée chanson parfaite : couplets, refrains,
petit chorus. C'est classique, ça lorgne vers la country, que même The Eagles
ils n’en ont pas une comme ça au répertoire ("Take it easy" ?... Mmmm... non). On y croise la rancœur, la
solitude, et encore la drogue (« with my needle and my spoon »).
Le
dernier titre est plus ambitieux. « Moonlight mile » est une pièce de six minutes composée par Mick Taylor - Keith Richards ne joue pas dessus. Et au piano, c'est le trompettiste Jim Price ! Il y a un petit côté indien, un peu à la « Kashmir » de Led Zep, Taylor a souhaité un enrobage de cordes, il y a des accents psychédéliques que n'aurait pas reniés Brian Jones. Et, oh surprise, il y serait question d'un bon trip à la cocaïne...
J’ai
lu parfois que les vrais Stones seraient ceux de « Get yer… » parce
qu’ils jouent en configuration guitare. Foutaises ! D’abord parce que le
pianiste Ian Stewart est quasiment le musicien autour duquel s’est cristallisé
le groupe quand ils ne s’appelaient même pas encore les Stones, et parce les
cuivres, les claviers, les percus sont des éléments essentiels à la musique
soul, au rhythm'n'blues, source d’inspiration du groupe. Ces gars là ont biberonné autant à Muddy Waters qu'à James Brown. C’est justement parce qu’ils
ont pioché ci et là d’autres instruments et arrangements, qu’ils sont devenus à
la fin des années soixante, le groupe que l’on sait.
« Sticky Fingers » est une apogée, la plus haute marche après laquelle on ne peut que redescendre… Sur la photo intérieure, on les voit tous les cinq extrêmement fiers d’eux, rigolards, Jagger baille, genre quand tu veux j’en ressors un comme ça, et Bill Wyman, (sticky) finger in the nose semble approuver. Un disque rugueux, boueux, qui sent le soufre et le foutre, et qui n'en finit pas de fasciner l'auditeur.
A l'heure où j'écris ces lignes (j'ai toujours rêvé de dire ça un jour...) « Sticky Fingers » ressort, tout propre, avec bonus, cd et dvd live, bref, le barnum habituel. Il parait que ce coffret est somptueux, mais je ne le possède pas.
« Sticky Fingers » est une apogée, la plus haute marche après laquelle on ne peut que redescendre… Sur la photo intérieure, on les voit tous les cinq extrêmement fiers d’eux, rigolards, Jagger baille, genre quand tu veux j’en ressors un comme ça, et Bill Wyman, (sticky) finger in the nose semble approuver. Un disque rugueux, boueux, qui sent le soufre et le foutre, et qui n'en finit pas de fasciner l'auditeur.
A l'heure où j'écris ces lignes (j'ai toujours rêvé de dire ça un jour...) « Sticky Fingers » ressort, tout propre, avec bonus, cd et dvd live, bref, le barnum habituel. Il parait que ce coffret est somptueux, mais je ne le possède pas.
Un beau play-back de "Brown Sugar" à Top of the Pops... (sans Booby Keys au sax).
Et la version dite "Clapton"
ooo
T'aurais pas oublié Aftermath dans ta quadrilogie Pagnolesque?...(Paint it Black pour la version US, Lady Jane, Under my Thumb...des bricoles quoi...).
RépondreSupprimerLes Stones c'est comme les Who, des singles, Sympathy, Honky Tonk, Ican't get no...
T'as du Santana dans Can't you hear me frappé....le délire final.
Et surtout t'as le psycho rigide Mick Taylor qui tricote comme un culbuto sous camisole. Oui c'est un chef d’œuvre!!
ps: j'ai commandé le live au Marquee 71 en bluray, avec Dead Flowers et tout ça, il est dans les toyos, je salive!....
RépondreSupprimerNon, j'ai pas oublié ! Les titres y sont formidables. Des bricoles, comme tu dis ! Mais les 4 en questions, ils sont plus cohérents, dans les compos, le son, je trouve qu'ils forment un tout, dont Sticky serait la pièce maitresse.
RépondreSupprimerPas fan des Stones mais je ne vais surtout pas me séparer du vinyle de l'époque, pochette dantesque !
RépondreSupprimerJ'ai acheté il y a deux jours la version toute neuve deux cds dont un de bonus avec du live de 1971. Magnifique. j'adore également ce disque, parfait pendant studio du groupe qui brilla sur le live "Get Yer...". On retrouve ce heavy-blues moite, teinté de cuivres et de piano. Il est véritablement un aboutissement musical pour les Stones, fruit d'une remise en cause complète de sa musique qui débuta en 1968, et où le groupe laissa tomber le côté Pop anglaise pour se plonger totalement dans le blues-rock rugueux. Le deuxième sommet, ce sera "Exile..", parfait lui aussi, mais avec un son moins riche que "Sticky Fingers". La suite sera un peu pâle, et verra les Stones définitivement décliner après le départ de Taylor, clef de voûte magistrale de cette période du groupe.
RépondreSupprimerExact ! Voilà pourquoi je ne place pas Aftermath dans la quadrilogie !! Ce n'est plus un groupe anglais, ils deviennent américains ! Alors, ce coffret ? Il y a un cd live, et un dvd, ça vaut vraiment le coup ? C'est le live Marquee 71, dont parle Juan, non ?
SupprimerMick Jagger lâcha un jour que la meilleure période des Stones était celle où jouait Mick Taylor. Et d'ailleurs, qu'il avait regretté son départ. Cependant, et heureusement (pour eux), cela n'a pas empêché ces Anglais d'écrire encore de très bonnes chansons.
RépondreSupprimerToutefois, effectivement, "Sticky Fingers", "Get Yer Ya Ya's Out", "Let it Bleed", "Exile on Main Street", "Goats Head Soup", "It's only Rock'n'Roll" sont de véritables joyaux, installés sur un piédestal de la culture Rock des 70's (et au-delà). Certaines critiques présument que Jimmy Miller (le producteur - jusqu'à "Goats Head soup" -) n'y est pas étranger.
Il y a plusieurs éditions, moi j'ai la version deux cds : l'album original, des versions alternatives dont une fantastique version de "Brown Sugar" avec Clapton à la slide, et quatre titres live à la Roundhouse. Dans la version super méga deluxe qui coûte un bras, il y a, entre autres, un dvd avec .... deux titres au Marquee, et le cd du concert à l'Université de Leeds. Mais hormis si tu es un fan absolu qui veut la pochette vinyl originale avec la braguette, et un réplica d'un 45T, le live à Leeds sera disponible ces jours-ci en cd indépendant dans la collection officiel des live des Stones. Du coup, je te conseille la version 2 cd qui te coûtera 17 € plutôt que la méga deluxe version qui en fait 100.
RépondreSupprimerDécidément, le père Jagger se remet toujours pas de s'être fait baiser par DECCA ah ah !
Let it bleed Luc. Let it bleed . salut RAMONE
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