- Étrange M'sieur Claude, la jolie rousse de cette jaquette fait songer
à un disque de Rock ou Pop, mais… je vois une flûte, en or apparemment
!
- Enfin une pochette "classique" non ringarde, je vous l'accorde Sonia.
Mlle Sharon Bezaly est l'une des meilleures flûtistes concertistes
actuelles, si ce n'est la seule de sa génération…
- La seule ? Vous pouvez préciser ???
- Les concertos pour flûte sont beaucoup plus rares que pour le piano,
le violon, ou le violoncelle. Sharon a étudié tout ce qui existe dans ce
domaine pour s'imposer dans une carrière solo et plus : de nombreux
compositeurs contemporains ont étoffé son répertoire…
- Ah je vois, un pari un peu fou, une James Galway au féminin…
- Ô mais vous connaissez ce grand monsieur Miss Sonia ! Un point pour
vous… Oui, oui, il y a de cela…
- Ben quoi M'sieur Claude, je ne m'intéresse pas qu'aux tailleurs des
ministres et aux robes de Yuja Wang… Quoique que le petit haut noir en
dentelle de Sharon me plaît bien…
Sharon Bezaly XXXX XXXX |
Sympa la pochette comme dit Sonia… Ça change de l'image "paysage" ou des
"ronds dans les carrés" qui font encore les choux gras des jaquettes des
CD de musique classique. C'est vrai que cette photo fait penser à une
artiste "folk".
Sharon Bezaly
native d'Israël (1972) ne fait pas la une des médias ni des revues
spécialisées (Quoique de nombreuses récompenses lui ont été attribuées).
Il faut dire que cette jolie rousse (qui peu apparaître brune ou blonde !)
n'a pas choisi une voie facile en décidant de s'orienter vers une carrière
de soliste en 1995, c'est à dire jouer des concertos, tant en
concert qu'au disque. Si le piano, le violon ou le violoncelle bénéficient
d'un catalogue infini, ce n'est pas le cas pour la flûte, même si celle-ci
a su prendre, à toutes les époques, un rôle important dans l'orchestre.
Sharon Bezaly
a débuté très jeune. À 11 ans elle se produit avec l'excellent orchestre d'Israël dirigé par Zubin Mehta
qui a repéré les dons de la jeune fille, et assure de très nombreux
concerts avec cet orchestre depuis des décennies. Le son de la flûtiste
parvient aux oreilles de Jean-Pierre Rampal
qui lui conseille d'intégrer le Conservatoire Supérieur de Paris. Elle n'a
que 14 ans ! Elle obtiendra haut la main un premier prix de flûte et un
second de musique de chambre.
Elle vit actuellement en Suède et sa flûte en or 24 carats a été
fabriquée par la firme japonaise
Muramatsu qui avait conçu la
flûte de James Galway
cité par Sonia (un artiste né en
1939). Pour les flûtes de
cette qualité : uniquement sur commande, prix non communiqué... L'or plus
rigide que l'argent apporte à l'instrument, soit une puissante brillance
si on le maîtrise, soit un son criard insupportable dans le cas
inverse.
Les compositeurs classiques et romantiques n'ont guère offert un
répertoire élargi pour cet instrument volubile ou séraphique. En
réfléchissant rapidement, la grande majorité des mélomanes pensent aux
concertos de Mozart
(dont celui pour flûte et harpe), plus récemment celui de Khatchatourian
(transcrit du concerto pour violon) et… après on cherche un peu… Pas
terrible pour faire une carrière de premier plan.
Sharon Bezaly
est une personnalité imaginative et a exhumé des partitions colorées de
compositeurs des plus divers, très connus comme Vivaldi, un peu connus comme Rodrigo ou Ibert, ou totalement méconnus comme Robert Woodcock… Par ailleurs la jeune femme a vu un grand nombre de compositeurs de
notre temps lui concocter un répertoire riche (une bonne quinzaine pour
des concertos ou des solos). Et tout cela additionné offre à l'artiste de
quoi parcourir le monde.
Dans un second album que je présenterai plus rapidement, on trouve
concertos ou pièces concertantes de compositeurs assez connus comme Nielsen, Tchaïkovski, Poulenc, ou d'autres comme la française Cécile Chaminade… Elle est accompagnée par un chef de haut vol : Neeme Järvi.
Flûte en or Muramatsu |
Ce bel album propose trois œuvres (découvert en médiathèque par ma chère
et tendre, et acheté promptement).
Joaquin Rodrigo
: Concerto pour flûte et orchestre
Joaquin Rodrigo Jacques Ibert |
Le compositeur espagnol Joaquin Rodrigo
(1901-1999 -
Clic) est universellement connu pour son
concerto d'Aranjuez. Il a composé son
concerto pour flûte
en 1978 pour James Galway. Voici une œuvre postérieur de 40 ans au célèbre concerto pour guitare,
et de 26 ans pour le
concerto pour harpe
"madrigal" dédié à Nicanor Zabaleta. Le style se rapproche d'ailleurs de cette œuvre de
1952.
On retrouve le style mi postromantique mi moderne du compositeur
espagnol. Dès l'allegro
initial, une grande virtuosité est demandée à la flûtiste qui dialogue
avec un orchestre léger où les cuivres (cors) resplendissent de couleurs
ibériques, donc ensoleillées. Sharon Bezaly
nous entraîne dans un délice de volutes agrestes dans les 2 mouvements
extrêmes. Elle se joue des difficultés, le discours semble ne jamais
présenter de pause ! Quand reprend-elle son souffle ? Mystère.
Sharon Bezaly
est accompagnée avec délectation et poésie par l'orchestre de Sao Paulo dirigé par John Neschling, un chef né au brésil en
1947 (sa famille israélite
ayant fui le nazisme), mais formé à Vienne dans la classe de Hans Swarowsky puis auprès de Leonard Bernstein et Seiji Ozawa
à Tanglewood
(Boston). Le must ! Lors de sa carrière internationale, il a été lauréat
de 5 "diapasons d'or"…
L'adagio se perd dans un
jardin au crépuscule, d'où sans doute le sous-titre "Pastoral" donné à l'ouvrage. La flûte domine le discours musical : des aigus
fabuleux, pas de trémolos, aucun bruit de souffle gênant… Divin.
Le final retrouve la verve galante chère au compositeur et permet à la
flûte de papillonner gaiement sur toute sa tessiture. La virtuosité et
l'élégance du jeu de la flûtiste sont bluffantes…
Le concerto de
Rodrigo existe dans peu de versions disponibles (Patrick Gallois, élève de
Jean-Pierre Rampal) et le disque de
Emmanuel Pahud dans le concerto d'Ibert
n'est hélas plus disponible. Deux raisons pour aimer ce disque.
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John Neschling DDDD |
La
Fantaisie brillante
de François Borne
(1840-1920) est une courte
pièce sympathique dans laquelle des thèmes connus de
Carmen structurent le morceau. La meilleure place est donnée à la flûte soutenue
par une partition d'orchestre un peu pâle. Peu importe, c'est divertissant
et Sharon
donne à sa flûte l'énergie et la diablerie qui rappelle bien le caractère
orageux de la cigarière… "La flûte est un oiseau rebelle" ;o) L'orchestre de Sao Paulo
révèle des qualités insoupçonnés de la discographie (enfin à ma
connaissance).
Jacques Ibert : Concerto pour flûte et orchestre
Quelques mots sur Jacques Ibert
qui n'a pas encore été invité dans le blog. Oui Pat… ça viendra… ("Un fan
!")
Né en 1890 à Paris, Ibert
étudiera au conservatoire de Paris. L'homme a l'âme d'un pédagogue et
dirigera la Villa Médicis (le
temple des prix de Rome) de
1937 à
1940. L'Italie et la France
entrent en guerre. Il doit fuir et l'Italie et le régime de Vichy pour la
clandestinité. Il retrouvera la noble institution romaine en
1944 jusqu'en
1960, peu de temps avant sa
disparition en 1962.
Ibert
compositeur est un original qui n'a que faire des dogmes. Son œuvre est un
puzzle d'œuvres aux formes libres et à l'orchestration fantaisiste,
notamment dédiées à des instruments mal servis par ses confrères. On y
reviendra
On retrouve donc la délicatesse, l'humour, les couleurs impressionnistes
du facétieux Jacques Ibert
pour conclure le disque. Encore un orchestre réduit où la petite harmonie
courtise la soliste. Cette œuvre de
1934 ne cherche pas
l'expérience moderniste, ce qui fait de ce très beau disque une gravure
tout public…
Jacques Ibert
adorait la culture et la musique espagnole qui nourrit ce concerto écrit
pour Marcel Moyse. Rien de surprenant à entendre
Sharon Bezaly
donner libre cours à la pétulance d'une flûte affairée, ironique dans le
tourbillon de l'allegro. L'andante nous plonge dans des clairs-obscurs
nocturnes et parfumés. Diverses variations volubiles dont un tendre duo
flûte-violon enchantent l'atmosphère générale. L'allegro Scherzando
apporte une conclusion diablotine à cette œuvre pleine de vitalité
charmeuse.
Important. Comme pour les disques de Rock, cet album porte un sous titre
"Bridge Accross The Pyrenees"
(littéralement : Pont à travers les Pyrénées). Rien de surprenant vu le
programme : Rodrigo, la sulfureuse Carmen, et
les accents ibériques chers à Jacques Ibert…
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Comme prévu, je ne peux faire l'impasse sur un album de Sharon Bezaly
consacré à des compositeurs très variés, un CD intitulé un peu platement
"Great works for flûte et orchestra". Platement et bêtement, car hormis Tchaïkovski, les compositeurs retenus ne sont pas des habitués des hitparades.
Moment magique : la
transcription
pour orchestre de la
sonate pour flûte
de Francis Poulenc. Autre rareté :
le concerto
du danois Carl Nielsen, sombre et presque féroce comme parfois avec ce compositeur tourmenté
(tiens une chronique à faire sur l'une de ses 6 remarquables symphonies).
On y trouve même une folle transcription du
Vol du
Bourdon
de Nicolaï Rimski-Korsakov.
Ah et pour finir, encore un album pour ceux qui seront emballés par le
jeu vertigineux de la flûtiste : un disque comportant rien de moins que
les deux
concertos pour flûte, le
concerto pour flûte et harpe
et un
rondo
de Mozart… Tous les enregistrements de l'artiste sont parus et disponibles pour le
label BIS (En SACD).
Avec une quinzaine d'albums, la plupart récompensés par la critique
internationale,
Sharon Bezaly
a donné ses lettres de noblesses à l'école moderne de la flûte...
Les deux vidéos correspondant à ce programme… Le concerto pastoral pour flûte de Joaquin Rodrigo. Et celui de Jacques Ibert.
Oui j'aime beaucoup Jacques Ibert qui est surtout connus des cinéphiles puisque ce dernier a composé aussi pour le cinéma, mais j'aime aussi beaucoup Zoltan Kodaly (Surtout la danse de Galanta). Mais pour revenir a cette Jean-Pierre Rampal à jupons, la classe ! j'ai écouté sa version du concerto de Mozart, celui de Rodrigo ainsi que celui de Jacques Ibert (Bien sur ! ). Devant une telle flûte, on ne peut pas rester de bois ! 24 carats ? Sharon Bezaly sera t'elle une descendante de Midas ? On ne peut que lui souhaiter. Même si la flûte a été mal desservie, la harpe elle , l'a été un peut plus avec des Lily Laskine et autre Nicanor Zabaleta avec des oeuvres de Mozart, Vivaldi , Haendel, Rodrigo et surtout le plus connu le concerto pour harpe et orchestre en ut majeur de François-Adrien Boieldieu. Juste une suggestion en passant !.
RépondreSupprimerExcellente suggestion Pat !
SupprimerNicanor Zabaleta avait gravé un LP fin des années 60 les concertos de Rodrigo et de Boieldieu. Je l'avais emprunté dans une discothèque à l'époque... Je viens de dénicher les deux enregistrements dans un double album consacré à cet artiste, une réédition Dgg. On y trouve aussi Mozart - bien entendu - Haendel, mais aussi des inconnus comme Albrechtsberger ou Dittersdorf (!?) sans compter les danses de Debussy. Un programme qui ne fait pas trop double emploi avec une anthologie déjà en rayon. Tsss Tsss tu me fais faire des dépenses :o)
Oui les concertos de Boieldieu et Rodrigo chez Dgg avec Nicanor Zabaleta et le radio symphonique de Berlin sous la baguette de Enrst Maerzendorfer de 1960 (que j'ai en vinyle) est une des seul versions que je connaisse (avec celle de Laskine écouté sur youtube)
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