C’est
à se demander pourquoi cette histoire n’avait jamais été portée au cinéma !
Rappel des faits, pour ceux qui ne connaitraient pas ce fait divers sordide…
Trois mois après avoir été enterré au cimetière de Vevey en Suisse, le cercueil de Charlie Chaplin a été dérobé, en mars
1978. Les deux maitres-chanteurs
ont demandé une rançon contre rétribution du corps (inspirés d’une affaire semblable, en Italie, avec la
dépouille d’un riche industriel). Deux guignols, un bulgare
et un polonais, au chomdu, qui voulaient un pécule pour monter un garage auto. La police les a coincés quelques semaines plus
tard. 4 ans de taule pour l’un, 18 mois avec sursis pour l’autre.
Xavier
Beauvois s’empare donc de cette histoire de dingue, relate les faits, mais en
les remaniant (l'épilogue est heureuse...), dressant deux portraits de paumés sympathiques, une histoire d’amitié,
et rend un hommage appuyé au créateur de Charlot. Xavier Beauvois, j’aime
beaucoup. L’acteur, mais aussi le réalisateur. Il tourne peu, tous les 5 ans, N’OUBLIE
PAS QUE TU VAS MOURIR (1995) SELON MATTHIEU (2000) et LE PETIT LIEUTENANT
(2005) les deux avec Nathalie Baye, son gros succès en 2010, DES HOMMES ET DES
DIEUX.
Beauvois
choisit de faire des deux charlots, deux amis dans la dèche. Eddy sort de
taule, et s’installe avec son pote Osman, un émigré algérien qui vit dans une
bicoque délabrée avec sa fille de 10 ans. C’est la nuit de Noël 77, on annonce
aux infos la mort de Charlie Chaplin. Eddy, Osman et Samira regardent ça sur le
poste de télé qu’Eddy a rapporté, et ne lui demandez surtout pas où il l’a
trouvé… La maman est à l’hosto pour un problème de hanche. L’opération va
couter cher... Partant du principe que Chaplin était l’ami des sans grades, des émigrés, des hors la loi, que la famille ne verra donc aucun inconvénient à payer, Eddy et Osman se lancent dans une extorsion de fond...
C’est
la très bonne idée de ce scénario, faire d’Eddy et Osman des personnages issus
de l’univers social de Chaplin, des refoulés du système, qui tentent de rester dignes. Dignité ne rimant pas forcément avec moralité. Osman est pris dans l’engrenage administratif, dans celui du
mensonge, comme Charlot était prisonnier des rouages des machines à l’usine. Les
références aux films de Chaplin sont nombreuses (mais discrètes parfois), avec la bicoque d’Osman, sa
cheminée de travers comme la cabane de LES TEMPS MODERNES, et le papa seul avec
un enfant qui renvoie à THE KID, Samira en ballerine à LIMELIGHT, l'opération chirurgicale à CITY LIGHT... Les scènes avec la gamine sont très réussies,
attachantes sans être gluantes de sentiment, Beauvois sait éviter le pataud.
Le
trio de comédiens y est pour beaucoup, Roschdy Zem et Benoit Poelvoorde sont
impeccables, et Séli Gmach est épatante, toujours juste, enfin une gamine bien
dirigée !
Mais,
y’a un mais… LA RANCON DE LA GLOIRE nous est vendu comme la première comédie de
Xavier Beauvois. Sauf qu’on ne rit pas. On sourit
parfois, sur une réplique, une scène, mais le ton n’est pas à la comédie. Le rythme
non plus. Beauvois est un excellent metteur en scène, mais la comédie n’est pas
son affaire. C’est un métier ! Beaucoup de situations se prêtaient à un développement
comique, un gag, mais Beauvois n’ose pas. Trop respectueux de son sujet.
Chaplin qui dans ses films fustigeait les institutions, militaires, politiques,
religieuses, est devenu lui-même une institution, et Beauvois se laisse écraser
par la statue du Commandeur !
Eddy
rencontre une écuyère, qui l’embauche dans son cirque, où il fait le clown (si
c’est pas référentiel, ça !). Mais là encore, si l’intention est belle, elle
ne mène à rien, ni en termes d'action ni de gags. La base du comique de Chaplin, c'est une situation imprévue qui en amène une autre, plus perturbante
encore. C'est l'enchainement, les rebondissements. Le film de Beauvois est trop linéaire, trop sage, et manque cruellement de matière. Les scènes dans la (vraie) maison de Charlie Chaplin à Vevey – où Dolores Chaplin, sa vraie petite fille
joue ici sa fille - n’apportent pas grand-chose,
on aurait pu sans passer, carrément. Comme du personnage du majordome de
Chaplin, joué par Peter Coyote.
La
musique n’arrange rien. Elle est signée – rien que ça – de Michel Legrand, et
dégouline de partout ! Legrand qui inclut des thèmes de Chaplin dans ses
compositions, reprenant notamment celui des FEUX DE LA RAMPE. Mais cette
débauche de violons ne cadre pas avec les deux p'tits malfrats à deux francs suisses. Par contre, lorsque Eddy expose son plan à Osman, la musique
envahit le dialogue, puis le couvre totalement. Ce qui nous empêche d’entendre.
Belle idée de mise en scène, de mise en musique !
Cela se suit agréablement - en 1h40 ç’aurait été
mieux – mais le film manque de développements, d'idées, de drôlerie, de méchanceté. Trop sage,
trop respectueux. A l'image de l'épilogue : pas de poursuite de la part de la famille Chaplin, qui pardonne, et règle la note de l'hôpital.
ooo
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