Comme beaucoup de musiciens de sa génération, Jeff GOLUB a débuté la guitare à l'écoute des Jimi Hendrix, Eric Clapton et Jeff Beck. Puis, en remontant à la source, de Freddy King, Albert King et B.B. King (1), rapidement suivit des Muddy Waters et Buddy Guy.
Au milieu de tout ça, vint un disque de Wes Montgomery. Evènement crucial, car dorénavant, le facteur Jazz ne quittera plus Jeff, même s'il dû mettre en veilleuse cet élément pendant de longues années, alors qu'il n'était que l'homme de main de célèbres rockers.
Ce serait également ce nouveau facteur qui l'aurait incité à partir étudier à l'université de musique de Berklee, à Boston, avant de partir à la vie active. De là, sorti un grand guitariste qui n'a que trop rarement jouit d'une notoriété que pourtant bien d'apprentis gratteux profitent parfois injustement.
Golub (à gauche) avec Squier lors d'un de ses petits concerts occasionnels |
Les choses sérieuses débutent lorsqu'il rejoint le chanteur de Blues, James Montgomery, alors à Boston.
A l'aube des années 80, lorsqu'il part s'installer à New-York, il est recruté par un rocker, déjà trentenaire et plein d'ambition, qui a quitté depuis peu un groupe de Hard-rock poppy prometteur (dont les deux opus ont eu bonne presse) pour voler de ses propres ailes (2). Il s'agit de Billy Squier qui commence déjà à faire parler de lui dès son premier opus, et qui fait un gros carton avec le suivant, "Don't Say No" (lien). C'est une aubaine. D'abord enrôlé pour intégrer le groupe de scène de Squier, Jeff devient rapidement un membre définitif, participant à l'enregistrement des albums à partir de 1982 avec "Emotion in Motion" (double-platine avec 5 singles dont le n°1 "Everybodys wants you"). Si Golub ne compose pas, son jeu incisif et infaillible apporte beaucoup aux chansons, permettant même de redonner du mordant aux pièces mellow (comme sur l'inégal "Sign of Life" produit par Jim Steinman).
L'énorme succès de Billy Squier outre-Atlantique permet à Golub de se faire un nom ; notamment dans le milieu professionnel. Ainsi, en 1988, alors que Squier ralenti le tempo, Golub est approché par Rod "The Mod" Stewart qui l'embarque pour la tournée suivant la sortie de "Out of Order"(avec un certain Stevie Salas à la seconde guitare). Le registre est bien moins Hard-rock, ce qui toutefois n'empêche nullement Golub de s'exprimer et de faire preuve de talent. Lors du fameux "People Get Ready" (reprise qui avait fait un tabac tout en dévoilant les retrouvailles temporaires et inespérées entre Stewart et Jeff Beck), une large plage lui est réservée, permettant au grand public de découvrir un guitariste talentueux et racé.
Jeff avec Rod Stewart |
La même année, Golub en profite pour réaliser son premier album solo, "Unspoken Words (aujourd'hui introuvable).
Il participe également aux sessions d'enregistrements des albums de Rod Stewart (avec d'autres mercenaires six-cordistes) dès 1991 avec "Vagabond Heart", jusqu'en 1995 avec "A Spanner in the Works".
Parallèlement, il ne lâche pas son ancien employeur, Billy Squier, avec qui il ne cesse d'enregistrer jusqu'au très bon "Tell the Truth", en 1993 (3). Ce qui tranche avec la section Rod Stewart car les trois opus qu'a réalisés Squier de 1989 à 1993 - soit "Hear & Now", "Creature of Habits" et "Tell the Truth" - sont les plus durs, les plus franchement Hard-rock qu'il ait jamais enregistrés.
C'est au moment où Squier se retire de la musique, que Jeff Golub en profite pour vraiment se lancer dans une carrière solo, et jouer une musique plus en phase avec ses nouvelles aspirations.
Et surtout, c'est l'occasion de pouvoir s'exprimer dans un registre nettement plus jazzy.
On découvre alors un musicien pointu, précis, habile, fluide, sachant faire chanter sa guitare, la faire vivre.
Apprécié par la communauté des professionnels de la musique, on le retrouve sur de nombreuses sessions (Bill Evans, Peter Wolf, John Waite, Rick Braun, Warren Hill, Tina Turner, John Lynn Turner, Mindi Abair, Philippe Saisse, et quelques autres). Il faut dire aussi que sa prestance sur scène ainsi que sa bonne bouille lui donnent l'image d'un gentleman, facile à vivre, irradiant d’humilité.
De 1994 à 2013, Jeff Golub enregistre douze disques qui marient le Jazz, le Blues et le Rock pour une sensation de Smooth Jazz légèrement bluesy et bercé par des rythmes chaloupés, parfois un rien latin (on pense parfois au Santana des années 80).
Pendant l'été 2011, suite à un dysfonctionnement soudain du nerf optique, Jeff perd progressivement, mais rapidement, la vue. Malgré cela, il reste optimiste (!). "J'ai de la chance, je peux continuer à exercer mon métier. Cela me rend meilleur, mes oreilles sont plus sollicitées et je suis plus sensibles aux sensations de mon public. J'ai de la chance, il me soutient." Bel exemple de courage et de force de caractère.
Désormais, Jeff est constamment accompagné d'un chien d'aveugle : Un labrador noir nommé Luke (que l'on peut voir sur les photos, dont la pochette de son dernier disque).
Comme si ce malheur n'étant pas suffisant, Jeff échappe de peu à la mort en septembre 2012. Croyant entrer dans un wagon de métro (au 66 street Brodway Lincoln Center), il tombe sur les rails et est happé par une rame de métro qui le traîne un temps. Miraculeusement, il s'en sort indemne, à l'exception de quelques ecchymoses, vite secouru par des passants.
Avec Mindi Abair |
Non dépourvu d'humour, en souvenir de cet accident qui aurait pu être tragique, Jeff baptise en conséquence son dernier disque (en 2013) "Train keeps a Rolling". Un dernier disque dont le projet initial est lancé par son manager pour relancer sa carrière, en y conviant le célèbre claviériste, spécialiste de l'orgue Hammond, Brian Auger. D'après l'avis de nombreuses critiques, c'est un retour réussi où les racines Blues serait plus que jamais bien vivante, avec quelques impulsions Funky bienvenues. Une réalisation où l'on retrouve également la jolie saxophoniste Mindi Abair et le batteur Steve Ferrone.
En novembre 2014, on lui diagnostique une maladie dégénérative très rare et incurable du cerveau. Une paralysie supranucléaire progressive qui ôte, graduellement, les capacités. Il y eut alors un élan de ses fans et proches pour collecter des fonds pour tenter de soigner, ou de ralentir sa maladie.
Peu de temps après, le jeudi 1er janvier 2015, Jeff Golub décède, à seulement 59 ans, laissant ses deux jeunes garçons (de 11 et 13 ans).
Un artiste discret, simple, un père de famille aimant et présent, s'en est allé.
Encore une chronique nécrologique, et cela risque fort de s'amplifier. En aparté, on nous rabâche les oreilles sur le vieillissement de la population, pourtant la majorité de ceux qui ont fait l'objet de ces dossiers étaient encore dans la fleur de l'âge. Du moins, cela semble être une règle chez nos amis rockers. Peut-être que, finalement, le Rock'n'Roll use prématurément.
(1) Un de ses disques sera d'ailleurs réalisé en leur hommage : "The Three Kings" en 2011.
(2) Il s'agit de Pipper, auteur de deux disques, dont le 1er fut considéré par la revue Circus comme le meilleur 1er album jamais produit par un groupe Américain de Rock. (ce qui est bien exagéré)
(3) C'est le dernier disque électrique de Billy Squier. Peut-être déçu par l'attitude de Capitol Records qui n'a pas promu "Tell the Truth" avec pour résultat son seul disque à ne pas être classé dans les charts (nombreux sont ceux qui encore aujourd'hui ignore l'existence de ce disque, alors que Squier le considère comme son meilleur depuis "Don't Say No"), il se retire de la musique. Il réalise un dernier disque, seul, en acoustique en 1998. Depuis, il remonte de temps à autre pour taper le bœuf, un concert commémoratif ou pour rejoindre Ringo Starr.
jazz'n'blues
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