vendredi 5 septembre 2014

THE LIVE ADVENTURES OF MIKE BLOOMFIELD AND AL KOOPER (1968) par Luc B.



J’annonce d’entrée de jeu, je fais péter les six doubles-croches. Sentimentalement je ne pouvais pas faire autrement... Ce disque est sans doute un des plus représentatifs des années 60. L’initiative en revient à Al Kooper, personnage incontournable de ces années-là. Multi instrumentiste, compositeur, producteur, directeur artistique, il a participé aux fameuses séances électriques de Bob Dylan (l’orgue miraculeux de « Like a rolling Stone », c’est lui), il est à l’origine de groupes aussi divers que SWEAT BLOOD AND TEARS ou LYNYRD SKYNYRD. En 1968, il propose aux guitaristes Mike Bloomfield et Stephen Stills, d’enregistrer une jam session, sur le modèle des musiciens de jazz. Il en ressort le très célèbre SUPER SESSION (1968), disque que beaucoup considèrent comme mythique, qui m’a aussi épaté (la version de « Season of the witch » de Donavan  y est grandiose), bien que le temps qui passe n’arrange rien à l’ouvrage, dont certains effets sonnent aujourd’hui un peu vieillots.

- Sonia, mon petit poussin, prenez note…
- Oooohhhh, gloups, M’sieur Luc…
- Arrêtez de glousser, j’ai dit poussin, pas dindon. Donc, notez : consacrer un article à Mike Bloomfield un de ses jours, et mettez Bruno en copie. 

Donc… fort du succès de SUPER SESSION, Al Kooper propose à son compère (car Bloomfield était aussi de l’aventure Dylan) de remettre ça, mais devant un public. Hop, un coup de fil à Bill Graham, le proprio du Fillmore, salle de spectacle bien connue des musiciens, à San Francisco, et à New York. Allo, Bill ? Est-ce que tu peux nous réserver la salle trois soirs de suite, histoire qu’on jamme avec Mike ? Pas de problème mon gars…

Les 26, 27 et 28 septembre 1968, Al Kooper aux claviers, Mike Bloomfield à la guitare, John Kahn à la basse, et Skip Prokop à batterie, se présentent deux fois par soir, pour un concert-jam, autour de titres très divers. Au début du disque, on entend Mike Bloomfield parler au public (il pique le micro à Bill Graham, qui habituellement présentait lui-même ses invités). Bloomfield raconte la genèse du disque, du genre : Al m’a dit, mon pote, viens jouer avec nous, ça va être cool, alors j’ai dit, man, super, cool… Vous savez, j’ai jamais joué avec ses mecs, alors euh, bon, voilà, on s’est rencontré y’a 4 jours, vous savez, on a fait connaissance et tout, cool, quoi, et bon ben maintenant vous savez, quoi…

J’adore le son du disque (je n’ai que le vinyle, je ne sais pas si la réédition cd est à la hauteur), très sixties, une peau de caisse claire plus tendue que les miches de Nabilla, frappe sèche, l’orgue électrique de Kooper, stridents ou moelleux, le jeu millimétré, acéré de Bloomfield, le chant incertain mais plein de foi des deux compères (ni l’un ni l’autre est un grand chanteur), la résonance des lieux. Pas de doute, c’est du live, du vrai.

La set-list puise un peu partout (Kooper était un adepte de la fusion des genres), des tubes revisités. Ca commence avec « Feelin’ groovy » de Paul Simon avec Kooper au chant, puis « I wonder who » un blues de Ray Charles, et une impro psychédélique jazzy sur 3 temps « Her holy modal highness » de Kooper-Bloomfield (présent sur SUPER SESSION), avec chorus de basse. La face B offre des titres plus courts, une version instrumentale de « The weight » de The Band, ou la reprise de « That’s allright mama » (Cruddup/Presley). A l’intro, on ne s’y attend pas, c’est lorsque Bloomfield entame le chant qu’on reconnait le morceau, tempo lourd, alangui. L’organiste Kooper ne pouvait pas faire l’impasse du classique Soul « Green Onions » de Booker T Jones. Un autre Ray Charles, « Mary Ann » (j’adore ce titre) et sa rupture de tempo, Bloomfield au chant.

Surprise sur la face C, Al Kooper prend le micro et annonce que Mike Bloomfield est absent, à l’hosto, pour une cure de sommeil. Bloomfield, grand junkie devant l’Eternel, qui n’avait pas dormi depuis 5 jours, est tombé d’épuisement. On appelle le guitariste Elvin Bishop, du Paul Butterfield Blues Band, à la rescousse. Bishop, on l’entendra aussi jammer avec The Allman’s Brothers, sur le célèbre Live au Fillmore. Il joue et chante sur les 12 minutes de « No more lonely nights », un blues lent. On appelle aussi un jeune gars, Carlos Santana, qui joue sur « Sonny Boy Williamson » de Jack Bruce

Bloomfield est de retour sur la face D, qui propose deux titres longs. « Dear Mister Fantasy » de Steve Winwood, qui après un couplet se barre à la manière de « Can’t you hear me knocking » des Stones, sur STICKY FINGERS, et Kooper fera un détour par « Hey Jude » des Beatles, avant de faire mumuse avec ses effets – qui font cornemuse… Y’a même un problème de micro sur la fin, non corrigé au mixage. Un vrai live, j’vous dis. « Don’t throw your love on me to strong » est un autre blues lent, suivi d’un court instrumental final « Refugee » conclu par gros boom, la chute de guitare de Bloomfield. Steve Miller s’était joint à la fête aussi, mais l’album ne retient pas ces interventions. On rêve de découvrir l’exhaustivité des trois soirées… Le pianiste Roosevelt Gook intervient sur « Together ‘til the end of time ».

Le ton est plus brut que le travail d'un John Mayall, dans un domaine assez proche à l'époque. Un disque que j’ai usé jusqu’à la trame (il ne t’étonnera pas, Rockin’, qu’il m’a été conseillé en son temps par Jazz & Pop & Rock, de la rue Colbert… l’intéressé comprendra…). Fusion de Blues, de Soul, de Jazz, sur un répertoire qui va du Rock au Folk psychédélique, THE LIVE ADVENTURES OF MIKE BLOOMFIELD AND AL KOOPER est typique de la musique produite dans ces années-là. Les musiciens sont rodés à l'exercice, à l’écoute les uns des autres, capables de concision comme d’envolées grandioses. Avec parfois, c’est vrai, quelques départs en vrille, inhérents à ce type de haute voltige. On célèbre la musique, libre et sans frontière, c’était les années 60, c’était San Francisco, c’était le Fillmore, qui a donné tant de disques superbes. Celui-ci est un des plus authentiquement inspirés.



Et attention à ne pas confondre avec ce cd, réédité il y a peu, les mêmes mais au Fillmore East, et deux mois plus tard. C'est sur celui-ci que Bloomfield présente un p'tit nouveau : Johnny Winter.



Pas de vidéo du concert... Mais du son, avec l'instrumental "The weight", de The Band.


4 commentaires:

  1. Ah yes Luc! grand live, un des deux que j'emporterais sur l'ile déserte, l'autre ben...... le Live at Fillmore 71 de l'Allman (the best band over the world! et on ne discute pas!!) Je possède bien-sûr le LP et la réédition cd qui vaut ce que valent les cd quand on les compare aux vinyles ! Mais bon c'est plus pratique. Un article sur Bloomfield? tu peux, il faut éduquer les foules! Effectivement il ne faut pas confondre ce live au Fillmore West avec l'autre du Fillmore East, écoutable aussi bien-sûr mais bon dieu ou avaient ils été cherché la section rythmique , calamiteuse comme c'est pas permis!

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  2. JP, l'article sur Bloomfield sera fait, c'est un type épatant, passé aux oubliettes d l'Histoire du blues... Grandeur et décadence. Une tragédie. Ce disque est un de mes référents, écoutés des centaines de fois, ce que j'aurais aimé joué moi même si j'en avais eu le talent...

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  3. Je l'ai ressorti pour voir si on parle bien du même. Pas mal, mais c'est quand même un peu plan-plan, il y a des longueurs et des passages qui ne sont pas très justes. Amateur de Bloomfied aussi, mais le problème c'est que sa production passe souvent par des hauts (rares) et des bas (souvent).

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