Ah
j’en vois déjà qui se frottent les mains, on va causer d'un bon vieux gros
classique des familles, recordman des diffusions télé quand la Une passait des
westerns le dimanche soir ! Une rubrique Western digne de ce nom ne
pouvait tenir à l’écart LE TRAIN SIFFLERA TROIS FOIS, sans doute un des titres
les plus célèbres du genre. Un film qui a marqué son temps, énorme succès de
1952, qui a surtout eu un impact formidable sur la profession du cinéma. Nommé
je ne sais combien de fois aux Oscars, raflant celui de la meilleure musique
pour Dimitri Tiomkin, meilleur montage pour Elmo Williams et meilleur acteur pour Gary
Cooper.
Cooper, Zinnemann et Kelly |
Le
shérif d’une ville, Will Kane, se marie et prend sa retraite ce jour même. Mais
il apprend qu’un bandit qu’il avait mis en prison, Franck Miller, vient d’être
libéré, et a l’intention de revenir se venger. Il est prévu que Miller rejoigne
trois complices à la gare, par le train de midi ("high noon" titre original) . Il est 10h30. Will Kane a une
heure et demie pour trouver de l’aide auprès des habitants.
En
1952, Hollywood est en pleine chasse aux sorcières. Carl Foreman est de plus en
plus isolé dans la profession, tout le monde lui prédit des lendemains
pénibles. Comme le shérif Will Kane. Les amis de Foreman se font rares, se
détournent. Comme les habitants de Hadleyville qui ont tous une bonne raison de
refuser leur aide à Kane. Son adjoint, qui veut s’assurer d’abord d’obtenir le
poste de principal quand Kane sera parti. Les notables, parce que des coups de
feu en pleine rue, ça ne fait pas une bonne publicité pour les éventuels
investisseurs. Le pasteur, parce que Kane ne s’est pas marié à l’église.
Et même sa femme, parce qu’elle est quaker, et refuse l’utilisation des armes
par conviction. C'est le bal des faux-derches, des petites compromissions, d'une micro-société qui se voile les yeux, piétine ses valeurs (comme le shérif piétinera son insigne, à la fin).
Will
Kane est un homme isolé, mis en quarantaine. Il n’est pas intégré à la communauté,
chacun a un grief contre lui. Il est dans la position des black-listés par le
maccarthysme. Mouvement ultra-droitier auquel appartenait d’ailleurs Stanley
Kramer, le producteur du film. Et pour un shérif qui est censé représenter l’autorité,
il expose ses doutes et ses peurs. Pas exactement le portrait type du héros,
surtout pas du western ! John Wayne détestait ce film, quel piètre
spectacle, tout n’est que lâcheté, avec ce shérif peureux, Gary Cooper, qu’ont-ils
fait de toi ? Un shérif qui doit la vie sauve à une bonne femme ! La
sienne en plus ! Qué misère… Car finalement, la seule personne qui viendra
en aide à Kane, c’est sa femme, qui n’hésite pas à prendre un fusil. C’est en ce
sens que LE TRAIN SIFFERA TROIS FOIS marque une date, celle du western adulte,
comme les films d’Antony Mann et James Stewart à la même époque. C’est la
naissance de l’anti-héros.
L’originalité
du film est sa narration en temps réel. Le film dure exactement le temps que
Will Kane doit attendre avant l’arrivée des tueurs. Le générique est
formidable, trois cavaliers se rejoignent (plan très large magnifiquement
composé), et partir dans la même direction ; où, pourquoi, on le sera
plus tard. Zinnemann lance son histoire sur la fameuse
chanson « Do not forsake me, oh my darling » traduit en français par « Si
toi aussi tu m’abandonnes ». C’est un western pratiquement sans action,
juste des discussions, juxtaposition de scènes qui isolent un peu plus Will Kane.
Qui au lieu de partir tranquillement et éviter les problèmes, choisit d' affronter ses ennemis. Il fait le job, sans montrer son écœurement face
à la lâcheté ambiante. Comme cet adjoint qui lui dit piteusement : ah bon,
on ne sera que tous les deux contre quatre ? Alors je ne viens pas…
Fred
Zinnemann prend soin de montrer, en montage alterné, les complices qui
attendent à la gare, les inserts sur l’horloge de la ville, les minutes qui
passent, cette voie ferré qui disparait vers l’infini, sur laquelle le train
arrivera bientôt. La gestion du temps est bien
menée, la tension monte, et renvoie vers la scène finale, l’affrontement. Là
encore, belle gestion de l’espace, le film a été storybordé, le découpage est
précis, travellings et mouvements amples de grues impeccables, et on est frappé
par ces plans de visages, très rapprochés, remplissant le cadre. Fred Zinnemann
est autrichien, il a appris le métier à Paris, il débarque à Hollywood (comme
les Wyler, Lang, Preminger) enrichi du cinéma expressionniste allemand, russe.
Ces images de duels dans la rue, ces angles de caméra, ont modelé la mythologie du duel final dans les westerns.
Si
HIGH NOON est un western important, il n’a jamais été vraiment
passionnant pour moi ! Le film manque d’humour,
c’est vrai qu’il ne s’y passe pas grand-chose pendant 1h20, et le jeu monolithique
de Gary Cooper me fait toujours tiquer. Il en impose par sa stature, mais sa
diction me gêne. Un grief personnel. Je le trouve paradoxalement plus à l’aise
dans certaines comédies, chez Lubitsch ou Wyler. C’est la débutante, frêle et
délicieuse, Grace Kelly qui joue madame Kane. Là encore, justement… une débutante, frêle
et délicieuse… (rien à voir avec la tornade Maureen O'Hara). On remarquera aussi Thomas Mitchell (un fidèle de John Ford ou Franck Capra), Lee Van Cleef au regard déjà très sympathique, et Llyod Bridges le papa de Jeff.
Oui,
j’ose émettre des réserves sur ce classique ! Certains s'étonnent encore de la renommée de ce film, jugé sur-évalué. Je ne peux pas m’empêcher de
préférer RIO BRAVO, dont le principe dramatique est assez semblable (l’attente,
unité de temps) mais truffé de scènes mythiques et de truculence. Reste que LE TRAIN
SIFFLERA TROIS FOIS est une grande œuvre, personnelle, qui reflète les
tourments de son époque, visuellement très réussie.
J'ai remarqué un truc étrange (vous allez vous dire : il n'a vraiment que ça à foutre quand il mate un western ?!) mais la fin du film se déroule donc à midi, heure où le soleil est à son zénith. Les ombres reportées des décors ou personnages devraient donc être réduites au minimum. Hors, sur la dernière séquence du duel, on aperçoit sur certains plans des ombres au contraire très allongées (et pas toujours raccord)... Fred Zinnemann n'a donc pas poussé le vice jusqu'à tourner en heure réelle !
J'ai remarqué un truc étrange (vous allez vous dire : il n'a vraiment que ça à foutre quand il mate un western ?!) mais la fin du film se déroule donc à midi, heure où le soleil est à son zénith. Les ombres reportées des décors ou personnages devraient donc être réduites au minimum. Hors, sur la dernière séquence du duel, on aperçoit sur certains plans des ombres au contraire très allongées (et pas toujours raccord)... Fred Zinnemann n'a donc pas poussé le vice jusqu'à tourner en heure réelle !
Des réserves, des réserves ... y'a pourtant pas d'Indiens dans le film ...
RépondreSupprimerouais, bon je vois, mais pour l'époque, c'était quand même pas mal ...
De toutes façons, rien que pour le titre, je préfère "L'arrière-train sifflera trois fois"
Crénom ! Lester ! J'aurais pas osé !!
SupprimerFaux derches ! Tous autant que vous êtes ! Vous auriez tous préféré une chronique sur "l'autre"...
RépondreSupprimerJe viens de le revoir à l'instant même, je me suis régalé. Formidable de modernité et d'inventivité, magnifique de bout en bout. Les films de Sergio Leone, que j'adore, lui doivent bien plus que le plan de la gare, quasiment tout en fait.
RépondreSupprimerEt Katy Jurado est sublime.
Hugo Spanky