vendredi 7 février 2014

KILLER JOE de William Friedkin (2012) par Luc B.




Nous avions parlé du plus célèbre film de William Friedkin, L’EXORCISTE - clic pour relire - réalisateur du non moins fameux FRENCH CONNECTION. 40 ans plus tard, le vieux lion rugit encore. Il nous balance un Film Noir totalement déjanté et violent. Friedkin parvient à mettre à l’écran dans les trente premières secondes, tout ce que Hollywood exècre. Un quartier de bungalows sordides, sous la pluie, un jeune mec qui frappe à une porte. Une femme lui ouvre. En tee-shirt court, et c’est tout. Filmé à hauteur de foune. Le gars entre, s’assoie, sort une boite, et se roule un joint. Qu’il partage avec un type plus âgé. Le jeune dit : elle n’est pas terrible ta beu. Le vieux répond : c’est pourtant toi qui me l’as vendue. Ensuite le jeune traite la femme de salope, parce que, hein, montrer sa chatte au premier venu, merde quoi, ça ne se fait pas ! 

Il s’avère que les deux gars sont père et fils. Ansel et Chris Smith. Et que la dame courtement vêtue est la femme du père, Sharla. Ca commence fort. Et ça ne fait que commencer… Car une fois calmés, les gars vont pouvoir discuter de choses sérieuses. Pour rembourser les 6000 dollars qu’il doit à un dealer, Chris a eu l’idée de tuer sa propre mère. Donc la première femme d’Ansel. La future victime a eu le mauvais goût de contracter une police d’assurance de 50 000 dollars. Le fric doit revenir à sa fille, Dottie. Chris et Ansel auraient-y en plus l'idée t'entuber la petite ? Et pour que le boulot soit fait proprement, ils engagent... le shérif local, Joe, qui pour 25000 dollars dézingue qui vous lui désignez.

Les parallèles avec L’EXORCISTE sont intéressants. La majorité de l'action se passe dans la maison - le film est adapté d’une pièce de théâtre de Tracy Letts, auteur aussi de BUG, que Friedkin avait réalisé en 2006 – on s'attache à une famille, dont le père est absent. Dans KILLER JOE, Ansel Smith est une loque, vidée de toute substance, lâche et sans fierté. Et puis le petit ange blond, vierge, ici la sœur Dottie, mignonne comme un cœur mais un peu simplette. Ensuite on fait entrer le démon. Joe Cooper, le shérif, inquiétante silhouette noire, qui joue avec le couvercle de son Zippo, les yeux cachés derrière des verres fumés. L’ange exterminateur, qui va prendre le pouvoir sur cette famille, la ronger de l’intérieur. Parce qu’évidemment, les choses ne vont pas se déroulaient comme prévues. Nous sommes dans un Film Noir, et quand des types tentent un coup foireux pour se sortir de la mouise, on sait qu’ils s’y enfoncent encore plus. Le beau shérif souriant et poli, va rapidement montrer sa face sombre, en prenant la jeune Dottie en caution, le temps que les trois autres reprennent leurs esprits. 

Cette charmante bourgade, et ses habitants, William Friedkin en fait évidemment le reflet de l’Amérique, telle qu’il la voit. Ils s’appellent Smith, pas pour rien, comme Durand chez nous. Les gens comme y’en a partout, au chomdu, qui s'emmerdent en zappant sur des chaines à la con à longueur de journée en descendant de la Bud. Pauvreté sociale, endettement, circulation des armes, délitement de la famille, violence. Le tableau dressé par Friedkin est tout bonnement épouvantable. Sa mise en scène ne l’est pas moins. C’est tendu, sombre. C’est un film d’une extrême violence. Les instincts les plus bas de l’Homme sont mis à contribution. La manière dont est orchestrée l’arrivée de Joe est impressionnante. Un héros, une icône, une caricature, qui fait sourire. On pense au Delon de LE SAMOURAÏ, pour les rituels, et plus tard au Mitchum de LA NUIT DU CHASSEUR. Mais des signes ne trompent pas. Lorsque Joe vient chez les Smith, le pitbull enchainé devant la baraque ne moufte pas, alors qu’il sort les crocs sur ses propres maîtres. Et puis dans le Film Noir, il y a aussi les coups de théâtre, comme dans ASSURANCE SUR LA MORT de Wyler - clic pour relire - . Parce que KILLER JOE est aussi un polar, au scénario bien ficelé, un suspens, une vraie tension dramatique.

Sur la fin, William Friedkin respecte le huit-clos. Une très longue et éprouvante séquence finale, où Joe reprend les choses en main, se déchaine contre ses proies. Pas très claires non plus, les proies. C’est le dernier acte, on balance tout, les masques tombent. On ne peut éviter de parler de la scène du poulet. Une démonstration de domination, de perversité, subie par Sharla, à genoux, le visage commotionné, sanguinolent, sommée de pratiquer un simulacre de fellation. Ni plus ni moins qu'un viol. Davantage que l'acte lui-même, ce qui est presque plus insoutenable c'est que Ansel ne bronche pas, semble s'en réjouir par procuration, et partage ensuite une bière avec le bourreau.

Les comédiens ne mégotent pas ! Le tournage a dû être éprouvant, surtout avec cet enragé de Friedkin. C’est Gina Gershon, qui nous enflammait dans SHOW GIRL ou BOUND, qui joue Sharla, et le scénario la maltraite particulièrement. Matthew McConaughey est impeccable en shérif-tueur à gage, glacial, engoncé dans sa panoplie d'émanation du Mal. Un rôle pas éloigné de celui de MUD - clic pour relire -. C’est un premier grand rôle pour Juno Temple, fille du réalisateur Julien Temple, qui compose la fragile Dottie, vierge sacrifiée sur l’autel de la perversité. Son frère Chris est joué par Emile Hirsch, vu dans INTO THE WILD de Sean Penn.

KILLER JOE appartient presque à la série B, Friedkin a eu visiblement carte blanche, il a pu réaliser ce qu’il souhaitait. Mais on n’en ressort pas indemne. Certains peuvent trouver ça outré, grossier, écœurant. Un petit tour nauséabond dans le cul du Texas, doublé d'une démonstration de misogynie, reléguant la femme à l'état de pas grand chose, ou toute morale a disparu du paysage.   

Les flingues vont clore les discussions. Le carnage. Et dans ce bain de sang, une petite lumière. Une dernière réplique, susurrée par Dottie, une grossesse, et la joie dans les yeux du papa. William Friedkin ne sacrifie pas au happy end, loin de là. La nouvelle glace le sang. Savoir que ces deux-là auront une descendance, dans ce monde apocalyptique, ça fait froid dans le dos…  

Rébus : la chronique de la semaine prochaine, si pas d'imprévu, sera sur ça : 
(les trois premiers gagnants auront droit... à toutes mes félicitations)


KILLER JOE (2012)
couleur  -  1h40  -  scope 2:35

  


3 commentaires:

  1. Respire pas vraiment la joie de vivre, ce Killer Joe ... bien sordide, avec de l'humour très très noir ... il est toujours bien barge, Friedkin ...

    Sinon, de la souris, de l'alcool et des big balls ... tu nous prépares un com sur une production Marc Dorcel ?
    Comment ça, j'ai pas gagné ???

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  2. Ah mais pourquoi je l'ai raté celui-là??...Je me l'étais noté quelque part pourtant!

    Sinon facile la charade: déjà c'est pas une souris c'est un rat, à la fin c'est une boule et au milieu c'est du Gin...Et y'a De Niro dedans...

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  3. Juan, tu touches... Obut !
    Lester... Il manquait les clopes et cela aurait pu être un Eddy Constantine !

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