jeudi 6 février 2014

JACQUES OFFENBACH et la BELLE HELENE par Pat Slade






Un allemand à Paris



Jacob Offenbach, né à Cologne en 1819 n’est pas un compositeur comme les autres, il ne joue pas de piano. Son instrument, c’est le violoncelle. Très doué de l'archet, son père l’envoie poursuivre des études musicales à Paris. Il rejoindra très vite l’orchestre de l’Opéra-Comique et francisera son prénom en Jacques. Après une carrière de soliste virtuose, il devient directeur musical de la Comédie-Française. En 1855, il crée son propre théâtre, les Bouffes-Parisiens sur les Champs-Elysées. Il commence une longue collaboration avec Henry Meilhac et Ludovic Halévy les deux auteurs librettistes à qui l’on doit les livrets de l’opéra Carmen de Bizet et de Manon de Jules Massenet, et surtout, ils n’écriront pas moins de 11 livrets pour Offenbach. Jacques Offenbach est le créateur de l’opéra-bouffe qui plus tard se confondra avec l’opérette. En gros, l’opéra-bouffe est un genre d’opéra traitant un sujet comique alors que l’opérette est comme le disait Camille Saint-Saëns : «Une fille de l’opéra comique ayant mal tourné».




Pâris, l’homme capital



Nous sommes en 1864 et Jacques Offenbach et ses deux complices Meilhac et Halévy vont recréer une partie de l’histoire de la Grèce.
Dans la réalité qui était Hélène de Sparte ? Fille d’une fratrie de 4 enfants, elle serait (selon la légende) la fille de Léda et de Zeus. Zeus qui aurait visité Léda sous la forme d’un cygne pour cacher ses amours coupables à sa femme Héra, jalouse comme pas une. De cet amour coupable naquit deux enfants, Hélène et Pollux (non, pas le chien du manège enchanté). Une naissance pas banale puisque qu’ils sortirent d’un œuf. Hélène étant considérée comme la plus belle femme du monde (Aarès la déesse Aphrodite), elle attira les convoitises de tous les chefs de Grèce. Enfin de compte, ce sera le Troyen et fils du roi Priam, Pâris qui emportera la palme. Et puis l’histoire de la «Pomme de discorde» que Pâris donnera à Aphrodite qui lui promettra l’amour de la plus belle femme du monde (Ça va ? vous suivez ?). Il enlève Hélène, la guerre de Troie aura bien lieu.

Après cet imbroglio Mythologique et historique, passons à la version humoristique et vaudevillesque imaginée par Offenbach. Certains verront du Feydeau dans cette histoire, avec le triangle amoureux de la femme, de l’amant et du cocu. Mais avec Offenbach, ce sont surtout les anachronismes qui donnent le coté humoristique à l’affaire.

- M’sieur Pat, je n’ai rien compris à l’histoire de cette blonde et de ce berger qui de plus est un prince Troyen ?
- Ah oui ! Pâris ? La reine mère, en le mettant au monde, a eu le présage qu’il mettrait le souk, alors son roi de père l’a abandonné sur le mont Ida et il a été recueilli par des bergers. Mais écoutez l’œuvre d’Offenbach Sonia, c’est plus accessible et surtout plus drôle...




Une Grèce antique épique


La première belle Hélène était Hortense Schneider, une diva qui avait les dents longues, puisqu'elle demanda un cachet exorbitant. La chanteuse accumule caprices sur caprices et se trouve souvent en désaccord avec Offenbach au sujet de l’interprétation. Elle se dispute souvent avec la titulaire du rôle de Oreste (le rôle d'Oreste est souvent tenu par une femme). Au soir du 17 décembre, le triomphe est au rendez-vous, autant pour les auteurs que pour les interprètes. 
Hortense Schneider
En gros, l’histoire de la belle Hélène, c’est l’histoire d’une femme un peu cruche frappée par la fatalité, d’un beau parleur à qui une déesse donne une femme en cadeau, du mari de la première, roi de Sparte qui sera cocufié par le second. D’autres personnages viennent se greffer dans cette histoire abracadabrante. Tous les rois de la Grèce sont présents : Agamemnon beau frère d’Hélène, Ménélas mari d’Hélène et cocu en puissance, Oreste fils d’Agamemnon, les deux Ajax qui étaient des guerriers grecs et Achille et son fameux talon.


Cette comédie en trois actes n’avait jamais été enregistrée intégralement, c'est-à-dire avec son texte parlé. C’est M. Pierre Comte-Offenbach, l’arrière petit fils du musicien qui rendra le langage parlé aux chanteurs. Il a même également composé une nouvelle charade pour la onzième scène du premier acte. Dans la version originale, le mot de la charade était «Locomotive» ; La plaisanterie étant basé sur l’anachronisme, il était indispensable de l’actualiser. Dans certaines versions discographiques, la «locomotive» deviendra une «soucoupe volante».



Hélène et la fatalité





Tout commence sur une place publique, à Sparte, devant le temple de Jupiter, les fidèles apportent des offrandes que Calchas, le grand augure, trouve minables. Arrivent les pleureuses d’Adonis, précédant Hélène reine de Sparte. Il n’y a plus d’amour et Hélène invoque Vénus. Calchas retient la reine et lui parle de «L’affaire du Mont Ida» (Pâris abandonné par son père) et d’un berger qui offrira une pomme à la plus belle femme du monde.
Arrive Oreste le fils d’Agamemnon flanqué de deux hétaïres (prostituées sous la Grèce antique) Parthénis et Léaena (qui parle Argos !) en chantant «Oia képhalé» que l’on pourrait traduire par : «Quelle tête !» ou «C’te binette !». Rentre en scène Pâris qui, déguisé en berger, se fait connaître auprès de Calchas et lui remet un message de Vénus "timbré" de Cythère. Hélène arrive et flashe sur le beau berger. Les rois arrivent en fanfares «Le roi barbu qui s’avance, bu qui s’avance ♫ ♪ ♫» et se mettent en place pour le «Concours d’intelligence». Avec trois épreuves : La charade, le calembour et les bouts-rimés. Chaque fois, une fanfare massacre «La Phocéenne» et Ménélas le mari de Hélène, donne la lecture des énigmes pour lesquelles, bien évidemment, Pâris donnera les bonnes réponses alors que les rois ne diront que des bêtises plus grosses les une que les autres. Ce dernier décline alors sa véritable identité autrement dit «L’homme à la pomme», il demande à Calchas d’éloigner Ménélas ; Le prêtre prend un air inspiré et décrète : «Il faut que Ménélas aille passer un mois…dans les montagnes de la Crète !»


Dans l’acte deux, Hélène se retrouve dans les bras de Pâris dans ses appartements, alors que les rois ripaillent en chœur au loin. Mais le réveil est brutal, les rideaux de la chambre s’ouvrent et Ménélas parait. Jetant les hauts cris, il appelle les rois qui accourent, la serviette autour du cou, et les prends à témoin de son infortune. Agamemnon croit de son devoir de chasser le «Vil séducteur» qui défie ses adversaires et jure qu’il reviendra pour enlever Hélène.




La guerre de Troie aura bien lieu



Troisième acte, nous sommes à Nauplie, petite station balnéaire grecque ou la petite bande à Oreste chante la gloire de Venus et de Bacchus. Arrive Agamemnon et les autres rois en petite tenue de bain (le genre de maillot du début du XXème siècle), ce dernier déplore devant Calchas le foutoir déplorable des mœurs depuis le départ de Pâris. Il décide d’en parler a Ménélas.

Arrive Hélène suivie de Ménélas qui la harcèle de questions sur l’incident de la semaine passée. Agamemnon intervient dans la dispute et demande une explication à la reine : «Je ne suis pas coupable, mais si vous m’embêtez, vous allez crier pour quelque chose !» Elle sort majestueusement laissant seul son mari, Agamemnon et Calchas. Le premier s’entend déclarer qu’il doit sacrifier son honneur conjugal à l’intérêt du pays. C’est le fameux «Trio patriotique» qui commence  par une citation que l’on retrouve dans l’acte deux du trio de «Guillaume Tell» de Rossini. Absolument pas convaincu, Ménélas dit avoir trouvé une autre solution en faisant venir le grand augure de Cythère, Calchas qui n’aime pas la concurrence, et proteste énergiquement. Mais voici la galère de Cythère avec ses voiles roses qui s’approche. En descend le grand augure de Venus, curieusement costumé, qui
répond au chœur de Vénus par une joyeuse tyrolienne «Je suis gai, soyez gai, il le faut, je le veux !» Puis il rend son verdict, la déesse exige que la reine de Sparte s’embarque sur sa galère pour un petit voyage à Cythère et lui sacrifie cent génisses blanches. «Si ce n’est que cela !» dit Ménélas qui accepte. Hélène monte sur le bateau, dès l’ancre levé, Pâris arrache sa fausse barbe de grand augure et chante : «Ne l’attend plus roi Ménélas, j’emporte Hélène elle est à moi, je suis Pâris !». La guerre de Troie aura bien lieu.


La discographie




Beaucoup de versions de cette pochade humoristico-musical. Pour n’en citer que trois, je recommanderai la version des concerts Lamoureux sous la direction de Jean-Pierre Marty (1970) avec Danielle Millet (qui chanta le duo «Le duo de fleur»  avec Mady Mesplé du Lakmé de Léo delibe) et Charles Burles un beau ténor léger, parfait pour le répertoire de Offenbach.




Celle avec Jessye Norman, une Hélène d’un autre calibre. Sous la direction de Michel Plasson (1985) et son orchestre du Capitole de Toulouse, on retrouve  Charles Burles dans la distribution, mais de l’amant en 1970, il devient le cocu en aillant le rôle de Ménélas et Agamemnon sera le célèbre bitterois Gabriel Bacquier.




Et pour la curiosité, Celle de Alain Lombard (1978) avec le Philarmonique de Strasbourg et la «Bardot de l’opéra» : la très belle Jane Rhodes dans le rôle titre avec encore un grand chanteur basse dans le roi des rois, le Belge Jules Bastin et petite surprise dans le rôle de Ménélas, Jacques Martin, oui ! Le même que celui de l’école des fans, si sa voix n’était pas aussi puissante que celle de ses petits copains de jeux, il tient son rôle avec une belle prestance.

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