Jacob Offenbach, né à Cologne en 1819 n’est pas un compositeur comme les autres, il ne joue pas
de piano. Son instrument, c’est le violoncelle. Très doué de l'archet, son
père l’envoie poursuivre des études musicales à Paris. Il rejoindra très vite
l’orchestre de l’Opéra-Comique et francisera son prénom en Jacques. Après une carrière de soliste virtuose, il
devient directeur musical de la Comédie-Française. En 1855, il crée son propre
théâtre, les Bouffes-Parisiens sur les Champs-Elysées. Il commence une longue
collaboration avec Henry Meilhac et Ludovic Halévy les deux
auteurs librettistes à qui l’on doit les livrets de l’opéra Carmen de Bizet et de Manon
de Jules
Massenet, et surtout, ils
n’écriront pas moins de 11 livrets pour Offenbach.
Jacques Offenbach est le créateur de
l’opéra-bouffe qui plus tard se confondra avec l’opérette. En gros,
l’opéra-bouffe est un genre d’opéra traitant un sujet comique alors que
l’opérette est comme le disait Camille Saint-Saëns : «Une fille de l’opéra
comique ayant mal tourné».
Pâris, l’homme capital
Nous
sommes en 1864 et Jacques Offenbach et ses deux
complices Meilhac et Halévy vont recréer une partie de l’histoire de la
Grèce.
Dans la réalité qui était Hélène
de Sparte ? Fille d’une fratrie de 4 enfants, elle serait (selon la
légende) la fille de Léda et de Zeus. Zeus qui
aurait visité Léda sous la forme d’un
cygne pour cacher ses amours coupables à sa femme Héra,
jalouse comme pas une. De cet amour coupable naquit deux enfants, Hélène et Pollux
(non, pas le chien du manège enchanté). Une naissance pas banale puisque
qu’ils sortirent d’un œuf. Hélène étant
considérée comme la plus belle femme du monde (Aarès la déesse Aphrodite), elle attira les convoitises de tous
les chefs de Grèce. Enfin de compte, ce sera le Troyen et fils du roi Priam, Pâris
qui emportera la palme. Et puis l’histoire de la «Pomme de discorde» que Pâris donnera à Aphrodite
qui lui promettra l’amour de la plus belle femme du monde (Ça va ? vous
suivez ?). Il enlève Hélène, la guerre
de Troie aura bien lieu.
Après
cet imbroglio Mythologique et historique, passons à la version humoristique et vaudevillesque imaginée par Offenbach.
Certains verront du Feydeau dans cette histoire, avec le triangle amoureux de la
femme, de l’amant et du cocu. Mais avec Offenbach, ce sont surtout les
anachronismes qui donnent le coté humoristique à l’affaire.
- M’sieur Pat, je n’ai rien compris à l’histoire de cette blonde
et de ce berger qui de plus est un prince Troyen ?
- Ah oui ! Pâris ? La reine mère, en le mettant au
monde, a eu le présage qu’il mettrait le souk, alors son roi de père l’a
abandonné sur le mont Ida et il a été recueilli par des bergers. Mais écoutez
l’œuvre d’Offenbach Sonia, c’est plus accessible et surtout plus drôle...
Une Grèce antique épique
La première belle Hélène était Hortense
Schneider, une diva qui avait les dents longues, puisqu'elle demanda un
cachet exorbitant. La chanteuse accumule caprices sur caprices et se trouve souvent
en désaccord avec Offenbach au sujet de l’interprétation.
Elle se dispute souvent avec la titulaire du rôle de Oreste (le rôle d'Oreste est souvent tenu par une femme).
Au soir du 17 décembre, le triomphe est au rendez-vous, autant pour les auteurs
que pour les interprètes.
Hortense Schneider |
En
gros, l’histoire de la belle Hélène, c’est
l’histoire d’une femme un peu cruche frappée par la fatalité, d’un beau parleur
à qui une déesse donne une femme en cadeau, du mari de la première, roi de
Sparte qui sera cocufié par le second. D’autres personnages viennent se greffer
dans cette histoire abracadabrante. Tous les rois de la Grèce sont
présents : Agamemnon beau frère d’Hélène, Ménélas
mari d’Hélène et cocu en puissance, Oreste fils d’Agamemnon,
les deux Ajax qui étaient des guerriers
grecs et Achille et son fameux talon.
Cette
comédie en trois actes n’avait jamais été enregistrée intégralement, c'est-à-dire
avec son texte parlé. C’est M. Pierre Comte-Offenbach,
l’arrière petit fils du musicien qui rendra le langage parlé aux chanteurs. Il
a même également composé une nouvelle charade pour la onzième scène du premier
acte. Dans la version originale, le mot de la charade était «Locomotive» ;
La plaisanterie étant basé sur l’anachronisme, il était indispensable de
l’actualiser. Dans certaines versions discographiques, la «locomotive»
deviendra une «soucoupe volante».
Hélène et la fatalité
Tout
commence sur une place publique, à Sparte, devant le temple de Jupiter, les
fidèles apportent des offrandes que Calchas,
le grand augure, trouve minables. Arrivent les pleureuses d’Adonis, précédant Hélène reine de Sparte. Il n’y a plus d’amour et Hélène invoque Vénus. Calchas
retient la reine et lui parle de «L’affaire du Mont Ida» (Pâris abandonné par son père) et d’un berger qui
offrira une pomme à la plus belle femme du monde.
Arrive
Oreste le fils d’Agamemnon flanqué de deux
hétaïres (prostituées sous la Grèce antique) Parthénis
et Léaena (qui parle Argos !) en
chantant «Oia képhalé» que l’on pourrait traduire par : «Quelle
tête !» ou «C’te binette !». Rentre en scène Pâris qui, déguisé en berger, se fait connaître auprès
de Calchas et lui remet un message de Vénus
"timbré" de Cythère. Hélène arrive et flashe
sur le beau berger. Les rois arrivent en fanfares «Le roi barbu qui s’avance,
bu qui s’avance ♫ ♪ ♫» et se mettent en place
pour le «Concours d’intelligence». Avec
trois épreuves : La charade, le calembour et les bouts-rimés. Chaque fois,
une fanfare massacre «La Phocéenne» et Ménélas
le mari de Hélène, donne la lecture des
énigmes pour lesquelles, bien évidemment, Pâris donnera
les bonnes réponses alors que les rois ne diront que des bêtises plus grosses les
une que les autres. Ce dernier décline alors sa véritable identité autrement dit
«L’homme à la pomme», il demande à Calchas
d’éloigner Ménélas ; Le prêtre prend un
air inspiré et décrète : «Il faut que Ménélas aille passer un mois…dans
les montagnes de la Crète !»
Dans
l’acte deux, Hélène se retrouve dans les
bras de Pâris dans ses appartements, alors
que les rois ripaillent en chœur au loin. Mais le réveil est brutal, les
rideaux de la chambre s’ouvrent et Ménélas
parait. Jetant les hauts cris, il appelle les rois qui accourent, la serviette
autour du cou, et les prends à témoin de son infortune. Agamemnon
croit de son devoir de chasser le «Vil séducteur» qui défie ses
adversaires et jure qu’il reviendra pour enlever Hélène.
La guerre de Troie aura bien lieu
Troisième
acte, nous sommes à Nauplie, petite station balnéaire grecque ou la petite bande
à Oreste chante la gloire de Venus et de Bacchus.
Arrive Agamemnon et les autres rois en
petite tenue de bain (le genre de maillot du début du XXème siècle), ce
dernier déplore devant Calchas le foutoir
déplorable des mœurs depuis le départ de Pâris. Il
décide d’en parler a Ménélas.
Arrive Hélène
suivie de Ménélas qui la harcèle de
questions sur l’incident de la semaine passée. Agamemnon
intervient dans la dispute et demande une explication à la reine : «Je ne
suis pas coupable, mais si vous m’embêtez, vous allez crier pour quelque
chose !» Elle sort majestueusement laissant seul son mari, Agamemnon et Calchas.
Le premier s’entend déclarer qu’il doit sacrifier son honneur conjugal à
l’intérêt du pays. C’est le fameux «Trio patriotique» qui commence par une citation que l’on retrouve dans
l’acte deux du trio de «Guillaume Tell» de Rossini. Absolument pas convaincu, Ménélas dit avoir trouvé une autre solution en
faisant venir le grand augure de Cythère, Calchas qui n’aime pas la concurrence, et proteste
énergiquement. Mais voici la galère de Cythère avec ses voiles roses qui
s’approche. En descend le grand augure de Venus, curieusement costumé, qui
répond
au chœur de Vénus par une joyeuse tyrolienne «Je suis gai, soyez gai, il le
faut, je le veux !» Puis il rend son verdict, la déesse exige que la
reine de Sparte s’embarque sur sa galère pour un petit voyage à Cythère et lui
sacrifie cent génisses blanches. «Si ce n’est que cela !» dit Ménélas qui accepte. Hélène monte sur le bateau,
dès l’ancre levé, Pâris arrache sa fausse barbe de grand augure et
chante : «Ne l’attend plus roi Ménélas,
j’emporte Hélène elle est à moi, je suis Pâris !».
La guerre de Troie aura bien lieu.
La discographie
Beaucoup de versions de cette
pochade humoristico-musical. Pour n’en citer que trois, je recommanderai la
version des concerts Lamoureux sous la direction de Jean-Pierre
Marty (1970) avec Danielle Millet (qui chanta le duo «Le duo de fleur» avec Mady Mesplé
du Lakmé de Léo delibe) et Charles Burles un beau ténor léger, parfait pour le
répertoire de Offenbach.
Celle avec Jessye Norman, une Hélène d’un autre calibre. Sous la direction de Michel Plasson (1985) et son orchestre du Capitole de Toulouse, on retrouve Charles Burles dans la distribution, mais de l’amant en 1970, il devient le cocu en aillant le rôle de Ménélas et Agamemnon sera le célèbre bitterois Gabriel Bacquier.
Et pour la curiosité, Celle de Alain Lombard (1978) avec le Philarmonique de Strasbourg et la «Bardot de l’opéra» : la très belle Jane Rhodes dans le rôle titre avec encore un grand chanteur basse dans le roi des rois, le Belge Jules Bastin et petite surprise dans le rôle de Ménélas, Jacques Martin, oui ! Le même que celui de l’école des fans, si sa voix n’était pas aussi puissante que celle de ses petits copains de jeux, il tient son rôle avec une belle prestance.
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