mercredi 16 octobre 2013

TEDESCHI-TRUCKS BAND "Made Up Mind" (août 2013), by Bruno



     Déjà un nouvel opus pour cette sympathique réunion entre époux.
On peut mettre de côté le live « Everybody's talkin' » qui me paraît un peu précipité. Certes il ne manque pas de qualité – avec des musiciens de cette trempe ce serait fort étonnant, et regrettable - mais à mon sens il est sorti trop tôt car il n'y a pas assez de matériel conséquent pour proposer un enregistrement public vraiment intéressant, qui résume une carrière, ou une période.


     Si le premier album, déjà plutôt bon, avait soulevé quelques remarques, celui les entérine toutes. Là où précédemment on pouvait déceler quelques très légères carences que l'on pouvait attribuer à une équipe qui ne se connaissait pas encore totalement, il y a dorénavant un véritable collectif allant dans une seule direction. Celle d'une musique intègre et sincère, abolissant les frontières sans renier ses racines. Une pure alchimie que seuls des musiciens de haut niveau sont capables de réaliser. Et non des escrocs, car ici, on ressent une authenticité et une spontanéité qui ne souffrent d'aucune compromission.

     Le groupe est en osmose, chacun ayant trouvé sa place, se dévouant au service de la musique – et non de son égo -. Il s'en dégage une sensation de plénitude. Beaucoup de détails pas nécessairement discernables pour une oreille distraite. Évidemment, les supports tels que les iphones et autres machines de l'arnaque, dépourvues de musicalité, sont à proscrire, car jamais elles ne pourraient retranscrire la richesse de cette musique (sauf dans le cas où elles sont reliées à un gros décodeur hi-fi – coûtant la peau-des-fesses – avec le matos qui suit). Impossible de retrouver la dynamique et le relief que génèrent deux batteurs, un saxophone, un trombone, une trompette, une basse, des claviers, une ou deux guitares, un chant et des chœurs, sur un petit format sans enceintes.

     Le chant de Susan Tedeschi a mûri, se faisant parfois moins déclamatoire pour baisser d'un ton ou deux, et se faire quelquefois très doux. Tandis que la slide a des passages où elle fait preuve de tendresse, comme si, au moment où il jouait, Derek Trucks était en pâmoison devant sa chère et tendre.

   Si l'album démarre sur un Blues-rock ardent, l'ambiance générale est plutôt à une Soul toute personnelle nimbée d'un blues-rock qui fait la transition entre des orchestres Rock cuivrés des 60's-70's et un Rock-bluesy actuel, d'où perle la joie de jouer. Si ce n'est qu'ici,il n'y aucune place pour le doux et sympathique amateurisme
que l'on pouvait trouver chez certains musiciens de ces années fastes. En bref, le Tedeschi-Trucks Band pourrait être une sorte revival de groupes tels que le Full-Tilt-Boogie, Delaney & Bonnie, les débuts de Joe Cocker et son Mad Dog & English Men, voire Derek & the Dominoes.
La troupe est la même que celle présente sur « Revelator » à l'exception de Oteil Burbridge qui a préféré raccrocher un temps sa basse pour se consacrer à sa famille. En remplacement, Pino Palladino sur la majorité des pistes, ainsi que George Reiff, Dave Monseys et Bakithi Kumalo.
Les potes musiciens qui étaient déjà venus donner un coup de main pour achever l'écriture de quelques compositions ont encore une fois offert leur aide. On retrouve ainsi le fidèle Doyle Bramhall II (ancien partenaire de Derek lorsqu'il accompagnait Eric Clapton, et il également collaboré en composant, co-produisant, jouant et chantant sur quelques titres du primé "Already Free". On le retrouve aussi sur trois titres du "Back to the River" de Tedeschi), Gary Louis (des défunts Jayhawks), Eric Krasno (de Soulive).

     Ça débute par un remuant Soul-rock bluesy, mené tambour-battant par la SG de Derek Trucks qui, pour l'occasion, s'est faite âpre et nerveuse, et des refrains entêtants rehaussés de cuivres enjoués. Et pour ceux qui n'ont encore jamais entendu Derek dans ses œuvres  le voilà déboulant avec un solo chantant – que l'on pourrait même fredonner – qui, tout en gardant un son chaud et crémeux favorisant les graves (micro manche ?) - propre aux Gibson ayant adopté le Blues-rock pour église - parvient progressivement à rejoindre la communauté Soul.
« Do I Look Worried » confirme l'appartenance au registre Soul, avec ses cuivres enivrants et son piano épileptique. Là, encore, un très gros solo de Derek, qui pourtant n'a rien d'ostentatoire.
« Idle Wind » s'enveloppe dans un manteau country-folk. Plus acoustique, plus minimaliste, ce titre au parfum bucolique, co-écrit avec Gary Louis, permet de retrouver la flûte espiègle et charmeuse de Kofi Burbridge ; le dépouillement met en valeur la voix de Susan.
« Misunderstood », funk-rock pataud, stoppe la lancée vers l'excellence de l'album. Néanmoins, cela rebondit néanmoins lors des refrains et du break.


   « Part of Me » redresse rapidement la barre. Superbe titre de Soul Blue-eyes dont le refrain, avec ses chœurs d'angelots excités, appuyés de claquements de mains, évoque le « Revenge » d'Eurythmics, en plus vivifiant. Derek, même s'il ne peut s'empêcher de se fendre de quelques licks blues-rock sur les derniers mouvements, reste en retrait. Avec Doyle Bramhall en seconde guitare.
Sur le Blues-rock cossu « Whiskey Legs », qui pourrait être une synthèse de ceux qui égrènent les albums de Susan & Derek, les époux en profitent pour se défier à la six-cordes : on règle les comptes à coup de soli incisifs. On se provoque, se rétorque, on hausse le ton. Score : ex-aequo.
Et on se rabiboche avec le sentimental « It's so Heavy », un rien gospellisant, avec cet orgue subtilisé à la paroisse du comté ; titre qui aurait été comme un poisson dans l'eau dans le disque de Solomon Burke, « Don't Give Up on Me » .

   « All That I Need » rend hommage, ou concurrence, la Soul de la Tamla Motow et du Muscle Shoals. Le poto Doyle apporte encore une fois sa contribution avec une gratte discrète, dans un format d'accompagnateur modeste et respectueux, du style Steve Cropper.
Ballade Soul avec « Sweet and Low », millésimée 60's car pure, pas encore polluée par une surabondance de violons, ou pire, de synthés. On dirait que Derek s'est calqué sur le jeu de son oncle, lorsqu'il faisait des sessions pour Aretha Franklin, Wilson Pickett, Percy Sledge.
« The Storm » est un Blues-psyché et moite où Derek lâche la bride à sa Gibson. C'est vaguement redondant à cause du riff trop répétitif. Cette pièce aurait gagné à mettre en avant les parties de wah-wah (branchées sur une guitare ou un clavinet ?), au lieu de les placer tant en retrait qu'elles en sont à peine discernables. Une belle échappée de Tyler Greenwell lors du break.
Joli final Country-folk avec Derek & Susan, seuls, en tête-à-tête, en acoustique, comme pris sur le vif (on discerne Derek qui marque la mesure de son pied).

     De ce disque se dégage une saine envie de vivre, sans jamais tomber dans la Pop, (encore moins le genre de niaiseries du type « tout le monde y l'est beau, tout le monde y l'est gentil). Une ode à la vie tout simplement. Rien à voir non plus avec celle que prônait l'adage idiot « sexe, drugs & rock'n'roll ».


   Même dans les moments profonds tel que « It's so Heavy », il y a une fibre émotionnelle si intense quelle en serait presque palpable.

     On a parfois la sensation d'être plongé dans les grandes étendues des USA,
de voir défiler les monolithes du Colorado, les forêts de l'Oregon, de se retrouver sous les pluies d'été de la Floride (et même ses tempêtes - »Storm »-), ou encore sur une bécane customisée lancée sur les routes interminables, tout en étant convié à partager un peu l'intimité de Derek & Susan.

     Il ne manque à ce disque qu'une pépite de l'éclat de « Midnight in Harlem » (de leur précédente réalisation) pour en faire un joyau, toutefois « Made up Mind » est plus cohérent et régulier que « Revelator ». Seul le Blues psyché et allumé de « The Storm » ne semble pas à sa place ici.

     La troupe Tedeschi-Trucks Band a fait un bond en avant, pour leur plaisir et pour le nôtre.
Certes, « Made Up Mind » n'est pas le genre de disque qui frappe d'entrée par des titres imparables que l'on garde en mémoire dès la première écoute. Mais il n'en est pas moins un délice à chaque fois que l'on dépose la galette dans le mange-CD.

Cela a déjà été dit et écrit maintes fois : les scores des ventes ne sont pas nécessairement un gage de qualité. Et ce second opus profite certainement de la révélation de son prédécesseur. En tout cas, le présent opus est bien parti pour faire un beau parcours avec des ventes s'annonçant déjà meilleures que la précédente. Dans certains pays, il y a encore pas mal de gens qui ont des oreilles.


La troupe :
Susan Tedeschi, Chant & guitares
Derek Trucks, guitares, slide, production
Kofi Burbridge, claviers & flûte
Tyler Greenwell, batterie & percussions
J.J. Johnson, batterie & percussions
Mike Mattison, harmonies
Mark Rivers, harmonies
Kebi Williams, saxophone
Maurice Brown, trompette
Saunders Sermons, trombone

Enregistré au Swamp Raga Studio (1), Jacksonville, avec l'aide de Jim Scott.

1."Made Up Mind"  3:55
2."Do I Look Worried"  4:35
3."Idle Wind"  5:11
4."Misunderstood"  5:42
5."Part of Me"  4:08
6."Whiskey Legs"  4:06
7."It's So Heavy"  4:59
8."All That I Need"  5:13
9."Sweet and Low"  5:04
10."The Storm"  6:35
11."Calling Out to You"  3:46

*** lien -> "REVELATOR" (2011) Tedeschi-Trucks Band

(1) Studio personnel de Susan & Derek, dont le nom révèle la direction de la recherche musicale de Trucks.





2 commentaires:

  1. Excellent album en effet mais que je trouve un ton en dessous du premier personellement, a notre puisque je viens de le réécouter toute la semaine en voiture "Back to the River" le dernier album de Susan sous son nom prévisageait déjà du Tedeschi Trucks Band avant la lettre !

    Je vous le recommande chaudement il contient des pépites notamment le funkisant "Another Break in the Road" célèbre à New Orleans

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  2. En effet, Jipes, ce "Back to the River" est un très bon disque. Le meilleur de Tedeschi.
    De mémoire, Derek participe à la production et joue sur un titre. On y retrouve également Doyle Bramhall.

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