Déjà
un nouvel opus pour cette sympathique réunion entre époux.
On
peut mettre de côté le live « Everybody's
talkin' » qui me paraît un peu précipité.
Certes il ne manque pas de qualité – avec des musiciens de
cette trempe ce serait fort étonnant, et regrettable - mais à
mon sens il est sorti trop tôt car il n'y a pas assez de
matériel conséquent pour proposer un enregistrement
public vraiment intéressant, qui résume une carrière,
ou une période.
Si le premier album, déjà plutôt bon, avait soulevé quelques remarques, celui les entérine toutes. Là où précédemment on pouvait déceler quelques très légères carences que l'on pouvait attribuer à une équipe qui ne se connaissait pas encore totalement, il y a dorénavant un véritable collectif allant dans une seule direction. Celle d'une musique intègre et sincère, abolissant les frontières sans renier ses racines. Une pure alchimie que seuls des musiciens de haut niveau sont capables de réaliser. Et non des escrocs, car ici, on ressent une authenticité et une spontanéité qui ne souffrent d'aucune compromission.
Le
groupe est en osmose, chacun ayant trouvé sa place, se
dévouant au service de la musique – et non de son égo
-. Il s'en dégage une sensation de plénitude. Beaucoup
de détails pas nécessairement discernables pour une
oreille distraite. Évidemment, les supports tels que les
iphones et autres machines de l'arnaque, dépourvues de
musicalité, sont à proscrire, car jamais elles ne
pourraient retranscrire la richesse de cette musique (sauf
dans le cas où elles sont reliées à un gros
décodeur hi-fi – coûtant la peau-des-fesses – avec
le matos qui suit).
Impossible de retrouver la dynamique et le relief que génèrent
deux batteurs, un saxophone, un trombone, une trompette, une basse,
des claviers, une ou deux guitares, un chant et des chœurs, sur un
petit format sans enceintes.
Le
chant de Susan Tedeschi a mûri, se faisant parfois moins déclamatoire
pour baisser d'un ton ou deux, et se faire quelquefois très
doux. Tandis que la slide a des passages où elle fait preuve
de tendresse, comme si, au moment où il jouait, Derek Trucks était
en pâmoison devant sa chère et tendre.
Si l'album démarre sur un Blues-rock ardent, l'ambiance générale est plutôt à une Soul toute personnelle nimbée d'un blues-rock qui fait la transition entre des orchestres Rock cuivrés des 60's-70's et un Rock-bluesy actuel, d'où perle la joie de jouer. Si ce n'est qu'ici,il n'y aucune place pour le doux et sympathique amateurisme que l'on pouvait trouver chez certains musiciens de ces années fastes. En bref, le Tedeschi-Trucks Band pourrait être une sorte revival de groupes tels que le Full-Tilt-Boogie, Delaney & Bonnie, les débuts de Joe Cocker et son Mad Dog & English Men, voire Derek & the Dominoes.
La
troupe est la même que celle présente sur « Revelator »
à l'exception de Oteil Burbridge qui a préféré
raccrocher un temps sa basse pour se consacrer à sa famille.
En remplacement, Pino Palladino sur la majorité des pistes,
ainsi que George Reiff, Dave Monseys et Bakithi Kumalo.
Les
potes musiciens qui étaient déjà venus donner un
coup de main pour achever l'écriture de quelques compositions
ont encore une fois offert leur aide. On retrouve ainsi le fidèle
Doyle Bramhall II (ancien partenaire de Derek lorsqu'il accompagnait
Eric Clapton, et il également collaboré en composant, co-produisant, jouant et chantant sur quelques titres du primé "Already Free". On le retrouve aussi sur trois titres du "Back to the River" de Tedeschi), Gary Louis (des défunts Jayhawks), Eric Krasno (de
Soulive).
Ça
débute par un remuant Soul-rock bluesy, mené
tambour-battant par la SG de Derek Trucks qui, pour l'occasion, s'est faite
âpre et nerveuse, et des refrains entêtants rehaussés
de cuivres enjoués. Et pour ceux qui n'ont encore jamais
entendu Derek dans ses œuvres le voilà déboulant avec
un solo chantant – que l'on pourrait même fredonner – qui,
tout en gardant un son chaud et crémeux favorisant les graves
(micro manche ?) - propre aux Gibson ayant adopté le
Blues-rock pour église - parvient progressivement à
rejoindre la communauté Soul.
« Do
I Look Worried » confirme l'appartenance au registre Soul,
avec ses cuivres enivrants et son piano épileptique. Là,
encore, un très gros solo de Derek, qui pourtant n'a rien
d'ostentatoire.
« Idle
Wind » s'enveloppe dans un manteau country-folk. Plus
acoustique, plus minimaliste, ce titre au parfum bucolique, co-écrit
avec Gary Louis, permet de retrouver la flûte espiègle
et charmeuse de Kofi Burbridge ; le dépouillement met en
valeur la voix de Susan.
« Misunderstood »,
funk-rock pataud, stoppe la lancée vers l'excellence de
l'album. Néanmoins, cela rebondit néanmoins lors des
refrains et du break.
« Part of Me » redresse rapidement la barre. Superbe titre de Soul Blue-eyes dont le refrain, avec ses chœurs d'angelots excités, appuyés de claquements de mains, évoque le « Revenge » d'Eurythmics, en plus vivifiant. Derek, même s'il ne peut s'empêcher de se fendre de quelques licks blues-rock sur les derniers mouvements, reste en retrait. Avec Doyle Bramhall en seconde guitare.
Sur
le Blues-rock cossu « Whiskey Legs », qui
pourrait être une synthèse de ceux qui égrènent
les albums de Susan & Derek, les époux en profitent pour
se défier à la six-cordes : on règle les comptes
à coup de soli incisifs. On se provoque, se rétorque,
on hausse le ton. Score : ex-aequo.
Et
on se rabiboche avec le sentimental « It's so Heavy »,
un rien gospellisant, avec cet orgue subtilisé à la
paroisse du comté ; titre qui aurait été comme
un poisson dans l'eau dans le disque de Solomon Burke, « Don't
Give Up on Me » .
« All
That I Need » rend hommage, ou concurrence, la Soul de la
Tamla Motow et du Muscle Shoals. Le poto Doyle apporte encore une
fois sa contribution avec une gratte discrète, dans un format
d'accompagnateur modeste et respectueux, du style Steve Cropper.
Ballade
Soul avec « Sweet and Low », millésimée
60's car pure, pas encore polluée par une surabondance de
violons, ou pire, de synthés. On dirait que Derek s'est calqué
sur le jeu de son oncle, lorsqu'il faisait des sessions pour Aretha
Franklin, Wilson Pickett, Percy Sledge.
« The
Storm » est un Blues-psyché et moite où
Derek lâche la bride à sa Gibson. C'est vaguement
redondant à cause du riff trop répétitif. Cette
pièce aurait gagné à mettre en avant les parties
de wah-wah (branchées sur une guitare ou un clavinet ?), au
lieu de les placer tant en retrait qu'elles en sont à peine
discernables. Une belle échappée de Tyler Greenwell
lors du break.
Joli
final Country-folk avec Derek & Susan, seuls, en tête-à-tête, en acoustique,
comme pris sur le vif (on discerne Derek qui marque la mesure de son
pied).
De
ce disque se dégage une saine envie de vivre, sans jamais
tomber dans la Pop, (encore
moins le genre de niaiseries du type « tout
le monde y l'est beau, tout le monde y l'est gentil).
Une ode à la vie tout simplement. Rien à voir non plus
avec celle que prônait l'adage idiot « sexe, drugs &
rock'n'roll ».
Même dans les moments profonds tel que « It's so Heavy », il y a une fibre émotionnelle si intense quelle en serait presque palpable.
On
a parfois la sensation d'être plongé dans les grandes
étendues des USA,
de
voir défiler les monolithes du Colorado, les forêts de
l'Oregon, de se retrouver sous les pluies d'été de la
Floride (et même ses tempêtes - »Storm »-),
ou encore sur une bécane customisée lancée sur
les routes interminables, tout en étant convié à
partager un peu l'intimité de Derek & Susan.
Il
ne manque à ce disque qu'une pépite de l'éclat
de « Midnight in Harlem » (de leur précédente
réalisation) pour en faire un joyau, toutefois « Made
up Mind » est plus cohérent et régulier que
« Revelator ». Seul le Blues psyché et
allumé de « The Storm » ne semble pas à
sa place ici.
La
troupe Tedeschi-Trucks Band a fait un bond en avant, pour leur
plaisir et pour le nôtre.
Certes,
« Made Up Mind » n'est pas le genre de disque
qui frappe d'entrée par des titres imparables que l'on garde
en mémoire dès la première écoute. Mais
il n'en est pas moins un délice à chaque fois que l'on
dépose la galette dans le mange-CD.
Cela
a déjà été dit et écrit maintes
fois : les scores des ventes ne sont pas nécessairement un
gage de qualité. Et ce second opus profite certainement de la
révélation de son prédécesseur. En tout
cas, le présent opus est bien parti pour faire un beau
parcours avec des ventes s'annonçant déjà
meilleures que la précédente. Dans certains pays, il y
a encore pas mal de gens qui ont des oreilles.
La troupe :
Susan Tedeschi, Chant & guitares
Derek Trucks, guitares, slide, production
Kofi Burbridge, claviers & flûte
Tyler Greenwell, batterie & percussions
J.J. Johnson, batterie & percussions
Mike Mattison, harmonies
Mark Rivers, harmonies
Kebi Williams, saxophone
Maurice Brown, trompette
Saunders Sermons, trombone
Enregistré au Swamp Raga Studio (1), Jacksonville, avec l'aide de Jim Scott.
Enregistré au Swamp Raga Studio (1), Jacksonville, avec l'aide de Jim Scott.
1. | "Made Up Mind" | 3:55 |
2. | "Do I Look Worried" | 4:35 |
3. | "Idle Wind" | 5:11 |
4. | "Misunderstood" | 5:42 |
5. | "Part of Me" | 4:08 |
6. | "Whiskey Legs" | 4:06 |
7. | "It's So Heavy" | 4:59 |
8. | "All That I Need" | 5:13 |
9. | "Sweet and Low" | 5:04 |
10. | "The Storm" | 6:35 |
11. | "Calling Out to You" | 3:46 |
*** lien -> "REVELATOR" (2011) Tedeschi-Trucks Band
(1) Studio personnel de Susan & Derek, dont le nom révèle la direction de la recherche musicale de Trucks.
Excellent album en effet mais que je trouve un ton en dessous du premier personellement, a notre puisque je viens de le réécouter toute la semaine en voiture "Back to the River" le dernier album de Susan sous son nom prévisageait déjà du Tedeschi Trucks Band avant la lettre !
RépondreSupprimerJe vous le recommande chaudement il contient des pépites notamment le funkisant "Another Break in the Road" célèbre à New Orleans
En effet, Jipes, ce "Back to the River" est un très bon disque. Le meilleur de Tedeschi.
RépondreSupprimerDe mémoire, Derek participe à la production et joue sur un titre. On y retrouve également Doyle Bramhall.