jeudi 24 octobre 2013

SIDNEY BECHET le plus français des jazzmen américains - par Pat Slade



                


Une jeunesse tumultueuse



Sidney Bechet n’a pas été que le jazzman aux cheveux blanc et rares que nous connaissons par photos interposées. Cet homme, né en 1897 à la nouvelle-Orléans au sein d’une famille créole originaire de Haute Savoie ( ?), jouera de la clarinette et du saxophone avant de se mettre à son instrument de prédilection : le saxo soprano. Beaucoup de gens croient qu’il jouait de la clarinette !  Hé bien non ! La différence entre les deux instruments, c’est que le saxo soprano a un son beaucoup plus puissant et un vibrato plus dominant. Mais revenons au début de la carrière mouvementé de Sidney Bechet. Il jouera en Angleterre avec Duke Ellington dans les années 20, mais le célèbre pianiste le foutra dehors avec instruments et bagages pour absentéisme à plusieurs concerts. L’Europe l’appelle pour jouer au sein de la «Revue nègre» avec Joséphine Baker. Mais l’homme n’est pas un gars à qui on marche sur les pieds, en 1928, il se bat avec un joueur de banjo du nom de Mike McKendrick, il lui tire dessus, trois personnes furent blessées. Il n’y aura pas de conséquence trop dramatique, mais il passera 11 mois de prison à Fresnes (Louis Aragon témoignera en sa faveur) et sera expulsé à la fin de sa peine.
Il part en Allemagne jusqu’en 1931 ou finalement il repart pour les Etats-Unis. Il continue à jouer et dirige en parallèle un magasin de tailleur qui fera rapidement faillite. Dans les années troublées de la guerre, il enregistre avec son compère Louis Armstrong. Il devient une figure populaire du style dixieland. En 1941, il est l'un des premiers à enregistrer en re-recording. Il joua à tour de rôle la basse, la batterie, la clarinette, le piano et du saxo ténor et enregistra deux faces : «Sheik of Arabia» et «Blues of Bechet».
Il retourne en France en 1949 pour le concert d’ouverture du festival de jazz de Paris avec Charlie Parker le grand  «Bird» et Kenny Clark, le succès est à la clé. Il enregistre alors coup sur coup ses plus grands disques. Les ventes augmentent et les concerts s’enchaînent. Edith Piaf, à cette époque, fait moins recette que lui. Arrivent les années 50 et un fameux concert à l’Olympia.



Le soir ou l’Olympia fut détruit



Dans les années 60, en farfouillant dans les disques de ma grand-mère, je suis tombé sur deux pochettes noires et lourdes. Sur la photo de l’un, on pouvait voir un homme âgé (Pour mes yeux d’enfants) avec un instrument de musique dans les mains et un disque brillant. Et en dessous il était écrit le chiffre 1 avec plein de zéro derrière un petit «e» et «disque».
Je ne comprenais pas trop ce que cela voulait dire, mais je voulais savoir de quoi il en retournait. Je pris l’objet de ma convoitise et le mis sur le vieux tourne disque de ma grand-mère. Tout commença par un brouhaha de personnes en effervescence et une voix qui dit «Vous allez pouvoir applaudir…Sidney Bechet» suivi d’une clameur venant du public comme je n’en avait jamais entendue avant, suivis d’un bruit de piétinements, et ensuite le calme revenu (Plus ou moins) la voix de l’artiste annonçant le premier titre «Blues in the air».




Accompagné des orchestres de Claude Luter et André Rewéliotty, ce sont treize hommes qui accompagnent sur la scène de l’Olympia, Sidney Bechet qui interprétera ses morceaux les plus connus. De «Wild cat rag» à «Ol’ man river» en passant «Kansas city man blues», “Les oignons”, “Dans les rues d’Antibes” pour finir par «Royal garden blues».


Ce concert du 19 octobre 1955 avait été organisé pour la remise du disque d’or qui célébrait le millionième disque Vogue vendu de Sidney Bechet , ce concert était… gratuit !! Aussi les abords de l’Olympia étaient-ils envahis par des milliers de spectateurs longtemps avant l’ouverture des portes et beaucoup ne purent trouver une place dans la salle. Le service d’ordre fut souvent débordé, provoquant des incidents dont la presse parlera le lendemain. Résultat du concert, 10 blessés et 200 fauteuils arrachés.
C’est cet enregistrement, tiré à près de 200.000 exemplaires, qui était gravé sur le disque d’or qu’il reçut dans un silence inattendu vu le ramdam de la soirée.




Quand le Crabe s’en mêle




Depuis le début des années 50, il connaît des problèmes respiratoires, et il partira souvent à Saint-honoré-Les –Bains dans la Nièvre pour se soigner. Des sa première cure il apprécie la station thermale et se fait quelques amis. Malheureusement, on lui découvrira un cancer du poumon. Il décèdera à Garches en 1959 où il est enterré. A ses funérailles, les grands musiciens de jazz étaient présents. Une légende du jazz venait de s’éteindre.

3 commentaires:

  1. Un musicien qui compte beaucoup pour moi, celui par lequel j'ai découvert le jazz. Je crois cependant que nous ne connaissons pas exactement son année de naissance. Un vibrato de légende. Merci pour ce papier.

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  2. Je ne suis pas loin de penser que ce fameux double album enregistré à l'Olympia, soit un des premiers, où le premier disque de jazz que j'ai écouté. Il est extra, plein de punch, de tubes, l'ambiance dans la salle est irréelle, et en remonterait à bien des publics "rock" !!

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  3. C'est en l'écoutant jouer les "Oignons" et "Petite Fleur" ou plutôt en écoutant le son de son instrument que j'ai décidé dès l'âge de 8 ans d'apprendre la musique et le saxophone soprano. Malgré plusieurs années de conservatoire je n'ai jamais pu reproduire ses intonations ni même le timbre si particulier de son instrument. J'ai le même âge que son fils Daniel et avec le temps j'ai compris que l'interprétation était une chose inné et inimitable, quant à sa sonorité si particulière, elle venait tout simplement de la marque de son saxophone (Buescher True Tone modèle 1923) , marque aujourd'hui disparue car rachetée par Selmer. Aujourd'hui c'est Olivier Franc qui possède et joue avec son saxophone. Il est le fils de René Franc, clarinettiste de l'orchestre André Réwéliotty, ayant accompagné Sidney Bechet.
    Avant de se tourner vers le saxophone soprano dont il devint le maître incontesté et pour lequel il donna toutes ses lettres de noblesse, Sidney Bechet jouait de la clarinette type Albert, plus difficile à jouer que la clarinette type Boehm que nous connaissons plus couramment.
    Les Bechet sont bien originaires de Haute-Savoie où il subsiste encore quelques branches familiales notamment à Thonon les Bains et Vinziers. Sidney était le Benjamin de 7 enfants, or, la clarinette était destinée à son frère Léonard désintéressé par cet instrument et dont Sidney avait interdiction d'y toucher. C'est en cachette qu'il appris à en jouer avant qu'il suive des cours avec un professeur. Son père, Omer Bechet, cordonnier de profession, dont les parents (J.B.A. Bechet et Marie Gabrielle) étaient français émigrés à la Nouvelle Orléans, a épousé une noire américaine du nom de Joséphine Mitchell de cette même ville C'est pour cette raison que Sidney savait parler le Français créole malgré son accent américain.
    Dans les dernières années de sa vie il a acheté une maison à Garches au 25 rue Frédéric Clément où il est inhumé au cimetière de cette ville. En son hommage, le centre culturel de cette commune porte son nom.La ville d'Antibes a, quand à elle, pour le remercier de luiavoir composé un morceau, a érigé une statue de son buste au milieu du Jardin Public.

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