mercredi 23 octobre 2013

Earl KING "Sexual Telepathy" (1990), by Bruno

    

      Voilà un "King" que peu de gens connaissent, et cela pour plusieurs raisons. La principale étant une quasi absence dans la presse. Il s'agit de Earl King, né Earl Silas Johnson IV le 7 février 1934 à la Nouvelle-Orléans, guitariste chanteur (occasionnellement pianiste) de Blues au style rythmé et dansant. Pratiquement oublié aujourd'hui, il fut pourtant considéré comme l'un des artistes les plus importants de la cité du croissant. 


       Ce guitariste jovial mais nerveux, influencé par Eddie Jones (aka Guitar Slim) qui apprit à chanter dans la chorale de l'église (Gospel), marqua de son empreinte les rythmes de la Nouvelle-Orleans ; à ce titre, deux de ses compositions, « Street Parade » et « Big Chief » sont des standards de la parade du Mardi Gras. 

Plusieurs de ses chansons furent aussi reprises par des musiciens de renoms (ou bien composées pour eux)  tels que Fats Domino, Dr John, Robert Palmer, Anson Funderburgh, The Meters, Johnny Adams, Freddie King, Katie Webster, et Professor Longhair (dont il relança la carrière en 1964 avec le fameux "the Big Chief"). Sans oublier Jimi Hendrix qui reprit « Come on (Let the good time roll)» en le durcissant (sur "Electric Ladyland"), et Stevie Ray Vaughan (« Come on part III » sur "Soul to Soul"). Hendrix, lors d'un interview où on le questionna sur son jeu de scène, répondit que c'était quelque chose d'assez courant chez les bluesmen, notamment chez Buddy Guy et Earl King.
(Tout récemment, Robben Ford a repris "Trick Bag" sur son dernier opus)
Vu les noms précités, il est étonnant que le patronyme de Earl King ne soit guère connu. Toutefois, Earl a été d'une certaine façon desservi par une carrière en tant que compositeur ou de simple accompagnateur plus longue que celle en solo, restant ainsi donc longtemps dans l'ombre de ses interprètes. 

       Bien que son premier enregistrement date de 1953, et qu'en 1955, "Those Lonely, Lonely Nights" ait atteint la septième place du Billboard R & B (titre repris pour son retour discographique), son premier "long-player" ("That Good Old New Orleans Rock'n'Roll" sur Sonet) n'est commercialisé qu'en 1977. Ce premier disque n'est point avare de qualités et n'a aucune raison de rougir devant nombre de classiques tant vantés du Blues au sens large.   

      Grâce à la signature du label Black Top en 1986, il réalisa trois superbes disques de Blues : "Sexual Telepathy", "Hard River to Cross" et "Glazed". Trois galettes qui exsudent les rythmes Louisianais, nanties de Blues chaloupés ou syncopés, toujours assez dansant, avec un petit quelque chose de Zydeco en filigrane, parfois proche d'un Snooks Eaglin' (qui est d'ailleurs invité sur deux de ses disques, et réciproquement), ou parfois proche d'un rythm'n'blues millésimé fin 50's - début 60's. Un Blues qui résonne souvent comme un éternel Printemps tempéré, fleuri et ensoleillé. Trois œuvres indispensables à l'amateur éclairé de Blues fin et racé. Mais s'il fallait n'en choisir qu'une, je me prononcerais sans hésiter pour  
« Sexual Telepathy » (son deuxième pour le label indépendant des frères Scott). 


      Sans surprise, on retrouve en accompagnement l'écurie du label de l'époque. A savoir, les Broadcaster de Ronnie Earl au complet, Ronnie y compris, avec une participation de George Porter Jr, de Ron Levy, de Snooks Eaglin (sur deux titres), ainsi que celle des musiciens d'accompagnement du célèbre club « Antone's ». Difficile de se planter avec une telle troupe qui, à l'époque, pouvait représenter, dans la catégorie, le haut du panier, le nec plus-ultra. Sur le précédent, il y avait déjà le Roomful of Blues au complet.


      On y retrouve son style, totalement personnel, déjà présent sur ses singles des années 50 et début 60 et totalement affirmé sur "
That Good Old New Orleans Rock'n'Roll". Un Blues relativement « laid back » plongeant dans les 60's, enrichi de cuivres - présents mais jamais envahissants - qui reflètent des racines issues de la Nouvelle-Orleans, de piano bastringue ou d'orgues, un chant marqué par le Rythmn' n' Blues, le Zydeco et les « Blues Shouters », faisant preuve de sensibilité sur quelques ballades Blues, des paroles positives, des interventions de guitare lumineuses, parfois relativement nerveuse (joués aux - gros - doigts sur Fender Stratocaster avec un son pur). Un son de guitare sec et mat qui claque, pas purement Fenderien (malgré le matériel utilisé), avec très peu de réverb, voire pas du tout, et pas de Tremolo. Son chant, un peu rugueux et nasillard, moins puissant et moins imposant que celui de ses homonymes, n'en demeure pas moins juste.
 

   Les seul artistes qui me viennent à l'esprit pour comparer son style, restent 
Guitar Slim et son ami Snooks Eaglin'voire Pee-Wee Crayton, et, dans une bien moindre mesure, Clarence « Gatemouth » Brown.
Guitar Slim fut une grosse influence pour Earl, et il commença même à l'imiter. A tel point qu'à la suite d'un accident de voiture de Guitar Slim, il put sans mal le remplacer sur une tournée en se faisant passer pour lui. Earl fut certainement d'ailleurs le premier à reprendre la scie "The Thing I Used to Do". 

   Même si rien ici ne semble transcendant, voilà un disque qui a la particularité de mettre de bonne humeur, de détendre, à chaque écoute. Et surtout, c'est de l'inoxydable : pas un point de rouille en plus de vingt ans (et même plus si l'on considère que la première mouture de certaines compositions date de bien plus tôt). Avec des titres d'une telle qualité  on s'attend à trouver dans les notes qu'il s'agit de reprises mais que nenni.   Tout comme sur les deux autres disques réalisés sur « Black Top » (à l'exception d'une seule reprise du mentor, Guitar Slim), toutes les compositions sont du maître (de conférence). Certains titres proviennent de son vieux répertoire, et ont été plus ou moins réarrangés pour l'occasion.


     Earl King est décédé à l'âge de 69 ans le 17 avril 2003 (par suite de complications de son diabète). Lors de ses funérailles, une foule était venue lui rendre un dernier hommage, et, dans la tradition, il y eut une procession avec orchestre. Les gens ont pu danser une dernière fois avec Earl.

  1. Old Mr. Bad Luck  -  3:10
  2. I'll ake You Back Home  -  2:44
  3. A Weary Silent ight  -  3:00
  4. Time for the Sun  -  4:48
  5. No One More for the Road  -  3:16
  6. Going Public  -  3:15
  7. Love is the Way of Life  -  4:12
  8. Sexual Telepathy  -  3:53
  9. Happy Little Nobody's Waggy Tail Dog  -  4:28
  10. Always a First Time  -  3:43
  11. Make a Better World  -  4:11





Trick Bag



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