- B'jour M'sieur Claude…
Z'avez marre de nous parler de musique classique, un article
littéraire en dehors de la période estivale, ça ne vous ressemble pas ? Une reconversion ?
- Comme chantait Bécaud,
tout juste le désir de "changer d'air mes valises", une période comme
cela, un concours de circonstances…
- Elle me fait un peu
peur la couverture, on dirait un enfant qui fume des boyards papier maïs !!!!!
- Ah, Ah, non ! C'est ce
que Stephen King a appelé la "vapeur"… dans son roman qui est la
suite de Shining, 36 ans après l'édition originale et le tournage du film de Kubrick…
Wendy, Dan et Jack Torrance dans Shining de Kubrick |
En
toute franchise, je n'ai jamais lu Shining
écrit en 1977. Par contre j'avais vu
en 1980 l'adaptation qu'en avait faite
Stanley Kubrick. Stephen King aimait le style terrifiant du
film, mais trouvait l'esprit de son roman un peu trahi dans ses intentions,
notamment à propos de l'alcoolisme, élément désintégrateur du couple Torrance
plutôt que le maléfice régnant dans l'hôtel hanté. Autre différence, dans le
livre Dan,
le jeune garçon aux pouvoirs paranormaux (le Don), Wendy, sa mère, et le cuisinier Dick Hallorann
survivent tous, tandis que Jack Torrance ne se transforme pas en statue de
glace en poursuivant Dan dans le labyrinthe de feuillages, non, il
explose façon puzzle avec la chaudière. Dick Hallorann, le cuisinier noir, ne meurt donc pas avec la hache des
pompiers plantée dans la poitrine.
Ce
nouveau roman reprend l'histoire à l'adolescence de Dan. Dick Hallorann qui a, bien entendu, le Don (une aptitude hétéroclite à la
voyance, la télépathie, la télékinésie), apprend à l'enfant a contrôler au mieux
ce qui est plutôt une malédiction, le bouleversement au quotidien de
l'inconscient.
Dans
la première partie de ce nouvel opus, Dan va plonger dans un enfer social, glander
de petits boulots en petits boulots, et surtout de bar en bar ! Comme seuls
compagnons, l'alcool et la came. Jusqu'à ressentir de l'abjection envers
lui-même en se réveillant un matin à coté de l'inconnue d'un soir, dans des
draps crasseux, et face à un mouflet de 18 mois dont la couche est un cloaque depuis
des lustres, et qui lèche les reliefs des rails de coke sur la table basse.
Écœuré, il s'enfuit, trouve un job grâce à Billy, un ouvrier sexagénaire qui va se
prendre d'amitié pour lui, et surtout, avec la complicité du patron, le faire fréquenter
assidument les AA. Désintoxiqué et
sobre, il devient aide soignant dans une clinique qui accueille les mourants.
Guidé par ses intuitions parapsychiques, Dan accompagne dans la sérénité les patients à la dernière extrémité, d'où le sobriquet de Docteur
Sleep… Une dizaine d'années va s'écouler...
Après
ce préambule pour établir un lien entre les deux livres à 37 ans d'intervalle,
voici le temps des présentations des protagonistes de ce long roman solide (mais
moins lourd que les 1000 pages de 23/11/1963 commenté par Luc il y a quelques
semaines). Commençons par les pittoresques et monstrueux Vrais :
Rose O'Hara est le gourou,
le guide suprême d'un groupe de Vrais, à savoir une cinquantaine de vampires
parapsychologiques qui rode dans leurs mobil-home sur les routes des USA à
la recherche de leurs victimes, la base de leur nourriture et source de survie. Drôle de manière de
survivre et de se nourrir pour les Vrais ! En temps de disette, ils
grignotent la terreur ultime des victimes de catastrophes comme celle du 11 septembre ou vont écumer les
capitales de la mort violente comme Juarez
à la frontière avec le Mexique. Leurs origines semblent se perdre dans les
siècles. La performance du Don est
très variée entre les personnages. Rose, c'est une pointure !
Mais
se repaitre de morceaux de choix consiste à ingurgiter des bonnes doses du Don expulsées lors du dernier soupir d'un enfant,
innocent kidnappé puis torturé à mort de préférence1 : celles de gamins gorgés de ce
pouvoir occulte. Dan enfant aurait pu être au menu. Le petit Bradley
Trevor,
9 ans, amateur de Baseball sera un plat de choix en début de bouquin vers 2011
et, dernière proie repérée en 2013 : Abbra, une jolie ado de 13 ans qui semble une
gamine discrète mais a fait stresser Dave et Lucy, ses parents, dans sa tendre enfance :
brouiller les chaînes de télé, coller l'argenterie au plafond, etc. J'avoue que
si l'un de mes gamins s'était comporté
comme cela, j'aurais flippé. Le bon Docteur John Dalton, pédiatre, va les
aider et ferra équipe avec Dan quand la gamine sera élue friandise de l'année 2013,
à consommer de toute urgence par les Vrais en état de manque ! Mais dans ces années
plus sages, Abbra
à fait connaissance par télépathie et télékinésie avec Dan qui, pour faire simple et ne
pas raconter le livre, sera son allié dans le rocambolesque cauchemar qui se
prépare : Rose vs Abbra.
[1]
Stephen King, contrairement à trop de romanciers
actuels, nous épargne les détails sordides et malsains, il le précise juste, merci à lui.
Ah,
important, dans l'imagination de Stephen King,
quand une victime involontaire ou désignée passe l'arme à gauche, on ne sait
pas s'il perd 21 grammes comme dans
le film d'Alejandro Iñárritu, mais
libère la Vapeur, un ultime souffle
ectoplasmique qui s'envole comme une bouffée de fumée…
La
Vapeur a-t-elle un nom ? L'âme,
l'énergie vitale ou psychique ? Stephen King
ne répond pas à cette question ésotérique, il s'en fout. Stephen
King ne rationnalise jamais ses concepts fantastiques par des
ersatz pseudo-scientifiques. Il ne suit pas la piste en ce domaine d'un Crighton, d'un Rollins
ou encore Steve Berry. L'intrigue et
le mystère priment sur toute logique. Ses personnages sont, hormis leurs
pouvoirs "spéciaux", des gens comme vous, moi, vos voisins de palier
voire le clochard du coin. Ils sont parfois pathétiques.
xxxxxx |
Oui,
mort horrible. Petit détail "sympa"… Quand les Vrais agonisent à cause d'une
balle dans le buffet, ou d'un mauvais rhume, ils "cyclent" ;
comprendre : ils oscillent entre l'état de corps charnel et celui d'ectoplasme
pendant un temps plus ou moins long et super douloureux avec, comme issue
fatale : juste des petits tas de fringues peu ragoûtants.
Principe
juridique : pas de cadavre, pas de meurtre… Et puis soyons clairs, ces braves Vrais
ne doivent pas être trop connus "de nos services" comme disent
les flics et encore moins fichés au grand banditisme. C'est à cause de cette
annihilation post mortem pure et simple que pour Dan, régler ses comptes en mode
"inspecteur Harry" devient bougrement pratique avec le temps,
l'urgence et la rage. Et puis pour ces prédateurs du Don, si tuer un gus, et pire un môme, est à l'évidence un crime
fédéral, sucer le Don parapsychique
de la victime n'est pas un délit figurant dans le code pénal US. Conclusion, un
bouquin qui s'oriente en seconde partie vers une chasse terrible, avec pas mal
de non-cadavres dans le bilan, sans un seul flic à l'horizon…
J'avais
un peu mis de coté Stephen King
depuis le début des années 90. Je ne retrouvais plus la richesse inventive de tommyknockers ou de Ça.
La Tour
sombre et Cie, que je n'ai jamais fini me semblait plus pénible à
décortiquer qu'une bible en serbo-croate. Petit essai en 2003 avec Dreamcatchers un peu confus er répétitif, avec
un abus de la "pétomanie", si je puis utiliser cette formule… Et,
redécouverte avec le volumineux mais passionnant 23/11/1963. Dans Docteur Sleep,
livre ensorcelant, à l'ironie caustique, plutôt palpitant et bien traduit, je
retrouve mes plaisirs secrets d'il y a vingt ans… Comme dans Ça, la solidarité entre Dan,
Abbra,
Dalton,
Dave
et Billy
est le moteur du combat contre l'indicible… Et puis Stephen
King a écrit un roman fantastique, pas un pavé aux effets
horrifiques faciles,
et cela, c'est devenu un peu rare…
Est-ce un idée ou je te trouve très à l'aise dans le genre littéraire ? Trés beau papier sur un maître du genre. Elodie n'a qu'a bien ce tenir !! :D
RépondreSupprimerPour ma part, j'ai bien aimé la série de "La Tour Sombre". Peut-être parce que je l'ai lu progressivement - premier bouquin début 90 -, en attendant chaque sortie successive (et ce fut long). La traduction du dernier tome (enfin, j'espère que c'est le dernier) ne sort que novembre prochain.
RépondreSupprimerCertes, c'est inégal, on sent que King fait parfois du sur-place avec quelques longueurs (surtout sur le 7ème tome, "La Tour Sombre", un peu loupé), mais dans l'ensemble j'ai bien aimé. A mon sens, c'est ce qu'il a écrit de mieux.
La Tour Sombre est un pavé qu'il a débuté alors qu'il était étudiant. En fait, le premier tome est le fruit d'un roman inachevé qu'il avait donc commencé étudiant, en y rajoutant quelques notes lorsqu'il n'était pas encore romancier professionnel. Dans cette série, il s'amuse à mélanger les genres, avec des hommages au cinéma fantastique, aux westerns, l'Heroic-Fantasy, à la musique rock (toujours), au Maine (souvent) en passant par ses propres traumatisme (son accident et son alcoolisme).
Pour "La Tour Sombre", il ne s'agit que d'une réaction vieille de 20 ans environ et tout à fait personnelle … Peut-être qu'il faudrait que j'exhume les deux premiers tomes et reprennent la chose avec plus de lucidité…
RépondreSupprimerAh, ne pas oublier le duo Jessie et Misery… Tout compte fait, je me demande si SK à écrit un mauvais livre, tant il jongle avec talent les styles narratifs les plus divers….
De mauvais livres... je ne sais pas.
SupprimerToutefois, j'ai le souvenir d'avoir lu des histoires qui m'avaient ennuyées, qui me donnaient la sensation d'avoir été bâclées (comme pour les derniers chapitres de la "Tour Sombre" - le 7ème tome -), de manquer de développement, et parfois d'être un peu n'importe quoi. Il y a même un bouquin que je n'ai jamais fini. Cependant, je pense qu'il s'agissait de nouvelles, d'histoires courtes.
Stephen King a tellement écrit que, pendant un temps, on a émit l'hypothèse que tout n'était pas de lui.
N'oublions pas qu'il a également publié sous le pseudonyme de Richard Bachman (ce qui, au passage, lui a permit de récupérer un lectorat qui l'avait vite catalogué comme écrivain d'histoires d'horreur faciles)