Les « Bacri-Jaoui »
ou les « Jabac » couple au cinéma et au théâtre (mais plus dans la
vie…) sont connus pour mitonner des scénarios aux petits oignons, fins
observateurs des relations humaines. On se souvient de CUISINE ET DEPENDANCES
(1992), sur les planches puis à l’écran, UN AIR DE FAMILLE (1996) réalisé par
Cédric Klapisch, SMOKING/NO SMOKING (1992) et ON CONNAIT LA CHANSON (1997)
écrits pour Alain Resnais. En 1999 Agnès Jaoui franchit une étape
supplémentaire au sein de leur petite PME, en réalisant LE GOUT DES AUTRES,
gros succès, et belle réussite. Suivront trois autres films, à quatre ans
d’intervalles. Leur cinéma est caractérisé par des scénarios très écrits,
subtils, référencés, légers pour parler de choses graves, une interprétation
sans faille, de la part de comédiens venus du théâtre, les fameux « c’est
qui lui j’le connais ?!! » des
films choraux entrelaçant différentes intrigues et donnant la part belle aux
seconds rôles. Par contre, côté mise en scène, on restait sur notre faim, Agnès
Jaoui déclarant ouvertement ne pas spécialement s’intéresser à l’image, à la
technique, qu’elle laissait ses chefs opérateurs régler ce genre de
besogne… Pour AU BOUT DU CONTE, elle
annonçait, qu’enfin, elle avait pensé son film aussi en termes d’images.
Et c’est vrai que le début surprend joliment, puisque la première scène est une séquence onirique. En réalité, l’illustration
d’un rêve que raconte le personnage de Laura (Agathe Bonitzer) à sa tante Marianne
(Agnès Jaoui). On revient rapidement sur terre. Laura donc, 24 ans, attend de
tomber amoureuse, elle croit au prince charmant. Marianne est séparée, avec
deux filles dont la cadette de 11 ans se tourne vers Dieu !! Laura
rencontre Sandro, jeune compositeur, fils de Pierre (Jean Pierre Bacri), séparé
lui aussi, et qui attend anxieusement la date fatidique du 14 mars, qu’une
voyante lui avait annoncée il y a longtemps comme le jour de sa mort…
Je m’arrête là, car si on
commence à tirer les fils de l’intrigue, on en a pour trois jours. Et c’est là
que le bât blesse justement. Les intrigues multiples ne posent pas de problème,
mais il faut pouvoir identifier tout le monde assez vite, et précisément. Le
souci, ici, c’est que dans la première demi-heure, intéressante, cocasse et rythmée, on
passe son temps à se demander : c’est qui elle, la fille, la sœur ?
Et lui, son métier c’est quoi ? C’est le père de qui ? On se doute
que tous ces gens vont se croiser, mais ils tardent à le faire, le temps passe,
et on se demande toujours où va le film. Certes, Laura rencontre Sandro, s’apprête
à se fiancer, quand elle tombe sous le charme de Maxime (Benjamin Biolay). Mais
ça ne fait pas un film. Certes, Marianne monte un spectacle avec des gamins, on
suit les répétitions, mais ça ne fait pas un film. Elle décide aussi de ré apprendre à conduire
(Bacri est moniteur d’auto-école) mais ça ne fait pas un film. Sandro réussit
dans le métier, mais doit se séparer de son ami violoniste. Va-t-il l’affronter,
faire preuve de courage ou de lâcheté ? Okay, mais ça ne fait pas un film.
On pourrait continuer longtemps
à énumérer tous ce qui se passe, sans pour autant que cette juxtaposition constitue
au final un film. Il y a un point commun à toutes ces situations, une cohérence :
la recherche de l’autre, du bonheur, de l’amour, les relations, amoureuses,
familiales, la création, les croyances, les apparences… Mais il manque un moteur, une inertie. La date du 14 mars, comme point de ralliement ? Si on voit ce qui fait courir tout le monde, on ne distingue pas la ligne d'arrivée. Il manque sans doute un personnage principal qui
emballe le tout, ou au contraire, des seconds rôles rehaussés. Je pense aux
parents de Laura Didier Sandre et Béatrice Rosen, ou l’ex-femme de Bacri
(Dominique Valadié) qui ne sont pas assez intégrés. La fin s’emballe
davantage, parce que chacun arrive au bout de son parcours, doit faire ses
choix. Je m’attendais aussi à une vraie montée en puissance le jour J, le fameux 14 mars,
que tout allait se cristalliser, ou exploser.
Avec un titre pareil, AU BOUT
DU CONTE, il est évidemment que le film fait allusion aux contes de fées, Bacri et Jaoui
ayant été piocher ici et là, et truffant le film de références. Là, le film
devient ludique. Jaoui s’appelle Marianne, comme la bonne fée, Benjamin Biolay
le séducteur cynique s’appelle Maxime Wolf (=loup) qui rencontre Laura dans les
bois, habillée de rouge, et qui lui demande son chemin… Ce même Maxime Wolf qui
dit « je sais comment on réveille une princesse qui dort » lorsqu’il
s’agit de ranimer Laura ivre morte… Et de lui balancer une grosse claque dans
la gueule !! Sandro quitte une soirée et perd sa chaussure dans un
escalier… Dans les décors, on remarque une pendule en forme de montre à gousset
(Alice au pays des merveilles), des nains de jardins, et des répliques du genre
« la porte coince un peu, faut tirer le machin pour que le bidule tombe »…
où on reconnait le « Tire la chevillette, la bobinette cherra » (Le Petit
Chaperon). La mère de Laura est obnubilée
par sa beauté, sa jeunesse, et offre des pommes à sa fille… comme la reine de
Blanche Neige. A ce propos, et c’est sans doute l’idée la plus géniale du film,
la mère de Laura dans le film a 62 ans, et est jouée par Béatrice Rosen (qui a le physique d'une Charlize Theron, si vous voyez) qui en
a 28… Et pendant tout le film, le doute subsiste ! Elle est vraiment jeune ou retapée (se dit-on du personnage et de l'actrice !) ?
Côté mise en scène, si le début
est prometteur, la suite redevient très classique. Il y a de beaux plans à la
Cité de Musique, jouant de l’architecture du lieu, la maison d’Agnès Jaoui, joliment
bordélique. Le coup du poisson Némo qui flotte dans un couloir (en réalité, un jouet téléguidé, mais des idées comme ça il y en a peu...). Le ton fait penser au Woody Allen de VOUS ALLEZ RENCONTRER UN BEL
INCONNU, MINUIT A PARIS, voire SCOOP. Sauf que Jaoui hésite à pousser le bouchon,
à vraiment déraper, laisser l'étude de caractères au profit de la rêverie, de la fantaisie. Comme si elle se disait : revenons au script, ne nous égarons pas. Ben si justement, fallait !!
La qualité de l’interprétation
est l’atout principal, le film se laisse voir, avec plaisir, on ne s’ennuie
pas, mais on ne se passionne pas non plus. Le film n’est pas assez drôle. Il y
a quelques bonnes répliques, situations, généralement dues à Bacri dont le
numéro est toujours réjouissant, mais il y avait d’autres occasions de rire, mal
exploitées. Surtout, le film n’est pas assez caustique, pas assez méchant, il n’appuie
pas gentiment où ça fait mal. Pas assez poétique ou loufoque non plus (je
repense à LE NOM DES GENS, tellement plus fou, et bien sûr à Alain Resnais, ou
Pascal Thomas, Julie Delpy, et dans un autre genre à Bertrand Blier). Agnès
Jaoui semble avoir eu une très bonne idée sur le papier, mais peine à la
transcrire pour l’écran. Quant aux images de début de séquences, figées dans
une texture de vitrail, c’est tout bonnement ridicule, le premier filtre Photoshop
venu vous permettra de faire pareil, et en plus c’est laid ! Il aurait
mieux valu nous refaire le coup de la page du livre qu’on tourne, avec lettrines
enluminées gothiques !!
Par contre, il faut saluer la
manière dont Agnès Jaoui réalisatrice filme Agnès Jaoui actrice, avec le poids
des ans, sans fard, comme elle apparaissait déjà dans DU VENT DANS LES MOLLETS.
Fan de Jaoui-Bacri! A voir Absolument ! Ta chronique en plus donne (Vraiment)envie.
RépondreSupprimersuper agréable et attrayant!!!!
RépondreSupprimerIls m'ont saoulé ces deux, trop prévisibles. J'en peux plus de voir leurs tronches.
RépondreSupprimerHugo
C'est pareil pour moi. J'avais aimé Cuisine et dépendance, Un air de famille et On connait la chanson, mais maintenant je peux plus me les souffrir !! C'est toujours la même chose, et puis dans le fond, ils deviennent ce qu'ils critiquent...
RépondreSupprimerAh oui, on peut le voir ainsi... Cela dit quand on va voir un film cosigné Jaoui-Bacri on sait s'attendre à des comédies de mœurs de ce genre, avec Agnès un rien allumée, et Jean-Pierre misanthrope militant et ronchon....
RépondreSupprimerJ'ai plutôt bien aimé le fil décousu de cette histoire.
Par contre, je suis resté sans voix devant la médiocrité absolue de la photographie !!! Cadrages type années 60, image noirâtre, éclairage des visages aux antipodes de ce que pouvait faire un Alekan....
Je ne demande pas l’impossible, le budget est ce qu'il est, mais franchement même dans des téléfilms de début de soirée, il y a plus de soin apporté à la prise de vue....