- Bonjour M'sieur
Claude… Tiens… de nouveau Felix Mendelssohn… Vous aviez déjà commenté le Songe
d'une nuit d'été me semble-t-il…
- En effet Sonia, et j'avais
précisé que sa musique de chambre est de première importance…
- Un gamin surdoué le
petit Félix si je me rappelle bien de votre texte !
- C'est le moins que
l'on puisse dire, le sextuor et les quatuors avec piano ont été composés avant ses seize ans !
L'âge d'être en 2nde au lycée…
- Des cordes et un
piano, surement de la musique intimiste, je suis impatiente d'écouter cela…
Félix Mendelssohn et le
romantisme
Il
est bien dommage que Mendelssohn soit relégué à un rang inférieur dans
l'histoire de la musique, par rapport aux génies officiels comme Chopin ou Schubert, pour citer des quasi contemporains.
Le
public aimerait-il les créateurs plutôt maladifs, esseulés et miséreux ? Un
compositeur doit-il jaillir d'un roman d'Eugène
Sue ? On est en droit de s'interroger. Est-ce à cause de son talent
précoce, ses origines juives, sa naissance dans une famille aisée dans laquelle tout
pouvait lui sourire, que l'on conteste son statut de grand compositeur ? Je
laisse musicologues et historiens discourir sur le sujet. D'ailleurs Mendelssohn connaîtra une fin
tragique à 38 ans, incapable de surmonter le deuil de sa sœur aînée Fanny. Tout cela a été conté dans la
chronique consacrée à la musique de scène "Le Songe d'une Nuit d'été"
(clic).
Je
préfère ne pas m'attarder de nouveau sur la biographie, mais commenter une paire de très
beaux disques (même si ce ne sont pas des nouveautés : 1995), consacrés à quatre œuvres de
musique de chambre peu connues, hélas. Car l'œuvre (au masculin) de Mendelssohn,
ce n'est pas uniquement "Le songe d'une nuit d'été" et un
célébrissime "Concerto pour violon"…
Le Quatuor Bartholdy
Le
Quatuor Bartholdy est un ensemble fondé en 1968 par des professeurs du
Conservatoire de Karlsruhe. Les
membres changent fréquemment. Pour les enregistrements de ces deux albums, la formation ne comprend que trois cordes qui vont s'associer à un pianiste : Jörg-Wolfgang Jahn au
violon, Mathias Bucchholz à l'alto, Franco Rossi au violoncelle. Le quatuor au complet ayant déjà enregistré l'intégrale des quatuors de Mendelssohn, répertoire pour
lequel la discographie est fort riche, l'idée de graver ce sextuor et ces 3
quatuors du jeune compositeur est excellente. Les disques consacrés à ces
ouvrages juvéniles, qui sont tout sauf des brouillons d'écolier, ne sont pas
légions. Merci à Naxos, le label anglais toujours
prompte à sortir de sentiers battus, et de nous proposer des CDs à des prix… toujours
très accessibles. Un bon point supplémentaire, pour une fois chez Naxos, le livret est fourni en français…
Le
pianiste italien, Pier Narciso Masi, né en 1938, élève d'Edwin Fischer (clic), est peu médiatique !
En effet, sa passion est la participation à la musique de chambre avec piano.
Ce n'est pas un excellent moyen de se faire un nom dans le gotha du classique
qui attend toujours des prouesses pianistiques dans des récitals solo nourris
de Chopin, Liszt…
Il s'est associé à cette aventure qui nous fait découvrir, entre autres, les
rarissimes quatuors de jeunesse. Il s'investit beaucoup comme professeur à Florence.
Le sextuor d'un ado de
quinze ans…
Bien
que portant le numéro d'opus 110, le
sextuor pour violon, 2 altos, violoncelle, contrebasse et piano est une œuvre
de jeunesse écrite vers 1825. Cette instrumentation
atypique ne vous fait-elle pas penser à un autre grand chef-d’œuvre de la même
époque ? Oui évidement, le quintette "La Truite" du grand Franz
Schubert à un alto près ! (clic) Notre jeune compositeur de 15
ans ne manquait donc pas d'idées nouvelles et tournait déjà le dos aux
formations plus classiques.
Quelle vie joyeuse et insouciante dès les premiers thèmes du premier
mouvement ! Contrairement aux quatuors pour piano, le sextuor est
écrit dans une tonalité enthousiaste, le ré majeur. Avec attention, on peut y
discerner les prémices de la magie de l'Octuor pour cordes Opus 20 qui sera composé la même année ! Les mélodies entre cordes
tournoient allègrement autour du piano qui semble ravir la vedette dans ce
grand mouvement initial. Il règne un subtil équilibre entre les pupitres, une
soyeuse douceur romantique.
Le
quatuor
Bartholdy et leurs deux compères, Andra Darzins à l'alto et Wolgang
Wagner à la contrebasse, jouent la carte d'un romantisme dénué de toute
affectation : un jeu clair, une belle souplesse élégiaque, deux qualités qui
siéent parfaitement à une œuvre empreinte de jeunesse. La contrebasse sait se
faire discrète.
Les
six musiciens excellent de même dans le cours adagio, nocturne et mozartien
dans sa facture. Il est vraiment étrange que ce sextuor d'une écoute facile (mais
sans facilité ni mièvrerie) et immédiatement émouvante ne soit pas plus
enregistré. Mystère.
Le
menuetto
très court, pour alléger l'ouvrage, se fait facétieux et introduit un joyeux
allegro final.
Là encore le sens du rythme et une certaine éloquence flirtent avec de la
malice et nous rapprochent de l'Octuor dans son esprit.
Un trio de Quatuors pour débuter dans le métier…
Le
Quatuor Opus 1 a donc été écrit par un
enfant de 13 ans en 1822. Les premières notes sombres au
violoncelle nous rappellent que le mode mineur domine. Oh, ce n'est pas une
œuvre grave, et découvrir une telle richesse mélodique chez un compositeur aussi
jeune est stupéfiant. Le discours est certes moins assuré que dans le sextuor
écrit 2 ans plus tard mais ce quatuor s'écoute là encore avec aisance, la
thématique se révèle avec immédiateté et ne peut laisser en aucun cas
indifférent. Le mode mineur, que l'on retrouve dans les trois quatuors, créent
un climat élégiaque. L'adagio, lui, est en mode majeur, ce qui lui
confère la sérénité nocturne d'un ciel étoilé. Le Scherzo est guilleret et la
verve du final
remise au second plan l'évident manque d'ambition du propos. Le jeune homme
maîtrise thèmes et construction "comme
les grands", voire mieux (pas de noms). Il distribue de-ci de-là des
solos à chaque protagoniste. Rêveur et ravissant…
Un
second album a été gravé par les mêmes interprètes, dans la continuité, avec au
programme les quatuors 2 et 3. Merci encore à Naxos, mais un peu plus d'imagination pour les jaquettes aurait
été un plus. Franchement ! Tu en penses quoi Vincent ? Ces gravures bistre sont
d'une tristesse… et hors sujet total par rapport à la musique !
Le
Quatuor Opus 2 est écrit en 1823 et dédié au professeur de Felix, Carl Friedrich Zelter. Encore une tonalité
qui devrait être sombre : le la mineur. Les premiers accords de l'introduction
Allegro
évoquent le style du compositeur à venir. Une fois encore le piano semble jouer un micro
concerto avec trois instruments à cordes. Mendelssohn
semble chercher ses idées... et pourtant la vivacité dans les reprises surprenantes
sont de la veine d'un jeune génie. C'est très vivant, les interprètes veulent
que la page reste intimiste, presque enfantine. L'adagio nous plonge dans
l'univers de Mozart. Les phrases se font
galantes, le piano plus discret. Le jeune Mendelssohn
déploie des méandres mystérieux entre les cordes, fait appel à une écriture plus sophistiquée que chez son génial prédécesseur. Sacré gamin !! Le scherzo
noté Allegro moderato se fait berceuse et est suivi d'un allegro final précipité et
farceur, quoique un peu long et répétitif.
Le
Quatuor Opus 3 date de 1824 et 1825 et est achevé avant les seize ans du compositeur. Il est dédié
à Goethe que l'adolescent avait rencontré. L'allegro molto
montre déjà plus de maturité dans la richesse du dialogue entre le piano et les
cordes. Tonalité de si mineur, langoureuse mais aucunement grave. Le mouvement
est très imaginatif, brillant, les mélodies s'enchaînent avec plus de richesse
et de variété que dans les deux premiers opus. Trois années ont passé depuis
l'opus 1, Mendelssohn, d'apprenti talentueux est devenu un maître. C'est le
piano qui énonce le premier thème de l'Andante d'une grâce "classique",
à l'opposé des violences mélodiques qui se bousculeront dans l'ultime
quatuor Opus 80, 20 ans plus tard, une œuvre en forme de requiem pour Fanny. L'allegro molto est lui aussi
plus travaillé que dans les opus précédent. On y décèle comme un humour à faire
virevolter les motifs musicaux. Le long final s'élance avec une passion qui annonce
l'octuor et n'est pas sans rappeler Schubert.
J'ai
cité Mozart et Schubert.
Attention de ne pas se méprendre. A défaut de perfection formelle et de génie
assuré, il y a une jeune sève dans ces pages fort agréables à écouter pour
chasser le blues. Merci aux artistes de nous avoir rendu aussi passionnantes
ces jolies partitions.
Vidéos
1
– 3 : L'allegro, l'adagio-menuetto et l'allegro final (bref
l'intégrale en trois vidéos) du Sextuor
en concert en 2009 à Verbier, un ensemble
d'artistes motivés avec la ravissante et talentueuse Yuja
Wang au piano, une virtuose que nous avons croisée dans le
deblocnot (clic). Donc : Yuja Wang (piano), Kirill
Troussov (violon), David
Aaron Carpenter (alto), Maxim Rysanov (alto), Sol
Gabetta (violoncelle) et Leigh Mesh
(contrebasse). Un enregistrement disponible en DVD.
4
– L'adagio du quatuor
N°2 par le Schubert
Ensemble de Londres…
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