"Une chronique pas trop critique chroniquée par un
chroniqueur pas trop critiqué !" Voilà comment une chanson
de Boby Lapointe aurait
pu commencer.
Archétype
de l’artiste incompris par ses contemporains, il connaitra une gloire posthume auprès des
jeunes générations. Certains à l’époque n’aimaient pas les jeux de mots et
préféraient les jeux de maux, et non de Meaux où la moutarde leurs montaient au
nez. Pourquoi me suis-je attaqué et attaché à ce personnage haut en couleurs ?
À cause de me fille qui, du haut de ses douze printemps, est venue me voir un
soir (croyant me piéger !) me chanter une chanson qu’elle apprenait à son cour
de musique :
- Papa ! Connais-tu cet
air et le chanteur qui susurre cette sympathique mélopée ?
- Oui ma fille, je
connais cet air qui n’en manque pas. Aux rythmes animés tels les dessins de
Walt Disney qui l’étaient aussi (Pas les rythmes). Et franchement je préfère
que tu apprennes ceci que "Gabrielle" ou "Allumer le feu".
Rien que d'y penser, j’en aurais jauni à l’idée"…
Et
voilà qu'elle commence à me chanter avec assurance les paroles d’une chanson ou
les jeux de mots et les calembours sont rois. "Un
tube de toilette" qui ne n’en fera pas un auprès des
vendeurs de dentifrice.
Le Début Débuta par le
Commencement
Magicien
farfelu du verbe et, clown syntaxique, ce bonhomme débonnaire (Comme disait
Sandrine), né en 1922 à Pézenas dans l’Hérault (Les habitants
s’appelle les Piscénois ! Et je ne décomposerais pas les syllabes !), d’une
famille de mélomane, sa mère, Elodie,
a une belle voix et en fait profiter les autres. Son père François-Ernest collectionne les instruments de musique, mais c’est
aussi un amoureux des chiffres et des lettres. Il inventera le système
«Bi-binaire» (Ne me demandez pas de vous l’expliquer !) (clic pour plus d'infos sur cette théorie.)
Baigné
dans une telle ambiance, les mots et les chiffres seront sont
environnement culturel. Un de ses
professeurs de collège qui a pour habitude de lire à haute voix à toute la
classe les devoirs de français de Boby,
lui dit : "Vous
écrivez bien, quoique vos idées soient complètement loufoques".
Le
petit Boby est un charmant
diablotin rêveur. Les habitants de Pézenas se rappellent encore de ses
espiègleries, comme le coq du clocher devenu phosphorescent un soir de pâque,
ou le pékinois de la perceptrice se promenant un jour tondu en singe, ou encore
les interversions de bonnes et de mauvaises bouteilles dans les caves. Il
commence à apprendre le solfège, s’essaye aux divers instruments de la collection de son père et
prend des leçons de violon.
"Le violon de
deux choses l’une ou tu joues juste ou tu joues tzigane. Moi, je n’ai pas
tellement le choix, je joue tzigane. Y’en a qui prétendent que le violon ne
supporte pas la médiocrité ! C’est faux ! Le violon supporte la médiocrité,
c’est ceux qui écoute qui ne la supporte pas"
Il
rêve de devenir pilote de chasse, même si ses talents littéraires lui valent
fréquemment des "Zéro, hors sujet" en français, il se fait
régulièrement exclure des établissements qu’il fréquente, pour s’être baigné
dans le bassin de la cour d’honneur par exemple. Il obtient quand même son BAC "Math
elem" et prépare centrale et sup-aéro. C’est à cette époque qu’il invente
l’embrayage automatique, invention qui n’intéresse personne. Il commet encore
quelques frasques mémorables dans son village natal comme un envol de la chapelle
en surplis de chauve-souris ou un envol du pont de l’Hérault en bicyclette.
L’Hérault En Guerre,
Mais Guère De Héros
En
1942, il doit interrompre ses
études, il est appelé sur les chantiers de jeunesse. Un an plus tard il sera
enrôlé de force en Allemagne au S.T.O
(Service du travail obligatoire). Il s’évade en novembre, est repris
dans une rafle, il s’évade à nouveau avec le pseudo revanchard de Robert Foulcan. Recherché par les soldats Allemand, il se planque comme
scaphandrier dans le port de La Ciotat.
Il écrit toute les semaines à ses parents : "Les mémoires d’un petit soul’eau".
Il se marie en 1946 et s’installe à
Pézenas. En 1951 il publie à compte
d’auteur, sous le pseudonyme de b.bumbo (En minuscules !) "Les douze chants
d’un imbécile heureux". Treize textes en fait dont "Etranges propos
d’un réveil chromé" qui deviendra le fameux "Ta Katie t’as quitté".
A Paris Sur Seine Sur
une Scène à Paris
En
1952, il monte à Paris avec femmes
et enfants et tient en gérance un magasin de bonneterie qu’il baptise "Poil de carotte". Il écrit une
pièce de théâtre "Le barbu du square ou 20 ans d’aléas"
(Drame social en vingt scènes et trois époques). La layette marchotte, mais
n’aide pas à mettre du beurre dans les épinards. Il écrit "Aragon et
Castille", il démarche les interprètes et les éditeurs. Il
exerce divers métiers : électricien,
fort des halles, barman, vendeur de machines à écrire, figurant dans quelques
films ("Une
vie de garçon", "tourments"), représentant pour le café
Mexicana qui lui inspira la chanson "Tchita la créole".
L’impresario
de Bourvil entend sa chanson "Aragon et
Castille" et lui propose de la faire interpréter par le
comédien dans le film "Poisson d’avril"…
…sans
beaucoup de succès. Il divorce en 1956,
achète un magnétophone à bandes et enregistre 8 titres accompagné d’une guitare
sommaire. Pour subsister, il s’installe à Saint
Mandé : "Robert Lapointe antennes, Radio, Télévision F, Modulation, toutes
installations : collectivités, longue distance, etc.". Quand on
demande à Boby comment installer une antenne de télévision, il répond tout de
go : "Sur le toit !".
Les
vrais débuts ce feront au Cheval d’or
en 1959. Dans la salle un habitué, François Truffaut, qui adore le phénomène
et lui demande d’interpréter "Framboise" et "Marcelle" dans son film "Tirez sur le
pianiste", accompagné par Charles Aznavour,
même si dans la scène, ce n’est pas lui qui joue.
X
Le
producteur du film ne comprend pas les paroles et enjoint Truffaut
de couper la scène ou de la sous-titrer, le réalisateur le prend au mot. Le
premier karaoké avant l’heure. C’est comme "Le chanteur sous-titré" que
Boby obtient ses premiers succès aux Trois Baudets, à l’Alhambra, à
l’Olympia, à Bobino …
Charles Aznavour l’engage en vedette anglaise de son
tour de chant à l’Alhambra. Commence
alors le marathon des cabarets, parfois jusqu'à quatre par nuit. En 1961 sort un album cinq titres tiré à
seulement 1000 exemplaires avec des titres comme "Bobo Léon" ou "Troubadour ou la
crue du Tage".
"Le chanteur
sous-titré" devient le surnom attitré du chanteur. "Et aussi
chanteur radio-passif !" Ajoute-il de façon goguenarde,
certaines de ses chansons étant contraintes à un passage plus tardif sur la
radio d’état. En 1962, il ouvre son
propre cabaret, rue de la Huchette "Le cadran bleu" et apparait dans
un spectacle à sa façon, "Show et froid de
volaille". A l’entrée, il installe une pointeuse, sa devise
: "Chez
Lapointe, on s’pointe et on pointe !"
La Bobine de Boby à
l’Ecran
En 1963 sort un EP 4 titres avec "L’hélicon" et "La peinture à
l’huile"
X
Entre
les enregistrements, les cabarets, les tournées avec les amis Georges Brassens, Jean
Ferrat et aussi une première partie des Rolling
Stones dans le cadre des "Musicoramas" sur Europe 1, il continue à écrire des
textes dont l'un atteindra la treizième place au hit-parade en 1966
Anecdote
d’enregistrement de cette chanson, Boby Lapointe
avait son propre sens du rythme. Sur l’enregistrement de "Saucisson de
cheval", sa façon de prendre le rythme passait par-dessus ses
épaules, mais pas par-dessus de celles du preneur de son.
Discussion
entre l’ingénieur du son de l’époque et Boby Lapointe :
- Le technicien : Mr
Lapointe, je crois que vous n’êtes pas en mesure…
- Boby : En mesure de
quoi ?
- Le technicien : …
- Boby : Dites tous de
suite que je dépasse la mesure !
En
1969, de la scène éclairée, il passe
à l’écran dans les salles obscures. Il amorce une carrière de comédien dans "Les choses de la
vie" de Claude Sautet et sept autres films dans ces années-là
et 1971. Il jouera le rôle de P’tit Lu dans "Max et les
ferrailleurs" avec Michel
Piccoli et Romy Schneider, une espèce de brute au cerveau peu évolué.
Entre deux films, il enregistre un duo avec Anne
sylvestre "Depuis le temps j’l’attends mon prince charmant"
(vidéo). 1970 démarre avec une
tournée en vedette américaine de Joe Dassin
(qui insistera après sa mort auprès des patrons de Philips, pour le faire rééditer et ainsi lui offrir un la postérité).
Homme
éclectique à souhait, le journal «Hara-Kiri» (N° 101 février 1970) publie un roman-photo ou Boby incarne Dieu lui-même. En 1971,
la cadence s’accélère, il est à l’Olympia
en vedette américaine de Michel Delpech,
puis enchaine une tournée avec Georges Moustaki.
Puis retour au cinéma dans "Les assassins de l’ordre" avec Jacques Brel et «La veuve Couderc» avec Simone Signoret. De décembre 71 à janvier 72, malgré un cancer qui le
ronge, il fera quand même la première partie de Pierre
Perret à Bobino. Bien
avant l’heure, l’écologie et le futur de la planète le passionne, il commence
la rédaction d’un texte de réflexion général. Il continuera aussi de travailler
à de nouvelles chansons. Le 29 juin 1972, il décède d’un cancer. Il est
enterré à Pézenas ou l’on a fait
graver sur sa tombe : «Il voulait jouer
de l’hélicon».
Trois
vidéos «Depuis
le temps que j’l’attends mon prince charmant» en duo avec Anne Sylvestre, «Aragon et
Castille» le seul scopitone qu’il ait tourné et «Framboise» extrait du film «Tirez sur le
pianiste» avec son sous-titrage.
Excellent post !!
RépondreSupprimer"Chez Lapointe, on s’pointe et on pointe !" ... son penchant aussi pour la gente masculine comme dans sa chanson "Comprend qui peut" ;)
RépondreSupprimerMort en 1972 ??? Je ne pensais pas que c'était si ancien, finalement, sa carrière aura duré 10 ans, c'est peu.
RépondreSupprimerIl passé la majeure partie de sa vie à Pézenas ... accro à l'Hérault donc ...
RépondreSupprimerAlors la,,, Respects mon gars !
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