Ce film est tiré d’une histoire
vraie. Mention classique au générique de pas mal de films américains, et qui
n’augure généralement rien de bon. Dans le cas présent, cette petite
phrase permet surtout de nous rassurer : le scénariste Chris Terrio a toutes ses facultés mentales. Imaginez une histoire pareille ? Impossible ! Donc ce doit être vrai...
Cette mission sera confiée à un
agent spécial exfiltration, Tony Mendez.
Ben Affleck nous plonge d’entrée
de jeu dans le chaos, avec la prise d’assaut de l’ambassade américaine,
reconstituée au millimètre près (les photos du générique de fin l’attestent).
La tension est là dès le début, accentuée par l’utilisation d’images télé, et
de caméras de surveillance. Kaléidoscope de points de vue qui confirme ce qu’on
craint : ça va très mal se terminer ! A l’intérieur aussi c’est
tendu. Le personnel diplomatique est dépassé, on étouffe, on panique, on
déchiquète, on brûle, on détruit tous les documents officiels pouvant tomber
aux mains ennemies. Les digues cèdent, et des centaines d’étudiants iraniens
survoltés surgissent de partout. L’émeute tourne à la prise d’otages. Ben Affleck
trouve le ton juste, un traitement quasi documentaire, très réaliste, et reste concentré sur ses personnages, inquiets,
déboussolés.
Changement de ton, on vire ensuite
au film d’espionnage politique comme Sydney Lumet, Alan J. Pakula en étaient friands dans ces années-là. Et comme ses illustres prédécesseurs, Affleck privilégie ici les plans d'ensemble, les salles enfumées, les cendriers qui débordent, la frénésie, la tension toujours. Mais le traitement est plus cocasse. D’abord avec les scènes de brainstorming
à la CIA ! Toutes les idées sont les bienvenues, y compris faire évader les gus
à vélo (en Iran… en plein hiver… ben voyons !). Tony Mendez dissèque et
réfute les propositions, il y a toujours un détail qui cloche. Et puis eurêka !
En regardant LA PLANETE DES SINGES à la télé, il a l’illumination : faire
passer les six diplomates américains pour une équipe de tournage canadienne, en
repérage en Iran ! Il doit convaincre sa hiérarchie et le secrétaire
d’Etat. Pour monter son faux repérage de film, il faut d’abord faire croire à
tout le monde que le film est réel. Et on trouve-t-on des gens dont le métier
est de fabriquer du faux-réel : à Hollywood !
Troisième phase, on tourne à la
satire. Tony Mendez prend contact avec un producteur sur le retour, qui se
charge de monter le coup. Pour que tout le monde y croit (y compris en Iran) il
faut un scénario, de l’argent, des acteurs, un storyboard, et une campagne de
presse… Là Ben Affleck s’en donne à cœur joie, dans la description d'un Hollywood en pleine décrépitude (les lettres "HOLLYWOOD" sur la colline) entre l'industrie cynique qui ne croit qu'au pognon et les derniers producteurs qui croient encore à la magie du cinéma, mettant en scène un duo improbable (Alan Arkin,
qui jouait le grand père cocaïnomane de MISS LITTLE SUNSHINE, et l’inénarrable
John Goodman) trop contents de monter cette arnaque monumentale. Le faux-film
en question s’appellera ARGO, une série Z de science-fiction qui n’est pas
prête de faire de l’ombre à STAR WARS ! Là, on rit franchement devant l’énormité
de l’arnaque, des dialogues, des saillies, mais rappelons que… tout est vrai !
Il faut faire vite, car les
Gardiens de la Révolution, installée dans l’ambassade américaine, pourraient s’apercevoir
qu’il manque six otages, et si on les retrouve à l’ambassade canadienne, cela
mettrait aussi Ottawa dans un sale pétrin…
Ben Affleck poursuit son film
sur le mode plus classique du thriller, mais la tension ne retombe pas. Tony
Mendez embarque pour l’Iran, se fait passer pour un producteur-associé,
canadien, dépose une autorisation de repérage et de tournage au ministère de la
culture iranien. On sait qu’il risque beaucoup. L’agent Mendez est en
territoire ennemi, et partout règne la suspicion, la paranoïa, la surveillance
(la scène du souk, en minibus). Affleck resserre les boulons. Pas de scène
superflue sensée flatter tel personnage. D’ailleurs, Mendez (joué par ben
Affleck) est un type las, qui ne sourit jamais, parle peu. Ce n’est pas un
héros, c’est un employé, il fait son job. Pas de sentimentalisme, ou d’élan
patriotique.
Il y a un vrai savoir-faire du
réalisateur pour créer un suspens sur une histoire dont on connait pourtant
l’issue. Ben Affleck montre en parallèle la préparation et l’exécution de
l’évasion, et la recherche des six otages manquant à l’ambassade des Etas Unis
par les Gardiens de la Révolution de Khomeini. Il y a ces scènes hallucinantes montrant des
femmes et des enfants chargés de reconstituer les documents découpées en
lamelles, et notamment les photos du personnel américain, de manière à
identifier les six fuyards. Aujourd'hui, Jack Bauer aurait déjà redirigé un satellite sur Téhéran grâce à son PDA, mais en 1979...
Ben Affleck tourne aussi des
scènes impressionnantes de rue, montrant le déchainement de violence, les
exécutions sommaires, le chaos de civilisation, un peuple qui passe d’une
dictature impérial au régime des Mollahs. On objectera sans doute un retour aux
règles conventionnelles du thriller, sur les dernières minutes de l’évasion,
avec le passage du dernier barrage douanier, le coup de fil à la production, l’ultime
poursuite sur le tarmac. Mais force est de reconnaitre que tout ça est joliment
troussé ! Par contre, je déplore l’utilisation d’une musique dégoulinante
de violons pompeux, signée Alexandre Desplat. Grosse faute de goût, surtout
quand 20 minutes plus tôt on a droit à « When the levee breaks » de Led
Zep…
Quelle est l’idée que veut
faire passer le film ? Que Hollywood peut faire libérer des otages ?
Visiblement oui, ça a marché ! Mais attention à ne pas prendre le film au premier degré. Qu’Hollywood
soit un outil de propagande, on le sait, depuis les années 50’s, la Guerre Froide, et on sait aussi que l’armée américaine a toujours vu d’un très bon
œil le déploiement à l’écran de leur matériel de guerre le plus sophistiqué.
Sauf que dans le cas de ARGO, il s’agit d’un faux film, donc l’arroseur arrosé
est Hollywood elle-même ! Ben Affleck s'amuse à montrer qu'à Los Angeles, l'important est d’investir son fric, faire parler de soi, brasser du vent, peu importe que la production en question soit vraie ou bidon !
Il y a une mise en abime assez intéressante je
trouve. La fabrication d'un faux-film, racontée dans un vrai film, fiction invraisemblable mais pourtant basée sur des faits réels, où le souci de véracité est poussé au maximum, comme le montre le générique de
fin. Toute
la reconstitution de l’époque est incroyable, ce qui brouille encore plus les
pistes !
Le fait que cette mystification
soit justement l’œuvre de Ben Affleck, rend la chose plus cocasse ! Souvenez-vous,
cet acteur insipide, une belle gueule au service de navets comme ARMAGUEDON,
PEARL HARBOR… et qui telle Cendrillon se métamorphose à 40 ans en très bon réalisateur : GONE BABY
GONE (2007) et THE TOWN (2010). Il est où le vrai Benji ? Celui d’avant,
ou celui d’après ?
Le film est co produit par
George Clooney. Ce qui nous rappelle que Ben Affleck appartient à cette
génération d’acteur/réalisateur/producteur qui se sentent concernés par leur pays,
leur démocratie, abordent des sujets plus sérieux, plus pointus, et remettent
leur propre image en cause. Mais contrairement au Clooney réalisateur dont les
films sont tout de même un peu figés, sentencieux, ARGO se voit avant tout comme un thriller haletant, rigolo et cocasse.
ARGO (2012) réal : Ben Affleck ; sc : Chris Terrio
Couleur - 2h00 - format scope 2:35
Plein d'échos favorables de ce film, ce que tu confirmes ...
RépondreSupprimerOnt-ils mis "Storm the Embassy" des Stray Cats dans la BO ? Le titre était une prise de position (assez juvénile et réac)de Setzer sur ces évènements ....
Excellent ! Je l'ai vu hier suaire.
RépondreSupprimerOn retrouve bien l'ambiance des films d'espionnage 70's, mais avec la dimension loufoquement moderne pour casser les clichés et surtout, surtout au début une espèce de mea-culpa vraiment rare dans le cinoche yankee...
Avouer que le Shah d'Iran a été placé à la tête du pays par un coup tordu de la CIA, c'est pas courant.
Donc ceci devrait couper court aux critiques pisse-vinaigre de ceux qui trouvent que les iraniens sont mal représentés. Dans l'ensemble, ce sont des gros bourrins, voui, sauf la discrète et quasi-anonyme gouvernante de l'ambassade canadienne; mais les ricains sont des manipulateurs de première bourre.
1 partout, la balle au centre ?
Je regarde calmement mes films préférés ici https://fullfilmstream.net/ Et personnellement je peux fortement vous conseiller, car le site est vraiment magnifique dans tous les sens je vous le dirai
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