Ancient
Grease est la fusion d'un obscur groupe de rock progressif des
sixties, Eyes of Blues (deux disques réalisés), avec un
groupe spécialisé dans les reprises, Strawberry Dust.
Strawberry Dust/Ancient Grease assailli par une horde de fans |
Lorsque lors d'un concert commun avec Eyes of Blue, John Weathers vit pour la première fois sur scène cet énergique quatuor gallois, il fut séduit par leur potentiel à jouer une musique forte, limite brutale, et leur puissance sonore. Impressionné, il fit le déplacement pour les revoir au plus vite, et leur proposa ses services pour enregistrer une démo. Le combo s'empressa d'accepter et dès l'objet réalisé, Weathers le fit écouter à son producteur, Lou Reizner, qui l'apprécia. Tout deux, Weathers et Reizner, purent faire en sorte que Strawberry Dust signe avec leur label, Mercury. Les gallois partirent donc pour Londres (ce fut une première) pour enregistrer leur premier disque. Malheureusement, ne s'étant jusque là contenté que de reprises, ils n'avaient pas de matériel suffisant pour réaliser un 33 tours dans les temps impartis (par faute d'un planning complet, le seul créneau horaire libre du studio désigné fut de minuit à six heures du matin).
Aubaine
: John Weathers avait sous le coude quelques compositions qui, de
prime abord, n'auraient pas convenu au répertoire progressif
de Eyes of Blues. Afin de compléter l'œuvre prestement (soit
avant que le budget alloué au studio ne soit bouclé),
Weathers dut appeler des amis à la rescousse. Soit, Greg
Curran qui signa « Prelude to a Blind Man », et
deux membres de Eyes of Blues, Phil Ryan pour « When the
Snow Lies Forever » et Pickford-Hopkins en co-auteur de
« Odd Song ».
On
retrouve également crédité en tant que
compositeur, un certain John Stevens, qui n'est autre que Graham
Williams, le guitariste du groupe. Par manque de confiance (à tort), Graham ne
souhaitait pas que son nom apparaisse.
On
peut conclure que « Women and Children first »
est autant le fruit de John Weathers qui a produit, arrangé et
en majeure partie composé l'album, que celui de Strawberry
Dust/Ancient Grease qui a fourni son son et sa couleur propre (en
plus de la petite participation de Graham dans la composition).
Toutefois, on peut légitiment se demander si finalement, ce
disque n'est pas davantage la concrétisation d'une vision de
pièces crues et torrides auxquelles Weathers ne pouvait
auparavant donner vie. Ne serait-pas tout simplement John Weathers
qui se serait servi de ce combo gallois pour assouvir sa soif de
contrées plus rugueuses. Quoi qu'il en soit, il est certain
que Strawberry Dust, trop heureux d'avoir la possibilité
d'enregistrer à Londres, dans un studio récent, ne
trouva rien à y redire.
John Weathers |
A sa sortie, et à la surprise des principaux intéressés, le groupe fut rebaptisé (sur la pochette du 33t) : Ancient Grease. Apparemment, cela aurait été une décision de Lou Reizner, qui n'aimait pas vraiment l'appellation « Strawberry Dust ». Reizner insista également pour être crédité en tant que co-producteur alors qu'il n'apparait qu'à une ou deux reprises lors des enregistrements, pour avaliser le travail (une histoire de royalties).
Chose
qui ne favorisa guère les ventes de ce disque car personne
n'avait jamais entendu parler de Ancient Grease. D'autant plus que de
retour au pays, les Gallois continuèrent à se produire
sous le patronyme de Strawberry Dust.
D'où
peut-être une certaine confusion que l'on peut retrouver sur
les rares écrits les concernant. Bien souvent on peut lire que
les musiciens mentionnés ne sont autres que ceux de Eyes of
Blues, sans qu'il soit fait mention de ceux de Strawberry Dust.
Cet
album qui aurait pu faire l'effet d'une bombe dévastatrice,
s'estompa donc dans la nature, noyé par le flot d'innombrables
sorties de chef d'œuvres dans l'année, et surtout en raison
d'une absence totale de promotion.
En
effet, Mercury préféra centrer ses efforts et son
attention sur le tout frais « An Old Raincoat Will Never
You down » de Rod Stewart, au potentiel marketing plus
évident, et prometteur. Dépité, Strawberry
Dust/Ancient Grease mourut prématurément.
Reste
cette galette dévoilant une machine de Hard Blues torride,
pesant et hargneux, avec quelques effluves psychées éparses
héritées des sixties, typique d'une certaine émergence
de ce style de musique en 69-70 aux USA, comme par exemple, pour les
plus connus et représentatifs, Mountain et Cactus. Moins
pesant que les groupes successifs de Leslie West, mais ça
demeure du lourd. On pourrait également mentionner Frijid
Pink, Incredible Hog, Highway Robbery, Toe Fat, Dust (1er opus),
Hackensack.
Du
Hard-Blues donc, ou encore du Heavy rock, agrémenté
d'orgue Hammond, de slides, de guitares acoustiques, ou même
d'harmonica. Comme l'énorme "Freedom Train", qui
débute l'opus. Le premier mouvement préfigure le Stoner
avec ce riff pesant, lent, crade, joué sur une guitare qui
semble accordée deux tons plus bas avec des cordes
extra-light. La basse suit le mouvement. La voix est grave et
éraillée ; elle paraît lasse, fatiguée,
vomissant presque ses premiers couplets avant de progressivement
prendre du poil de la bête jusqu'à s'époumoner.
Des traits de slides, un premier solo assassin suivi d'un Hammond
saturé venant se greffer à la guitare, un second solo
en slide, le tout sur une batterie mimant le rythme d'une locomotive
(lourde, très lourde la loco). Un véritable rouleau
compresseur. Ou encore le le titre de clôture, "Women &
children first", du même tonneau : un Hard-blues
véritablement Heavy, avec une rythmique à la wah-wah
lourde et syncopée, une basse en avant avec des licks typés
« Félix Pappalardi », un harmonica comme
en jouera plus tard Steven Tyler, l'orgue Hammond en appui se lâche
dans solo furieux, et le chanteur éructe littéralement.
Entre
ces brûlots de Hard-blues, quelques ballades s'immiscent comme
un baume pour apaiser les esgourdes malmenées par les coups de
butoirs successifs.
« Odd
Song », et "When the Snow Lies forever" sont
deux superbes ballades (dont une qui se mue tout de même en
Heavy rock) dans un style proche de Rod Stewart (tiens justement),
avec un piano, qui, s'il n'a évidemment pas la sensibilité
d'un Glenn Gould, n'en fait pas moins preuve d'un touché qui
est souvent absent chez la plupart des pianistes rocks en général.
Petit
intermède également avec le folk-rock « Time
to Die », bien dans la mouvance de groupes dits Heavy
lorsqu'ils sortent leurs sèches (Uriah-Heep, Led Zep,
Humble-Pie).
Le bonus offre une prise alternative, allégée (moins lourde donc), voire commerciale de "Freedom train", plus canalisée, par moments à peine reconnaissable, mais toujours de qualité.
Le bonus offre une prise alternative, allégée (moins lourde donc), voire commerciale de "Freedom train", plus canalisée, par moments à peine reconnaissable, mais toujours de qualité.
En
1971, John « Pugwash » Weathers formera, avec
les anciens membres de « Eyes of Blue », Big
Sleep et réalisera aussi un unique et superbe album, intitulé
"Bluebell Wood", pour un rock progressif vraiment personnel
et de grande qualité. On y retrouvera « Odd
Song » dans une version plus rock, qui pour le coup, à
l'inverse de la présente version, représentera le titre
le plus enlevé.
La
même année, Graham Williams et Gary Pickford-Hopkins
rejoignent l'ex Jethro-Tull Glenn Cornick pour la première mouture de Wild
Turkey.
Weathers
rejoignit le Piblokto! de Pete Brown avant Gentle Giant. En 2006, il
intégra la nouvelle formation de Wild Turkey, avec également
Graham Williams et Gary Pickford-Hopkins.
En
1973, les Graham, Mortimer et Williams, forment Racing Cars. Un
groupe Pop qui obtint un hit en 1977. Leur premier opus eut un
certain succès au Royaume-Uni. Nous sommes bien loin du son
lourd et graveleux de « Women and Children First ».
Même la voix de Morty s'est radoucie.
Plus
tard, Graham Mortimer officia dans les chœurs de Tina Turner, Bryan
Adams et les Beach-Boys.
Graham Mortimer (Morty) : Chant
Graham Williams : Guitare
Jack Bass : Basse
Dick Ferndale : Batterie
- Freedom Train (Weathers) - 4:05
- Don't Want (Weathers / Stevens) - 5:08
- Odd Song (Pickford-Hopkins / Weathers) - 5:45
- Eagle Song (Weathers) - 5:01
- Where The Snow Lies Forever (Ryan) - 5:12
- Mother Grease the Cat (Stevens) - 5:16
- Time to Die (Stevens / Weathers) - 4:07
- Prelude to A Blind Man (Curran) - 5:06
- Mystic Mountain (Weathers) - 3:34
- Women and Children First (Weathers) - 6:39
- Bonus tracks : Freedom Train (alternative version) - 3:28
Désigné comme un Must dans l'encyclopédie de Denis Protat.
Deux titres, deux facettes.
UNDERRATED BAND...
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