En voilà
une bonne surprise : un enregistrement en public d'un concert
réunissant Neal Black, Nico Wayne Toussaint et Fred Chapelier.
Trois lascars dévoués à la musique bleue réunis
pour quelques soirées de fêtes. On s'attend à une
très bonne prestation et on n'est guère déçu,
bien au contraire ; bien souvent on frôle même une
immaculée excellence.
Neal Black,
guitariste-chanteur né à San-Antonio, fit un temps
parti de la scène Blues de New-York avant de repartir pour son
Texas natal. Auteur d'un blues-rock rugueux, et chantant d'une voix
qui ne l'est pas moins, il n'hésite pas à faire des
incartades en milieu Heavy, ce qui ne l'empêche guère
d'empoigner un dobro pour se plonger dans le country-blues. On lui
affubla le surnom de « The Master of High Voltage Texas
Boogie ». Après quelques déboires avec la
justice Texane, il part pour le Mexique. Depuis 2004, il réside
dans le sud de la France.
Lien sur son dernier disque : Sometimes the Truth (2011)
Nico Wayne
Toussaint, né en 1973 à Toulon, harmoniciste-chanteur,
après avoir débuté sa carrière avec son
père au piano, il forme Nico & Friends pour se consacrer à
sa vision du Blues. Premier disque en son nom propre en 1998, My
Kind of Blues, salué par la critique. On compare alors son jeu
à celui de James Cotton, Rod Piazza, Kim Wilson ou Paul Lamb.
Fred Chappelier,
né à Metz le 4 juin 1966 : d'abord batteur (grand fan
de Ian Paice), il s'adonnera à la six-cordes à partir
de 1981. 1er groupe dédié au Blues en 1991 avec
Kashmir, puis Men in Blues, et enfin en 2002 le « Fred
Chappelier Blues Band » (des cendres de Blues Driver).
Parallèlement, il accompagne divers artistes (dont Jacques
Dutronc en 2010). En 2004 il fut désigné comme Révélation Blues et Meilleur guitariste de l'année.
Lien sur son dernier disque : Live On Stage (Night Work Tour) - 2010
En aparté, notons que les trois disques signalés par les liens ci-dessus avaient enthousiasmés l'ami Rockin'.
Trois gars au
parcours conséquent qui ont eu le temps de peaufiner leur art.
L'entente est on
ne peut plus cordiale. Loin de se tirer la bourre, ou d'essayer de
tirer la couverture à eux, on a vraiment l'impression
d'écouter la prestation d'un groupe soudé, rodé
par les tournées effectuées ensemble. Il n'est pas
question ici d'une réunion où la majorité des
pièces n'est qu'un support pour des soli démonstratifs
grevant irrémédiablement la cohésion. Aucun des
musiciens n'a un ego encombrant, poussant son ampli et écrasant
par son volume sonore la section rythmique et ses collègues.
Tous restent au service de la musique. Il faut préciser que
ces gaillards ont maintes fois joué en ensemble en diverses
occasions. Neal a rencontré Nico en 2004 (pour l'album « Blues
Conspiracy »), quant à la paire de gratteux il y a
un réel respect mutuel (ils se sont parfois désignés
comme « frères guitaristes »). Neal
considère d'ailleurs Fred comme l'un des meilleurs guitaristes
avec qui il ait joué (et en 25 ans de carrière, Neal a
pu offrir ses services à Jimmy Dawkins, Lucky Peterson, Van
Wilks, Chuck Berry, Johnnie Johnson, etc...).
Le duo
basse-batterie est également constitué de techniciens
confirmés, puisque l'on retrouve Vincent Daune aux fûts
qui a accompagné Luther Allison, Big Dez (sur « Sail
on Blues ») et Popa Chubby (actuellement avec Neal) et
Christophe Garreau qui a joué, entre autres, pour Paul
Personne, Frank Goldwasser, Steve Verbeke, Kenny Wayne, J.P.Kalfon.
Jamais une note
de trop, jamais l'un couvrant l'autre, jamais un faux départ
ou un cafouillage quelconque, même minime. Attention, cela ne
sonne aucunement clinique ou rigide. C'est du bon, du très bon
Blues-rock. On est en première division.
Fred & Neal
ont cette faculté de savoir s'adapter au jeu de leurs
comparses sans renier leur personnalité. Ainsi, dans le plus grand respect, aidés aussi certainement par une culture musicale
présentant des similitudes, ils s'enrichissent mutuellement.
Neal possède un son un peu plus rugueux, voire fruste, il est
la facette la plus rock. Alors que Fred privilégie le son
Fender plein, à peine crunchy (Fender Telecaster). Toutefois,
comme deux filous, ils savent brouiller les cartes, et ainsi, quelque
fois, il est bien difficile de savoir qui joue quoi. Et Nico Wayne ?
Dire qu'il est le ciment serait absurde tant les deux gratteux sont
déjà à la colle. Sorte de « Monsieur
Plus » de luxe, Il sait non seulement apporter des nuances
enrichissantes, mais également embellir des propos déjà
de haute volée à la base. Son harmonica n'est jamais
pris en défaut. Toujours le ton juste : ni timide, ni
bravache, ni anémié, ni bavard. Sa versatilité
et sa technique infaillible lui permettant d'être toujours en
adéquation, quelque soit le genre abordé ici, se parant
à l'occasion, et avec aisance, du tempérament d'un
grand nom de l'instrument. Comme sur le Boogie-rock, où le
fantôme de Bob Hite fait une apparition sur une mesure,
malheureusement un trop court instant.
Même
l'agencement de la set-list est au top, sachant mettre la pression au
moment opportun et la faire redescendre avant surchauffe, évitant
d'exténuer le public. Le blues-rock prédomine et se
pare de diverses facettes en s'épiçant de funk et de
boogie.
Funk-blues appuyé
avec un « Ain't No Breed » co- écrit
(pour l'occasion ?) par Black et Toussaint. Pur Boogie-rock avec le
« Handful of Rain » de Neal, puis avec
l'instrumental de Toussaint « Boogie-Ing at L'Orange
Bleue » où il fait fondre d'un souffle torride et
continu les lamelles de son instrument.
Parfois même
un peu de Soul et un soupçon de Gospel viennent s'immiscer (le
traditionnel « I'll Fly Away », réarrangé
par Neal). Country-blues aussi avec le « Fish Drip Jones »
de Neal Black, où Mike Latrell (1) s'empare de la mandoline.
La balance penche assez souvent vers le Rock, tout en gardant ses
distances avec des sonorités Heavy (chose que Neal Black aime
pourtant bien aborder). On reste dans un idiome franchement Blues
(même si certains trouveront, toujours et encore, à
redire).
Instrumentaux
avec « Daily Bread », la reprise de Johnny
Copeland, en ouverture, avec au final une joute de chorus entre Neal
et Fred (histoire de mettre rapidement le feu).
Avec, « Blues
for Roy », un sublime et poignant hommage à
l'immense Roy Buchanan . On côtoie là les grands
instrumentaux (je ne parle pas des exercices de styles s'apparentant
à des concours de vitesse). Tout y est joué avec
justesse, finesse et feeling. Le délicieux break joué à
l'orgue Hammond par Mike Lattrell (1) (dont le premier mouvement
évoque le Jon Lord de Mark I) apporte une dimension plus
nostalgique, et force Fred à prendre un nouvel envol qui le
place aussitôt en orbite, avant de redescendre lors du coda
pour se positionner en apesanteur dans les nuages cotonneux d'une
journée de printemps, à la recherche de son mentor,
Roy.
Instrumentaux
encore avec « Fish Drip Jones » en mode
Country-Blues en dérapage contrôlé (le péché
mignon de Neal depuis son second opus, « Blues Power »)
et, « Rodney's Song » de Roy Buchanan.
Tout est chanté
en anglais (par rapport à Neal ?), à l'exclusion du
titre de Chappelier : « Le Blues » qui règle
ses comptes avec les gardiens du Temple qui ne tolèrent que
les musiciens afro-américains, jugeant automatiquement les
autres comme de pâles copieurs et usurpateurs.
Plusieurs
branches de la musique bleue (version rock) se succèdent, dans
un habile agencement qui permet de maintenir l'attention de
l'auditoire. C'est indéniable, tous les membres du B.T.C. Blues Revue sont ici dans leur élément ; la scène est leur seconde nature (comme des poissons dans l'eau). Ce qui n'est guère le cas d'une forte proportion des formations plus ou moins récentes, dont une bonne partie bien médiatisée.
Un bémol
vis-à-vis de « Wella Wella Baby La »,
car lorsque l'on connait l'inégalable version de Snooks
Eaglin', il est inévitable de faire la comparaison.
A mon sens, un
des meilleurs enregistrements publics réalisé par des
artistes français.
En bonus, un
disque studio offrant six titres co-écrits par les
belligérants. Du bon et sérieux matériel, même
si on reste un degré ou deux en-dessous du live. En fait,
malgré une qualité croissante des titres à
partir du Country-blues façon Neal Black (« Sunrise
in Prison », apparemment autobiographique) il manque un
peu du piment et de la chaleur du concert.
Là encore,
la présence d'un gros instrumental où on pourrait
croire que Danny Gatton est revenu pour un solo nerveux, entre jazz
et country.
- Daly Bread - 5:27 (Johnny Copeland)
- Ain't No Breed - 4:55 (Toussaint/Toussaint - Black)
- Handful of Rain - 4:37 (Black)
- I'll Fly Away - 5:26 (Trad.arr. Black)
- Le Blues - 5:05 (Chapellier)
- Blues for Roy - 8:39 (Chapellier)
- I Was Wrong - 5:42 (Toussaint)
- Fish Drip Jones - 4:40 (Black)
- How I Got to Memphis - 5:14 (Price - Chapellier)
- Smart Money - 4:09 ( Price - Chapellier)
- Wellla Wella Baby La - 4:03 (Culp Napoleon Brown)
- Rodney's Song - 5:01 (Roy Buchanan)
- Turning Point - 4:44 (Tyrone Davis)
Bonus Studio (CD 2)
- Blues Follow You Home - 4:28 (Black)
- Can't Sleep At Night - 4:21 (Toussaint / Black)
- Saint on the Highway - 4:19 (Chapellier / Black)
- Sunrise in Prison - 3:32 (Black)
- Rock & Roll Woman - 3:22 ( Toussaint / Black)
- Memphis Connection Part 1 - 3:04 (Chapellier)
(1) Mike Lattrell s'est fait un nom en accompagnant
Popa Chubby (dès « One Million Broken Guitars »
et les potes du New-Yorkais, dont Arthur Neilson, Mason Casey, Matt
Smith et Big Ed Sullivan. On le retrouve aussi sur les disques de Rab
McCullough, Les Marvellous Pig Noise, Jeff Zima, Dave Gross, le
dernier Neal Black & The Healers, Gunshot, et quelques autres. Il
a aussi accompagné en tourné Bill Perry, Jimmy Tackery,
Buddy Miles, Debbie Davis, Todd Wolfe, Richie Havens, Hubert Sumlin.
Né aux USA, il a vécu une dizaine d'année à
New-York avant de venir s'installer en 2002 dans le sud de la France.
En plus des claviers (orgue Hammond et piano), Mike peut jouer de la
guitare, du trombone, du tuba et de la mandoline.
(2) Neal Black joue et est endossé par les
guitares Lâg. Des guitares françaises dont le siège
social est situé à Bédarieux (Hérault) a
sut séduire des artistes étrangers (dont Dweezil Zappa,
Chris George, Phil Campbell, Keziah Jones, Richie Kotzen, Gus G.).
Parmis ses Lâg, il a un modèle signature : « Neal
Black 13 ».
L'un des deux fondateurs se nomme Michel Chavarria ; il
faisait auparavant parti du groupe de rock-progressif, Madrigal.
Neal joue également, à l'occasion (en fait
il choisirait ses guitares du soir suivant l'acoustique de la salle),
sur Gibson flying V, et sur Fender Telecaster.
Lien pour en connaître un petit peu plus sur : Roy Buchanan "That's What I'm Here For"
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