mercredi 27 juin 2012

B.T.C. Blues Revue "Live and more" - 2012 - (by Bibi)


     En voilà une bonne surprise : un enregistrement en public d'un concert réunissant Neal Black, Nico Wayne Toussaint et Fred Chapelier. Trois lascars dévoués à la musique bleue réunis pour quelques soirées de fêtes. On s'attend à une très bonne prestation et on n'est guère déçu, bien au contraire ; bien souvent on frôle même une immaculée excellence.

     Neal Black, guitariste-chanteur né à San-Antonio, fit un temps parti de la scène Blues de New-York avant de repartir pour son Texas natal. Auteur d'un blues-rock rugueux, et chantant d'une voix qui ne l'est pas moins, il n'hésite pas à faire des incartades en milieu Heavy, ce qui ne l'empêche guère d'empoigner un dobro pour se plonger dans le country-blues. On lui affubla le surnom de « The Master of High Voltage Texas Boogie ». Après quelques déboires avec la justice Texane, il part pour le Mexique. Depuis 2004, il réside dans le sud de la France.
Lien sur son dernier disque Sometimes the Truth (2011)


     Nico Wayne Toussaint, né en 1973 à Toulon, harmoniciste-chanteur, après avoir débuté sa carrière avec son père au piano, il forme Nico & Friends pour se consacrer à sa vision du Blues. Premier disque en son nom propre en 1998, My Kind of Blues, salué par la critique. On compare alors son jeu à celui de James Cotton, Rod Piazza, Kim Wilson ou Paul Lamb.
Lien sur son dernier disqueLonely Number (2011)


     Fred Chappelier, né à Metz le 4 juin 1966 : d'abord batteur (grand fan de Ian Paice), il s'adonnera à la six-cordes à partir de 1981. 1er groupe dédié au Blues en 1991 avec Kashmir, puis Men in Blues, et enfin en 2002 le « Fred Chappelier Blues Band » (des cendres de Blues Driver). Parallèlement, il accompagne divers artistes (dont Jacques Dutronc en 2010). En 2004 il fut désigné comme Révélation Blues et Meilleur guitariste de l'année.
Lien sur son dernier disqueLive On Stage (Night Work Tour) - 2010


En aparté, notons que les trois disques signalés par les liens ci-dessus avaient enthousiasmés l'ami Rockin'.

     Trois gars au parcours conséquent qui ont eu le temps de peaufiner leur art.
L'entente est on ne peut plus cordiale. Loin de se tirer la bourre, ou d'essayer de tirer la couverture à eux, on a vraiment l'impression d'écouter la prestation d'un groupe soudé, rodé par les tournées effectuées ensemble. Il n'est pas question ici d'une réunion où la majorité des pièces n'est qu'un support pour des soli démonstratifs grevant irrémédiablement la cohésion. Aucun des musiciens n'a un ego encombrant, poussant son ampli et écrasant par son volume sonore la section rythmique et ses collègues. Tous restent au service de la musique. Il faut préciser que ces gaillards ont maintes fois joué en ensemble en diverses occasions. Neal a rencontré Nico en 2004 (pour l'album « Blues Conspiracy »), quant à la paire de gratteux il y a un réel respect mutuel (ils se sont parfois désignés comme « frères guitaristes »). Neal considère d'ailleurs Fred comme l'un des meilleurs guitaristes avec qui il ait joué (et en 25 ans de carrière, Neal a pu offrir ses services à Jimmy Dawkins, Lucky Peterson, Van Wilks, Chuck Berry, Johnnie Johnson, etc...).
Le duo basse-batterie est également constitué de techniciens confirmés, puisque l'on retrouve Vincent Daune aux fûts qui a accompagné Luther Allison, Big Dez (sur « Sail on Blues ») et Popa Chubby (actuellement avec Neal) et Christophe Garreau qui a joué, entre autres, pour Paul Personne, Frank Goldwasser, Steve Verbeke, Kenny Wayne, J.P.Kalfon.
Jamais une note de trop, jamais l'un couvrant l'autre, jamais un faux départ ou un cafouillage quelconque, même minime. Attention, cela ne sonne aucunement clinique ou rigide. C'est du bon, du très bon Blues-rock. On est en première division.


     Fred & Neal ont cette faculté de savoir s'adapter au jeu de leurs comparses sans renier leur personnalité. Ainsi, dans le plus grand respect, aidés aussi certainement par une culture musicale présentant des similitudes, ils s'enrichissent mutuellement. Neal possède un son un peu plus rugueux, voire fruste, il est la facette la plus rock. Alors que Fred privilégie le son Fender plein, à peine crunchy (Fender Telecaster). Toutefois, comme deux filous, ils savent brouiller les cartes, et ainsi, quelque fois, il est bien difficile de savoir qui joue quoi. Et Nico Wayne ? Dire qu'il est le ciment serait absurde tant les deux gratteux sont déjà à la colle. Sorte de « Monsieur Plus » de luxe, Il sait non seulement apporter des nuances enrichissantes, mais également embellir des propos déjà de haute volée à la base. Son harmonica n'est jamais pris en défaut. Toujours le ton juste : ni timide, ni bravache, ni anémié, ni bavard. Sa versatilité et sa technique infaillible lui permettant d'être toujours en adéquation, quelque soit le genre abordé ici, se parant à l'occasion, et avec aisance, du tempérament d'un grand nom de l'instrument. Comme sur le Boogie-rock, où le fantôme de Bob Hite fait une apparition sur une mesure, malheureusement un trop court instant.

     Même l'agencement de la set-list est au top, sachant mettre la pression au moment opportun et la faire redescendre avant surchauffe, évitant d'exténuer le public. Le blues-rock prédomine et se pare de diverses facettes en s'épiçant de funk et de boogie.
Funk-blues appuyé avec un « Ain't No Breed » co- écrit (pour l'occasion ?) par Black et Toussaint. Pur Boogie-rock avec le « Handful of Rain » de Neal, puis avec l'instrumental de Toussaint « Boogie-Ing at L'Orange Bleue » où il fait fondre d'un souffle torride et continu les lamelles de son instrument.
Parfois même un peu de Soul et un soupçon de Gospel viennent s'immiscer (le traditionnel « I'll Fly Away », réarrangé par Neal). Country-blues aussi avec le « Fish Drip Jones » de Neal Black, où Mike Latrell (1) s'empare de la mandoline. La balance penche assez souvent vers le Rock, tout en gardant ses distances avec des sonorités Heavy (chose que Neal Black aime pourtant bien aborder). On reste dans un idiome franchement Blues (même si certains trouveront, toujours et encore, à redire).
Instrumentaux avec « Daily Bread », la reprise de Johnny Copeland, en ouverture, avec au final une joute de chorus entre Neal et Fred (histoire de mettre rapidement le feu).
Avec, « Blues for Roy », un sublime et poignant hommage à l'immense Roy Buchanan . On côtoie là les grands instrumentaux (je ne parle pas des exercices de styles s'apparentant à des concours de vitesse). Tout y est joué avec justesse, finesse et feeling. Le délicieux break joué à l'orgue Hammond par Mike Lattrell (1) (dont le premier mouvement évoque le Jon Lord de Mark I) apporte une dimension plus nostalgique, et force Fred à prendre un nouvel envol qui le place aussitôt en orbite, avant de redescendre lors du coda pour se positionner en apesanteur dans les nuages cotonneux d'une journée de printemps, à la recherche de son mentor, Roy.


Instrumentaux encore avec « Fish Drip Jones » en mode Country-Blues en dérapage contrôlé (le péché mignon de Neal depuis son second opus, « Blues Power ») et, « Rodney's Song » de Roy Buchanan.

Tout est chanté en anglais (par rapport à Neal ?), à l'exclusion du titre de Chappelier : « Le Blues » qui règle ses comptes avec les gardiens du Temple qui ne tolèrent que les musiciens afro-américains, jugeant automatiquement les autres comme de pâles copieurs et usurpateurs.

Plusieurs branches de la musique bleue (version rock) se succèdent, dans un habile agencement qui permet de maintenir l'attention de l'auditoire. C'est indéniable, tous les membres du B.T.C. Blues Revue sont ici dans leur élément ; la scène est leur seconde nature (comme des poissons dans l'eau). Ce qui n'est guère le cas d'une forte proportion des formations plus ou moins récentes, dont une bonne partie bien médiatisée.

Un bémol vis-à-vis de « Wella Wella Baby La », car lorsque l'on connait l'inégalable version de Snooks Eaglin', il est inévitable de faire la comparaison.

A mon sens, un des meilleurs enregistrements publics réalisé par des artistes français.

     En bonus, un disque studio offrant six titres co-écrits par les belligérants. Du bon et sérieux matériel, même si on reste un degré ou deux en-dessous du live. En fait, malgré une qualité croissante des titres à partir du Country-blues façon Neal Black (« Sunrise in Prison », apparemment autobiographique) il manque un peu du piment et de la chaleur du concert.
Là encore, la présence d'un gros instrumental où on pourrait croire que Danny Gatton est revenu pour un solo nerveux, entre jazz et country.
  1. Daly Bread - 5:27 (Johnny Copeland)
  2. Ain't No Breed - 4:55 (Toussaint/Toussaint - Black)
  3. Handful of Rain - 4:37 (Black)
  4. I'll Fly Away - 5:26 (Trad.arr. Black)
  5. Le Blues - 5:05 (Chapellier)
  6. Blues for Roy - 8:39 (Chapellier)
  7. I Was Wrong - 5:42 (Toussaint)
  8. Fish Drip Jones - 4:40 (Black)
  9. How I Got to Memphis - 5:14 (Price - Chapellier)
  10. Smart Money - 4:09 ( Price - Chapellier)
  11. Wellla Wella Baby La - 4:03 (Culp Napoleon Brown)
  12. Rodney's Song - 5:01 (Roy Buchanan)
  13. Turning Point - 4:44 (Tyrone Davis)
Bonus Studio (CD 2)
  1. Blues Follow You Home - 4:28 (Black)
  2. Can't Sleep At Night - 4:21 (Toussaint / Black)
  3. Saint on the Highway - 4:19 (Chapellier / Black)
  4. Sunrise in Prison - 3:32 (Black)
  5. Rock & Roll Woman - 3:22 ( Toussaint / Black)
  6. Memphis Connection Part 1 - 3:04  (Chapellier)


(1) Mike Lattrell s'est fait un nom en accompagnant Popa Chubby (dès « One Million Broken Guitars  » et les potes du New-Yorkais, dont Arthur Neilson, Mason Casey, Matt Smith et Big Ed Sullivan. On le retrouve aussi sur les disques de Rab McCullough, Les Marvellous Pig Noise, Jeff Zima, Dave Gross, le dernier Neal Black & The Healers, Gunshot, et quelques autres. Il a aussi accompagné en tourné Bill Perry, Jimmy Tackery, Buddy Miles, Debbie Davis, Todd Wolfe, Richie Havens, Hubert Sumlin. Né aux USA, il a vécu une dizaine d'année à New-York avant de venir s'installer en 2002 dans le sud de la France. En plus des claviers (orgue Hammond et piano), Mike peut jouer de la guitare, du trombone, du tuba et de la mandoline.

(2) Neal Black joue et est endossé par les guitares Lâg. Des guitares françaises dont le siège social est situé à Bédarieux (Hérault) a sut séduire des artistes étrangers (dont Dweezil Zappa, Chris George, Phil Campbell, Keziah Jones, Richie Kotzen, Gus G.). Parmis ses Lâg, il a un modèle signature : « Neal Black 13 ».
L'un des deux fondateurs se nomme Michel Chavarria ; il faisait auparavant parti du groupe de rock-progressif, Madrigal.
Neal joue également, à l'occasion (en fait il choisirait ses guitares du soir suivant l'acoustique de la salle), sur Gibson flying V, et sur Fender Telecaster.




Lien pour en connaître un petit peu plus sur : Roy Buchanan "That's What I'm Here For"

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