mercredi 18 janvier 2012

HOWLIN' WOLF "The Real Folk Blues" (by Wolfy-Bibi "HaoOOouuu...")



     Comment aborder cet immense et essentiel musicien de Blues ? Une fois n'est pas coutume, mais, ce 1er « Best Of », de 1966 (!), fait amplement l'affaire pour découvrir le maître. Un raccourci intense. Cerise sur le gâteau, la remasterisation est très bonne ; autant que faire se peut avec des bandes de cet âge là. 

     Sans aller chercher plus loin, « The Real Folk Blues », regroupe déjà la plupart des classiques du Wolf, et du Blues au sens large. Des classiques qui seront repris, pillés ou plagiés par un nombre incroyable d'artistes issus de la scène Blues ou Rock. Certains, et non des moindres, en feront même leur beurre.
Un artiste incontournable du patrimoine Blues.


     Howlin' Wolf
, né Chester Arthur Burnett le 10 juin 1910 dans le Delta (plus exactement à West-Point, Mississippi), guitariste, harmoniciste et chanteur, beau-frère de Sonny Boy (Rice Miller) Williamson  auprès duquel il apprendra l'harmonica, débutera réellement sa carrière après la guerre, à Memphis, en parallèle avec un poste de Dj (pour la KWEM). Déjà à cette époque, les instruments de son groupe sont sur-électrifiés, presque saturés. La puissance de sa voix éraillée et des instruments, son jeu de scène, ses hurlements de loup (d'où son surnom), lui valent un certain succès, confirmé par ses 1er enregistrements ("Moaning at midnight" et "How Many More Years"), gravés aux Studios Sun par Sam Phillips en personne. C'est cru, rustique, tribal, "près-de-l'os", sans aucune fioriture, assez primitif, à mi-chemin entre ce qu'avait produit de plus brut et viscéral le Delta (
Charley PATTON (lien) lui enseigna les fondements de la guitare Blues) (1) et Memphis des années 30 aux 50. 

     Courant 1953, il émigre à Chicago, et en en mai 54, embauche le talentueux et "jeune" (né le 16 novembre 1931) Hubert Sumlin, qui enrichira considérablement sa musique. En effet, Sumlin' est, à n'en pas douter, un des meilleurs et surtout un des plus inventifs guitaristes de Blues de l'époque. Il apporte, outre une réelle cohésion, une originalité et une inventivité (qui pouvaient faire défaut sur les 1ers enregistrements). Un jeune gaucher portant le nom de Johnny Allen Hendrix clamera son influence et son admiration ; cependant je pense que l'on devrait rajouter les noms de Jimmy Page, d'Eric Clapton, ainsi que la majorité des apprentis gratteux de la scène londonienne de 66-68. On occulte souvent l'immense apport d'Hubert au Chicago-Blues. 
D'ailleurs, Matt "Guitar" Murphy, dans un interview où il évoquait ses sessions pour le Wolf, confirmait que la guitare de ce dernier n'était pas toujours dans le temps. Pourtant, le génie était bien présent, mais à l'état brut. Il avait juste besoin d'un maître-artisan, un censeur de la mesure pour canaliser ce débordement d'énergie (2).

      A partir de là, le Blues bestial de Chester, imprégné de tradition sudiste, profite et se nourrit de l'ambiance électrique et débridée de la Windy City, et développe ainsi sa musique en l'allégeant quelque peu (même si ça reste du costaud) ; en faisant le pont entre son Delta natal et le Chicago-blues naissant ; notamment grâce à Chess, et surtout à Hubert Sumlin
Ce  guitariste, tout en restant dans une certaine tradition du Chicago-blues, et en respectant les racines de Burnett, a su incorporer des plans et des licks novateurs, qui enflamment une grande partie de la future scène du British-blues. Sa technicité, et sa relative polyvalence, son imagination fertile, insufflent au Blues rugueux du Wolf une vitalité, une force et une assise, qui placeront désormais à jamais la quasi totalité des chansons de ce dernier sur un piédestal réservé aux plus grands bluesmen de l'histoire de la musique. 

     Malheureusement, on peut subodorer que le physique imposant (près d'un mètre 90, et avoisinant les 120 kilos) ainsi qu'un égo 
certain du Wolf, ont dû refreiner sur scène les élans potentiels du timide Hubert. Qui n'a d'ailleurs pas toujours été tendre (mais réaliste ?) envers les attitudes de son ancien employeur. Toutefois, malgré son indéniable talent de compositeur et de guitariste, Hubert ne réussit jamais à convaincre lors de ses entreprises solos. Principalement, parce qu'il était un piètre chanteur. Ses meilleurs disques sont ceux où il chantent le moins (3).
   A cela, il convient de rajouter que Willie Dixon composa aussi quelques fameux succès (dont Tail Dragger, Three hundred pounds of Joy, et Built for Comfort, ici présents), qui contribuèrent à placer désormais Howlin' Wolf sur une orbite de popularité difficilement atteignable par ses confrères Bluesmen.
   On retrouve aussi avec plaisir, même s'ils restent discrets, l'ensemble des musiciens de l'écurie Chess qui regroupe alors des musiciens tels que Buddy Guy (à la guitare et à la basse sur les séances d'août 1963 - soit, sur cette compilation, sur "300 pounds of Joy" et "Built for Comfort"), Fred Below, Willie Dixon (évidemment), Lafayette Leake, Smokey Smothers et Otis Spann

A savoir qu'en 1960, on fit même appel aux services de l'immense Freddie King
Rien que du beau monde.

     Actuellement, la réédition sous format CD, est couplée avec « More Real Folks Blues », une seconde compilation de 1967 qui ne soutient pas la comparaison (avec son prédécesseur). Peut être parce qu'il comporte une majorité de compositions (8 sur 12) d'avant l'incorporation d'Hubert Sumlin ; elles sont toujours de qualité, mais il manque la patte du magicien qui était capable de transformer un Blues sombre et champêtre en une pièce joviale, dansante, entraînante; capable de métamorphoser un bon Blues rugueux et viscéral en une pièce intemporelle. La différence est notable, bien que les crédits ne mentionnent pourtant toujours que deux noms : Chester Burnett principalement, et Willie Dixon.


     Le style du Wolf peut paraître parfois caricaturale, ou forcé, pour des néophytes habitués au Blues rigoureusement structuré et policé du XXIème siècle, notamment en raison de sa grosse voix de Cro-Magnon enroué (référence hasardeuse, car rien ne prouve que ces derniers avaient un timbre plus porté vers Roger Carel) et sa guitare reléguant les commandos de Garage-Rock de l'époque à de sages formations Pops. Or, il n'en était rien. Le Wolf ne trichait pas. La preuve, vers la fin de sa carrière, son épouse et sa fille, avaient supplié qu'il se retire dans la cave pour jouer sa "musique de sauvage" (ou un truc du même genre).
Chester Burnett, suite à une insuffisance cardiaque, décéda le 10 janvier 1976 sur la table d'opération. 

     A conseiller également, les deux compilations Chess  : "Genuine Article : The Best of Howlin' Wolf", et "Ain't Gonna Be Your Dog".


En hommage à ce monument du Blues, mais également à Hubert Sumlin décédé le 4 décembre 2011.


(1) Charley Patton fit partie des facteurs qui incitèrent Chester à apprendre à jouer le Blues. Il fut également une source d'inspiration pour le jeu de scène (assez théâtral). Il lui devrait aussi les thèmes de Spoonful, Saddle my Poney et de Rooster Blues.
(2) Malgré tout, Chester Burnett reprend Clapton sur l'album "The London Howlin' Wolf Sessions" lorsqu'il attaque le riff de "The Red Rooster", et lui explique comment il doit être joué. La première version interrompue par le Wolf est présente sur la réédition Deluxe.
(3) L'album "Healing Feeling" (sur Black Top) avec l'appui de Ronnie Earl et ses acolytes Texans est un bon cru. 


pour Real Folks Blues


pour More Real Folks Blues




Festival de Newport



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