LED - SNAKE ?
Loin des parades de Rock Stars blasées, cette réunion de deux monstres sacrés des 70's présentait deux illustres personnages heureux de leur collaboration. Certes, David Coverdale n'a pas la stature de Jimmy Page, il n'empêche que ce que qu'il a réalisé avec Deep-Purple MK III reste inscrit en lettres de feu au panthéon du classic-rock. Ce même David ne tarissait pas d'éloge envers Page, clamant haut et fort que son admiration du guitar-hero remontait avant son intégration au sein des Yardbirds. Etant tous deux des leaders habitués depuis des années à diriger et à imposer leurs opinions, ils appréhendaient leur travail en commun. Sur la défensive, ils craignaient que la confrontation de leur égo ne les brouille à jamais. Heureusement, d'après leurs propres paroles, la mayonnaise prit au-delà de toute espérance. En ayant pris soin de procéder par étapes, en douceur, pour apprendre à se connaître. Page, enthousiasmé par les séances, ressortit ses vieilles Les Paul, plus une nouvelle et spéciale, la TransPerformance avec laquelle il s'affichait, l'air bravache, lors des séances photos. Une Gibson LesPaul ayant adopté un système particulier qui a la particularité de changer d'accordage à l'aide d'un pontet mécanisé actionné par six boutons poussoirs (depuis, le système a été perfectionné et décliné pour des électro-acoustiques, Stratocaster et Telecaster).
« J'attends vraiment le meilleur de Jimmy, comme si les notes allaient venir de Dieu, car personne n'est aussi céleste que lui » - dixit David
« Avec David, je peux proposer une ébauche, une idée vague, et il comprend de suite ce que j'attends de lui. Travailler avec David m'a vraiment inspiré» dixit Jimmy. L'entente était cordiale, au beau fixe. Page venait de perdre son chanteur, John Miles, parti rejoindre Tina Turner, et pour continuer sur la lancée de son récent album solo « Outrider », il prospecta pour trouver un remplaçant. Or, aucun ne lui convenait jusqu'à ce qu'on lui soumette le nom de Coverdale. Ce dernier était sur la route ou en studio pratiquement non-stop depuis 73 ; de plus son dernier album et la dernière tournée étaient assez décevants, en partie dû à une inadéquation entre le style de Steve Vaï et celui de Whitesnake, sans compter une certaine usure. Il souhaitait s'arrêter, prendre du recul avec cette vie. En septembre 90, le Serpent-blanc se rangea sur une voie de garage. Page débarqua chez lui, vers le mois d'avril 91, près du Lac Tahoe (dans le Nevada et la Californie). C'est là, dans un certain secret, loin des médias, à plus de 1800 mètres d'altitude, qu'ils composèrent en toute décontraction, sans planning ni échéancier. Aucune étude de marché, planification ou concertation au préalable pour définir la musique qu'ils allaient composer. Pas question, d'après eux, de faire du Led-Snake. Le duo prit six mois pour enregistrer ses démos sur un petit magnétophone (!). Puis avec l'aide de Denny Carmassi (Montrose, Sammy Hagar, Gamma, Heart) et de Ricky Phillips (The Babys, Styx, Bad English), tout le matériel fut réenregistré. Progressivement, en prenant le temps. A noter qu'il s'agit bien d'un duo, Carmassi et Phillips n'étant là que pour apporter leur aide en suivant des directives. Ne sachant si cette collaboration allait porter ses fruits, et surtout afin d'éviter toute pression, aucune maison de disques ne fut contactée avant la finalisation des maquettes. Ce qui leur permit ainsi de composer et d'enregistrer en toute quiétude. Ainsi le duo présenta finalement un produit abouti, mais qui néanmoins fut, encore une fois, réenregistré dans divers grands studios.
On peut subodorer que les originaux devaient être plus bruts ; quelques claviers et quelques arrangements ont été parfois ajoutés in fine pour épaissir le son, ce qui hélas surcharge l'ensemble plus qu'autre chose.
Entre les balbutiements près du lac Tahoe et la sortie du disque, il a fallu près de trois années. On est bien loin des délais d'accouchements de réunions de cracks, de musiciens en vogue, ou de reformations diverses, bousculés par des impératifs commerciaux.
Une durée qui révoque toutes les critiques évoquant un gros coup médiatique.
La musique est, bien naturellement, très proche de Led Zeppelin. (Ce fut l'un des principaux reproches. Pourquoi ? Page ne devrait donc plus aborder ce qu'il a créé, ce qui le fait vibrer ?).
Notamment celui de l'album Presence. Soit le plus radical et le plus lourd. Pourtant, si l'affiliation peut être évidente, il ne s'agit ni d'une redite, ni d'un ersatz. Pas vraiment une continuité non plus, mais plutôt une évolution. La musique est d'ailleurs plus travaillée qu'il n'y paraît de prime abord. Avec d'un côté une architecture inhérente au Heavy-rock bluesy, dont Page a contribué à écrire les tables de loi, de l'autre des structures non-conventionnelles constituées d'accords complexes parfois à la limite de la dissonance ; une espèce de Heavy-psyché policé et brutal. Un terreau pour les contrepoints, breaks et ponts. Coverdale, malgré ce qui a parfois été dit et écrit, n'est pas un clone de Plant. Toutefois, il faut bien admettre, (est-ce dû à la présence de Page ? à l'atmosphère des chansons ?), que plus que jamais sur cet album, l'ombre de Robert plane sur quelques titres.
Quelques mouvements préfigure également le "Walking into Clarksdale" de Page & Plant.
Malgré sa longue gestation, l'album n'est pas exempt de défauts. Du moins, tout n'est pas du même tonneau. Si tous les compositions sont bonnes, il y en a néanmoins une poignée qui s'extirpe aisément du lot.
Shake my Tree en ouverture, bouscule tout sur son passage. Un gimmick sautillant et fébrile s'impose. Coverdale a un timbre sourd sur les premiers couplets (avec un effet de réverse en fin de phrase), puis passe à la vitesse supérieure et s'arrache les cordes vocales. Après un court break qui aurait dû introniser le premier et tant attendu solo de Page, un harmonica chargé de réverb' vient judicieusement ponctuer cet acte de bravoure. Le titre sera encore interprété sur scène lors de la tournée Page-Plant.
Pride & Joy, du pur Led Zep entre le "III", "Presence" et "Coda", alterne entre Folk-Rock nerveux et espiègle, et Heavy-Rock. (1ère place des charts US en 93). Sur lequel Coverdale joue également de la guitare.
Easy Does It, encore un pur produit Zeppelinien (Presence again). Longue introduction en acoustique avant d'envoyer l'électricité.
Take A Look At Yourself, une jolie ballade appuyée, coincée entre une ballade bluesy en mode mineur de Jeff Healey et "All My Love" de l'album In Through The Out Door.
Don't Leave Me This Way : un arpège en blues-mineur sur lequel David pose sa voix. La section rythmique n'arrive en soutien qu'à la fin du second couplet. Un blues sombre, crépusculaire, ici plus Snake que Led. Magnifique solo de Page.
Le final avec Whisper a Prayer For The Dying est apocalyptique. Cela démarre pourtant comme Don't Leave Me This Way avec seulement un arpège et le chant. Mais au bout d'une minute vingt, simultanément, un chœur sombre et une frappe lourde de Carmassi se manifeste. 30 secondes plus tard, le tempo s'accélère, appuyé par un riff menaçant, primaire et gras. On revient aux arpèges mais l'atmosphère reste inquiétante. Le dernier couplet renoue avec l'agressivité, Denny fracasse sa batterie et David se donne corps et âme- même sur Made In Europe (célèbre album live du Mark III) il n'avait pas chanté ( vociféré ?) avec tant de fougue et de rage. Un Must.
En aparté, Feeling Hot (le titre speed de l'opus) semble avoir été calqué sur Trans Am (version live) de Sammy Hagar, sur lequel jouait déjà Denny Carmassi (coïncidence ?).
Quatre chansons dans les charts US et deux en Angleterre... mais zéro en France. L'album se vendit très bien au Royaume-Uni et aux Etats-Unis (4ème et 5ème meilleures ventes), cependant les ventes de billets lors de la tournée américaine déclinèrent progressivement.
Cet unique album éponyme a été synonyme d'un retour en force pour les deux lascars. Il a enterré les égarements de The Firm et le médiocre Slip of The Tongue. Dans une moindre mesure, « Outrider ». C'est l'album qui permit à Page de refaire surface, de renouer avec le succès. Certains avanceront que ce fut un tremplin pour permettre à Page et Plant de travailler à nouveau ensemble.
A ce jour, ce disque demeure la réalisation la plus Heavy de Sir James Patrick Page.
Bien entendu, on colporta la rumeur comme quoi Robert Plant n'appréciait guère Coverdale, lui reprochant de le copier. Page démentit, mais quid de Plant ?
Ces critiques récurrentes et mesquines finirent par atteindre le moral de Coverdale qui jeta l'éponge, et partit reformer son Whitesnake.
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Plus tard, Jimmy, après le retour de son vieil acolyte Robert, recommença les collaborations de luxe. Cette fois-ci avec les Black Crowes pour une série de concerts, dont l'un fut gravé : Live At The Greek. (<- lien/clic)
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Bonus Tracks : two songs unreleased !!
Voilà ce qui s'appel "se faire coiffer au poteau" Bruno. Ma chronique était dans les starting blocs". Pas grave ! Bien au contraire.
RépondreSupprimerVoilà sans doute le dernier vrai beau et bon disque de David Coverdale. Tout, j'aime absolument tout sur cet album. Quel dommage que cette collaboration ait été aussi brève. Presque tuée dans l'oeuf pourrait-on dire.
Pour moi c'est 5/6 sans hésitation. Radin va !
Vince.
Ha ? Vraiment désolé, Vince.
RépondreSupprimerDernier bon disque de Coverdale ? Hum... mouais, de ce niveau, c'est fort possible. Toutefois, j'aime bien son dernier (ha ! ha ! ...).
Pour la note j'ai longtemps hésité ; pas facile. Cependant, il y a quelques titres moyens, du moins en comparaison du matériel explicitement nommé ci-dessus.
... Et ce n'est pas la première fois Bruno. Bon Silvetide j'avais rien dit, normal, c'est toi qui me l'avait fait découvrir... Ce génialissime premier et unique album. Chickenfoot pareil ! Mais Coverdale, Whitesnake, normalement c'est chasse gardééée !
RépondreSupprimerMeuh nooon ! J'décooonne.
Tiens, je viens de m'apercevoir que j'ai déjà torcher le pack de 12 de Philou (en guise de dédommagement)...
Par Vulcain, j'ai soiiiif !!!