Appelez là Madame...
Voila un disque bien difficile à chroniquer, faut il le classer en blues, en jazz, en chanson française ? Oh, et puis à la réflexion on s’en fout, ces cases ne sont bonnes que pour les maniaques du rangement, ceux là même qui ont souvent du mal à accepter les mélanges et métissages.
Alors la musique de Sophie n’est pas pour eux, car si Sophie a un pied à Paname, l’autre est indiscutablement à la Nouvelle Orléans, le titre de l’album est d’ailleurs certainement un clin d’œil à cette ville, véritable laboratoire musical ou s’entrechoquent les cultures en un feu d’artifice multicolore dont les fusées seraient le vaudou, le jazz, le blues, le rythm’n’ blues, la musique cajun..
Et bien pour vous donner une idée, Sophie semble le fruit des amours improbables de Piaf et Robert Johnson sur la paillote de l’arrière salle d’un juke joint crasseux du Mississippi, accouchée par le Dr John... En effet, celle-ci revendique comme influences aussi bien les chanteuses d‘avant guerre, les Damia, Fréhel ou Berthe Sylva que les fameuses " Blues Singers " du pays de l’Oncle Sam, les Ma Rainey, Victoria Spivey. Finalement la filiation n’est pas si incongrue que cela, je ne suis pas loin de penser que quelque part Georges Brassens est notre Robert Johnson et Piaf notre Bessie Smith… Je ne parlais pas au hasard des juke joint du Mississippi puisque Sophie les connaît, ayant suivi et filmé il y a quelques années RL Burnside lui-même, pour la réalisation d’un film " Un jour avec RL Burnside " (si un éditeur me lit...) puis l’année dernière, elle a remis ça avec la nouvelle génération Cedric Burnside / Lightnin’ Malcom ("2man wrecking crew" , leur album que je ne recommanderai jamais assez )
Si les musiques de Sophie sont bluesy, le chant, la voix et les textes nous renvoient eux à Paname, dont Sophie à dû dans une vie antérieure hanter les pavés, poussant un vieil orgue de barbarie, un singe sur l’épaule et hurlant ses goualantes contre quelques sous.
Si je devais établir un rapprochement je le ferai avec la scène rock alternative, celle des Têtes Raides, Juliette ou Weepers Circus, mais là ou une Olivia Ruiz en fait des tonnes pour nous convaincre de sa sincérité, Sophie Kay fait naturellement partie de la famille.
Sur ce 3 ème album les textes sont souvent drôles ("La fièvre acheteuse" , "C’est Noël", "Tu peux m’oublier", "On m'appelle Madame") ou plutôt désabusés, le ton moqueur à la manière de celle qui a roulé sa bosse et à qui on ne la fait pas mais la tendresse n’est jamais bien loin ; sans illusions ("Mon homme", "La dèche") mais elle assume.. ("J’ai choisi différent"). La plume sait aussi se faire griffe envers les politicards ou autres Monsanto ("Attention à toi"), quant au premier titre ("J’ai chaud") il n'est pas sans évoquer les Rita Mitsouko.
Elle joue les guitares et a composé tous les arrangements, aidés par ses complices de Panam’Express , notamment Diz Watson piano, Little Victor harmo, Renaud Cans et Thibaut Chopin contrebasse, Simon Boyer et Lucky Lobillo batterie plus quelques invités comme Laura Mayne (en duo sur "Tu peux m’oublier") et Stéphane Danielidés (cuivres sur "La dèche").
J’éprouve un profond respect pour ce genre d’artistes qui loin des médias et des grandes salles se construisent leur propre univers, tirant souvent le diable par la queue, se démenant pour auto-produire leurs cd. Ceux là méritent qu’on prête une oreille attentive à leur musique et qu’on aille les voir en concert, c’est le moins que nous puissions faire..
Rockin-jl
… ou Lady Paname.
Classer le style de Sophie Kay n’est effectivement pas aisé. On y verrait plus clair si l’on voyait Mam’ Sophie en concert, sur une scène, avec davantage de hargne, d’énergie, et voir comment ses musiciens prennent leurs places autour de la chanteuse. Sur disque, les formats sont courts. A l’écoute de ce disque, je serai tenté de parler de chanson française, plus que de blues. Sans doute parce que les textes sont mis en avant (une tradition de chez nous) que Sophie travaille les sons et les mots, des textes malicieux, cocasses, drôles, ironiques. Prenez la chanson « La dèche ». Un titre à la Paul Personne… Ça sonne blues, ça, la dèche. Ca commence par « je suis dans la dèche, au bout du rouleau » vous voyez, genre « wake’up this morning, my babe is gone…» mais ça continue avec « j’étais chêne, maint’nant roseau »… L’auteur convoque La Fontaine ! C’est frenchy, ça, La Fontaine… Sophie Kay n’aurait pas dépareillé dans une cave enfumée de Saint Germain des Près, au côté de Boris Vian et de Memphis Slim. Sa musique vient d’Amérique, c’est une certitude. Et elle coule directement de la source, authentique, naturel, sans colorant. Pas comme certains arrangements de variété qui se la jouent jazz, avec contrebasse, balais sur caisse claire, et clip en noir et blanc. On sent Sophie Kay imprégnée de cette musique, et de cette double culture musicale (voir la photo de la pochette, tout y est dit). Elle avance en petite formation, acoustique, mais qui swingue bien, délicieusement rétro. Avec la voix qu'elle a (elle a du coffre, certainement) elle pourrait se frotter à un big band, mais sans doute y perdrait-elle cette proximité, que les textes font passer. Elle aurait certainement plu à Nougaro, amoureux du jazz et des mots.
Un bon album, très agréable à écouter, sans qu’il y ait pourtant un (ou plusieurs) titre qui saute aux oreilles, ou se démarque des autres.
Un bon album, très agréable à écouter, sans qu’il y ait pourtant un (ou plusieurs) titre qui saute aux oreilles, ou se démarque des autres.
http://www.myspace.com/sophiekaymusic
Entièrement d'accord. Haro sur les maniaques du rangement et ceux qui n'acceptent pas les mélanges.
RépondreSupprimerSuperbe papier, ça donne vraiment envie de l'écouter !
RépondreSupprimerOn peut acheter les titres ou l'album de Sophie Kay sur sa page myspace via le player Zimbalam :
RépondreSupprimerwww.myspace.com/sophiekaymusic
Têtes raides, Weepers circus, Juliette... oui mais tu oublies Zaz Rockin!
RépondreSupprimerquoi? quoi?