Le DEBLOCNOT’ sait être réactif. Un abondant courrier réclame des articles sur le cinéma asiatique, à tel point que les sacs postaux, que je ne pouvais tous garder de vers moi, débordent maintenant dans le bureau de monsieur Rockin’ (qui s’est octroyé le plus grand bureau sous prétexte de claustrophobie chronique…), ce même Rockin’ qui a donc du ranger une partie de ses disques de blues dans le bureau de Bruno, lequel Bruno m’a demandé de prendre dans le mien ses disques de FOGHAT. Ce que j’ai fait illico, lui cédant volontiers de la place sur mes étagères. Là dessus, Vincent me demande mon DEEP PURPLE IN ROCK, et je lui répond : mes CD sont classés dans l’ordre alphabétique, sers toi. Il cherche, ne trouve rien à la lettre D. Normal, il faut chercher à M, comme Mon groupe préféré. Il râle, et me suggère de revoir mon classement. Alors je range mon bureau, et dans cette folie ménagère, je passe par mégarde le FOGHAT LIVE de Bruno à la déchiqueteuse… Bruno doit l’avoir en double, en triple, mais tout de même, comment le convaincre que ce n’était qu’un accident ? Il ne me croira jamais… Il va falloir me faire discret dorénavant, circuler de bureaux en bureaux sans me faire remarquer. Ce qui m’amène naturellement au film dont nous allons parler…
LOCATAIRES est un film sud-coréen, écrit, réalisé et produit en 2004 par Kim Ki_Duk (photo ci contre). Un autodidacte, qui tourne énormément (un ou deux films par an), régulièrement présent dans les festivals européens, il a d’ailleurs été récompensé pour SAMARIA à Berlin, en 2004.
L’histoire est celle de Tae-Suk, un jeune type qui scotche des prospectus aux portes des maisons ou des appartements, repasse deux jours après, vérifier s’ils sont toujours là. Si oui, il en conclut que l’habitation est vide de ses locataires, et s’y installe. Il mange, se lave, dort, et en profite pour réparer une chaîne hi-fi, un jouet, laver et étendre le linge. Avant de repartir, il se prend en photo. Un jour qu’il investit une maison la croyant inoccupée, il tombe sur une jeune femme, Sun-Hwa, prostrée, victime d’un mari violent. Et voilà justement le mari possessif qui rentre…
Phrase bateau s’il en est, mais j’assume : LOCATAIRES est un de ces films que l’on n’oublie pas. Parce qu’il est beau. Parce qu'il rend paisible, heureux. Et parce que le metteur en scène prend le pari de nous raconter son histoire pratiquement sans dialogue. Le héros ne parle pas, la jeune femme non plus, ou presque. Et pourtant, entre ces deux-là passent une foule de sentiments et d’émotions. Les seuls personnages pour lesquels Kim Ki_Duk. a écrit des dialogues sont des flics pourris, et le mari violent. La narration est donc purement le fruit des images. Elles se doivent d’être simples, lisibles, limpides, et fortes. Elles sont en plus magnifiques. Elles s’attachent aux objets, un appareil photo, une balle de golf (dont l’usage détourné s’avère brutal !). C’est un film fait de rencontres, parfois burlesques : on sait par une photo de famille que les « locataires » investissent l’appartement d’un boxeur… qui surprendra ses hôtes en pleine nuit ! Ou tragiques, comme lorsque que les « locataires » trouvent un vieil homme mort chez lui, l’embaument, l’enterrent, alors que le fils de cet homme les dénoncera pour meurtre.
Il y a chez Tae-Suk le désir de fuir le carcan social, de picorer ça et là, chez les uns, chez les autres, se fondre dans la vie des autres (il participe aux taches ménagères !), d’en prendre des bribes (les souvenirs en photos). Il souhaite presque s’effacer, devenir transparent aux yeux de ces contemporains. Les scènes de prison, drôles, sont l’aboutissement du processus, qui culmine avec les dernières scènes, que je brûle de vous décrire… mais non ! La dernière image montre une balance, et quatre pieds dessus. L’aiguille reste pointée sur le zéro. Tae-Suk et Sun-Hwa sont arrivés au bout de leur démarche, unis, faisant bloc, amoureux, mais ne pesant plus rien, comme définitivement échappés d’un monde dont ils refusent les règles. Car Sun-Hwa finira aussi par appliquer les concepts de son sauveur et mentor, dans une scène magnifique, où elle entre chez un couple, se reposer sur un canapé ("mais qui est cette femme chez nous ?" "je ne sais pas... elle se repose, laisses-la") avant de repartir, silencieuse, lègère, invisible, ne laissant qu'un coussin dérangé comme trâce de son passage.
Réalisation, scénario et montage : Kim Ki-duk
Production : Kim Ki-duk et Michiko Suzuki
Musique : Slvian
Dir. Photo : Jang Seong-baek
Avec : Lee Seung-yeon (Sun-hwa) Lee Hyun-kyoon (Tae-suk) Kwon Hyuk-ho (le mari) Ju Jin-mo (Inspecteur Cho)
Une chronique remarquable jusqu'au second paragraphe. Ensuite, le texte n'a malheureusement plus grand intérêt. C'est dommage. Evitez à l'avenir les digressions sur des sujets qui n'intéressent personne. Ne vous découragez pas, cependant.
RépondreSupprimerBah voilà. Tu vois, quand tu veux. Tu fais un petit effort, et tu nous parles du cinéma asiatique (l’Asie étant de nos jours l’un des plus importants continents du cinéma qualitativement parlant, le Japon et la Corée du Sud en tête). D’ailleurs Shuffle, il n’est pas trop tard pour t’y intéresser, il n’est jamais trop tard pour bien faire…
RépondreSupprimerAvec « Locataires » tu n’as pas choisi le pire (l’un des plus excitants films qui soit sorti dans les salles obscures ces dernières années). Quelle claque pour le cinéma occidental !
Du même réalisateur je te conseille « Bad Guy » (vu que tu aimes l’ambiance un peu glauque des polars celui-là devrait te fasciner), ainsi que « L’ile » (très original malgré quelques scènes un peu dures à regarder) ou encore « Printemps, été, automne, hiver… et printemps » qui est une belle méditation sur le sens de la vie.
Tu dis : « Un film au rythme plutôt lent, sans dialogue ? Pas très vendeur, non ?… » et tu mets le doigt sur un problème crucial : les gens sont de plus en plus habitués à la vitesse et la précipitation, à cause de la télé ou du cinéma hollywoodien actuel. Ils perdent l’habitude de se laisser imprégner par une histoire et ne supportent plus la lenteur et le silence. C’est pourtant souvent par ces chemins que l’on peut atteindre l’art majeur et la passion (Stanley Kubrick notamment l’a bien compris dès 1968 avec « 2001 l’odyssée de l’espace », pas vrai ?) La lenteur et le silence ne sont pas synonymes d’ennui et de vide. Au contraire.
Au fait, la passionnante aventure du « record du monde » continue sur ma page (119 posts à ce jour). Ha j’aime la vie. Si.
Merci de vos encouragements, Master, je tacherai de suivre vos conseils à l'avenir. Puis-je au moins laisser le nom du directeur photo, à la fin ?
RépondreSupprimercomment ça le bureau le plus grand, alors que j'ai à peine la place circuler entre mon home cinéma , ma super chaine 8 enceintes et le grand canapé ou je reçois mes nombreuses admiratrices! jaloux va! d'ailleurs je soupçonne quelqu'un de l'avoir squatté mon bureau alors que j'étais à Londres interwierver Clapton pour le Deblocnot'..
RépondreSupprimerVersion 33t et CD. Je l'ai acheté plusieurs fois, pour l'offrir...
RépondreSupprimerHier, avant de me coucher, j'ai malheureusement lu cette chronique. Evidemment j'ai focalisé sur le 1er paragraphe. Ma nuit n'a été que cauchemars et rêves de vengeance.
Bah voilà. Tu vois, quand tu veux. Tu fais un petit effort, et tu nous parles du cinéma asiatique (l’Asie étant de nos jours l’un des plus importants continents du cinéma qualitativement parlant, le Japon et la Corée du Sud en tête).
RépondreSupprimerAvec « Locataires » tu n’as pas choisi le pire (l’un des plus passionnants films qui soit sorti dans les salles obscures ces dernières années). Quelle claque pour le cinéma occidental !
Du même réalisateur je te conseille « Bad Guy » (vu que tu aimes l’ambiance un peu glauque des polars celui-là devrait te fasciner), ainsi que « L’ile » (très original malgré quelques scènes un peu dures à regarder) ou encore « Printemps, été, automne, hiver… et printemps » qui est une belle méditation sur le sens de la vie.
Tu dis : « Un film au rythme plutôt lent, sans dialogue ? Pas très vendeur, non ?… » et tu mets le doigt sur un problème crucial : les gens sont de plus en plus habitués à la vitesse et la précipitation, à cause de la télé ou du cinéma hollywoodien actuel. Ils perdent l’habitude de se laisser imprégner par une histoire et ne supportent plus la lenteur et le silence. C’est pourtant souvent par ces chemins que l’on peut atteindre l’art majeur et la passion (Stanley Kubrick l’a bien compris dès 1968 avec « 2001 l’odyssée de l’espace », pas vrai ?) La lenteur et le silence ne sont pas synonymes d’ennui et de vide. Au contraire.
« Printemps, été, automne, hiver… et printemps » ! Quel beau film, doté d'une superbe photographie. A voir et à revoir.
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