SPRINGSTEEN : DELIVER ME FROM NOWHERE de Scott Cooper (2025) par Luc B
D’un biopic sur Bruce Springsteen on aurait pu craindre une célébration testostéronée du
p’tit mec de banlieue (Freehold, New Jersey) qui accède au statut de héros national, où comment on devient le Boss en dix leçons, à coups
de reconstitution de concerts épiques. Il n’y a rien de cela dans
SPRINGSTEEN : DELIVER ME FROM NOWHERE, c’est même tout le
contraire.
Le réalisateur, scénariste, producteur Scott Cooper,
qu’on situerait plutôt comme cinéaste indépendant, à qui on doit
CRAZY HEART avec Jeff Bridges, HOSTILES et THE PALE
BLUE EYES avec Christian Bale, se concentre sur une période sombre, introspective, la conception de l’album « Nebraska »(1982). Ca commence en noir et blanc, flashback, le petit Bruce entend son paternel, éméché, monter les
marches vers sa chambre, cogner à sa porte pour en découdre… un, deux, trois… transition one,
two, three, four… le climax de « Born to run » nous éclate à la
gueule, c’est le dernier concert de la tournée
triomphale « The River ».
Ces trente secondes de « Born
to run » sont uniquement ce qu’on verra reconstitué en concert. Les rares autres moments seront au Stone
Pony, un bar d’Asbury Park où Springsteen (encore aujourd'hui) a l’habitude de jammer
avec des groupes locaux.
Parlons de suite de ce qui m’a gêné. Ce
noir et blanc bien léché pour les flash-back, qui informent,
certes, mais qui frisent le pathos. Une scène montre Douglas Springsteen (le
père, joué par Stephen Graham) embarquer son fils voir au cinéma
LA NUIT DU CHASSEUR de Charles Laughton, spectacle assez traumatisant pour son
âge (9 ans). Scott Cooper aura, je suppose, fait le choix de traiter
les souvenirs du gamin à la manière de, avec un Mitchum démoniaque en fugure paternelle. Pourquoi pas. LA NUIT DU
CHASSEUR, BADLANDS, plus tard LES RAISINS DE LA COLÈRE, le film
montre bien les rapports de Springsteen au cinéma*.
Scott Cooper cueille
donc un Springsteen au top professionnellement, mais au fond de la
vague moralement. Tout est résumé en une réplique, avec un vendeur de voiture qui assure : « C’est
le modèle qu’il faut, pour une rock star comme vous… Je sais qui
vous êtes ». L’autre répond : « vous avez du
bol, je ne le sais pas moi-même ».
Les angles choisis par le réalisateur ne sont pas les plus avenants, à première vue. Il ne filme pas un type qui performe, mais un type qui s'isole pour créer. Pas très cinégénique. Il ne filme pas un gars en pleine réussite, mais qui doute du
bien fondé de cette réussite, qui accepte mal ce qu’il est en
train de devenir. On voit bien dans le film ce décalage entre ce
qu’on projette sur lui, et ce qu’il est, un prolo de banlieue
ancré dans son espace naturel.
Pourtant, à l'écran, le processus
torturé de création s'avère intéressant. Le déclic devant une diffusion télé de BADLANDS de Terrence Malick, la scène où Martin
Sheen abat le père de sa copine pour la délivrer de son emprise.
Pas anodin, ça fait écho chez Springsteen, flash back sur le gamin qui frappe son père avec
une batte de baseball. Une chanson naîtra de ce film (« Nebraska »), puis d’autres,
plutôt lugubres, violentes, crépusculaires, de quoi remplir un double album. Chansons enregistrées sur un quatre pistes,
dans sa chambre, à l’aide d’un gus, Mike, joué par Paul Walter
Hauser, découvert dans LE CAS RICHARD JEWELL de Clint Eastwood. Plan intéressant lorsque Springsteen corrige son
texte, barrant les « He » par des « I »,
s’appropriant le rôle du narrateur.
Ces maquettes enregistrées
sur cassettes devaient servir de brouillon pour être retravaillées en studio avec le E
Street band (étonnamment absent du film, à part ce court moment).
On voit ce qui deviendra « Born in the USA », titre d’un
scénario que Paul Schrader lui a envoyé : « ça ne
m’intéresse pas, mais le titre, y’a un truc à faire avec... ».
Il y a aussi « Cover me » (destiné à Donna Summer) ou
« Glory days »,« I'm on fire »... qui ne sortiront qu'en 1984. CBS se frotte les mains. Des
tubes en puissance pour le prochain album. Mais les chansons de « Nebraska »perdent leur substance à être électrifiées**, Springsteen décide de les sortir sur un album distinct, telle que, dans leur jus.
L'aspect technique aurait pu être rébarbatif, curieusement non. On ne peut plus dissocier voix, guitare, harmonica à partir de la cassette audio, ni se débarrasser des bruits ambiants, ou de l'écho. On suit les tentatives de mixage, la fabrication du master, mais le résultat ne convainc jamais. L’ingé-son Chuck
Plotkin dénichera un atelier de fabrication de vinyles, capable de
restituer le son de la cassette (une histoire de profondeur de
sillon). Il va falloir vendre l’idée à CBS. C’est le manager
Jon Landau (Jeremy Strong) qui s’y colle, non sans nervosité. Car Springsteen a en plus décidé qu’il n’y aurait ni single, ni
tournée, ni promo dans la presse, ni sa tête sur la pochette.
Autre aspect du film, comment un artiste dit non au système, pour garder
son intégrité, quand tant d’autres se sont épuisés à
reproduire une recette pour ne pas descendre une marche de
podium. Ce suicide commercial annoncé s'est soldé par un succès immense, « Nebraska » décrochera la troisième place des ventes.
L’acteur Jeremy Allen White ne ressemble pas physiquement à son modèle, des faux airs du jeune Pacino parfois, cocker triste. Il n’est pas dans
l’imitation grimée. Une chemise à carreaux, un tee-shirt et des
cheveux hirsutes suffisent à poser le bonhomme (comme la pochette de
« Darkness »). Il est particulièrement convaincant au chant,
c’est lui qu’on entend dans le film. La mise en scène est
classique, très belle photo, sans doute trop, j'aurais aimé une photo plus brute, justement à l'image de ces enregistrements dégraissés sur l'os.
Rien à voir avec UN PARFAIT INCONNU de
James Mangold sur Bob Dylan à la très ample et riche reconstitution
avec guest star à gogo, ici on donne dans le drame intimiste, un
mec, sa guitare et ses emmerdes.
Comme l'angle choisi [lire plus haut] est ce qu'il est, Scott Cooper intègre au scénario une romance contrariée (fictive), qui n'apporte pas grand chose, et assez peu crédible. On regrettera aussi un film trop concentré sur la
relation Springsteen – Landau, alors que le chanteur
était, sur le Shore, le chef de fil de toute une bande de musiciens,
c’est à peine si on aperçoit Steven Van Zandt. Avec cette impression que le
film aurait pu concerner un personnage lambda, un dépressif, bipolaire, limite suicidaire (qui écoute, amorphe, le
second album de Suicide d’Alan Vega dont il est fan).
Si on ressort euphorique d'un concert de Springsteen (et je sais de quoi je cause) là, on a juste
envie de se pendre. Mais « Nebraska » n’est pas non plus
le disque le plus festif pour ambiancer les campings du cap d'Agde.
***************************
* L’horrible bandana porté sur la
tournée « Born in the USA » était une référence au de
Niro de VOYAGE AU BOUT DE L’ENFER, et pas à RAMBO comme beaucoup
le pensaient !
** Depuis, des titres comme « Johnny 99 » « Atlantic City » « Reason to believe » « Open all night » sont interprétées aussi en mode boogie rock avec le groupe entier.
couleur et noir & blanc - 2h00 – format scope 1:2.39.
Ne voulant pas être désagréable, je passe mon tour. Mon ouverture d'esprit m'a amené à regarder sur Arte, en replay, un concert (2009? ) reprenant les titres de Darkness...etc. J'avoue ne toujours pas comprendre: c'est quasiment inaudible, bourrin, tout est à l'arrache (seule possibilité à mon avis d'essayer de faire passer des morceaux médiocres), pas de dynamique. Weinberg ressemble au lapin Duracell, les oreilles en moins, Van Zandt pourrait avoir une guitare factice, le résulat serait le même. Insupportable.
Tu dois avoir un problème de réglage de ta télé. Ce set live (sans public) de "Darkness" est très bien mixé, et il n'y a parfois qu'une seule guitare. Sur le long "Racing in the street" , dans le crescendo final, on entend distinctement le jeu des deux guitares, du piano. "Darkness", des morceaux médiocres ???
Ne voulant pas être désagréable, je passe mon tour. Mon ouverture d'esprit m'a amené à regarder sur Arte, en replay, un concert (2009? ) reprenant les titres de Darkness...etc. J'avoue ne toujours pas comprendre: c'est quasiment inaudible, bourrin, tout est à l'arrache (seule possibilité à mon avis d'essayer de faire passer des morceaux médiocres), pas de dynamique. Weinberg ressemble au lapin Duracell, les oreilles en moins, Van Zandt pourrait avoir une guitare factice, le résulat serait le même. Insupportable.
RépondreSupprimerTu dois avoir un problème de réglage de ta télé. Ce set live (sans public) de "Darkness" est très bien mixé, et il n'y a parfois qu'une seule guitare. Sur le long "Racing in the street" , dans le crescendo final, on entend distinctement le jeu des deux guitares, du piano. "Darkness", des morceaux médiocres ???
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