Cette fois-ci, la formation en question n’est pas qu’un rassemblement d’illustres inconnus, puisqu’on y retrouve Mike Pinera. Co-fondateur, guitariste et choriste de Blues Image, qu’il quitte en 1970 après le second album, « Open » (le plus connu du groupe), pour rejoindre Iron Butterfly pour le très bon « Metamorphosis », avant de participer à l’éphémère aventure « Ramatam ». Pinera est également connu pour sa participation au controversé New Cactus Band, et pour avoir soutenu Alice Cooper lors de son retour en 1981 (même si sa contribution à la composition des morceaux des albums « Special force » et « Zipper Catch Skin » est quasi insignifiant). Sa production solo, des plus sporadiques, est en revanche totalement passée sous les radars. L’autre célébrité n’est autre que Mitch Mitchell. Oui, le seul musicien à être présent, - à l'exception de l'éphémère Band of Gypsies -, sur tous les albums de Jimi Hendrix.
Mitch et Mike s’allient à trois parfaits inconnus, qui le resteront… à l’exception d’April Lawton. Qui se fait remarquer plus parce qu’elle est une femme jouant dans un groupe d’hommes que pour ses talents. Une absurdité, ou peut-être simplement un truc bêtement marqué par la presse pour vendre du papier. Pourtant, fort heureusement, ce n’est pas une première. Dès les débuts du rock’n’roll, quelques jeunes femmes courageuses se sont jointes à diverses formations. Lady Bo a accompagné Bo Diddley dès 1957 et enregistre avec lui lors de ses meilleurs disques. Sans omettre sa remplaçante temporaire, « The Duchess » Norma-Jean. Sans oublier que dans la Country, souvent réputée comme un milieu de phallocrates, cela fait belle lurette que des dames occupent la scène - le premier enregistrement de la famille Carter (avec Maybelle et Sara) date de 1927. Et que dire des chanteuses ? Ne seraient-elles donc pas considérées comme des musiciennes ? Et que dire de l'immense Sister Rosetta Tharpe ? Fantastique chanteuse et guitariste, aussi à l’aise dans le gospel et le blues, également considérée comme l’une des fondatrices du Rock’n’roll.
À ces trois, se joignent un certain Russ Smith à la basse et
Tommy Sullivan. Un atout car ce dernier, en plus d’assurer les claviers et de
partager le chant avec Pinera, illumine cet album de quelques beaux passages à
la flûte traversière.
Cet album éponyme a dû être rangé dans à peu près tous les compartiments musicaux de son époque – et même ceux inventés plus tard pour cette période. Jazz-rock, rock-psychédélique, porto-hard, progressif, heavy-blues, soul-psyché, proto-hard, latin-rock, et j’en passe. Mais j’oserai rajouter Zappa-like. En fait, comme pour bon nombre de productions de cette ère musicale pas encore étouffées par des carcans imposés, les frontières sont encore floues et perméables. Et même si déjà les maisons de disques mettent une forte pression pour avoir un hit, les musiciens jouissent d’une certaine liberté. Particulièrement pour le premier essai, où souvent la boîte osait offrir aux groupes l’occasion de faire leurs preuves – avec un budget réduit, toutefois. Cela pouvant exceptionnellement s’étendre jusqu’à trois galettes.
Ainsi, « Ramatam » s’offre le luxe de voguer au grè de son inspiration sur un large horizon, sans barrières, sans se refuser de goûter et de mélanger diverses eaux. Pourtant, malgré les différences d’atmosphères et d’humeurs, les neuf pièces semblent ne faire qu’un tout. C’est même un bel équilibre qui se crée entre les explosions orageuses et les doux instants de détente.
L’album démarre pourtant, avec « Whiskey Place », par une chaude bourrasque de hard-rock baigné de Soul. Une entrée en matière hardiment propulsée par les deux guitares à l’unisson, sobrement fuzzy, soutenues par des cuivres (jouées par Sullivan ?), sur laquelle la voix rageuse - visiblement influencé par Otis Redding - de Pinera se lâche. Ça chauffe. Mais déjà « Heart Song » et sa flûte traversière fait office de brise rafraîchissante. Une fraîcheur que le timbre de voix brûlant de Pinera ne parvient pas à atténuer, d’autant plus que les guitares se fondent dans un registre jazzy. Une pièce qui a souvent été comparée au travail de Trafic. Le morceau a été composé avec Leslie Sampson, alors membre de Road, le groupe de Noel Redding. Sampson qui montera l’année suivante l’excellent Stray Dog.
« Ask Brother Ask » revient à des velléités
franchement plus lourdes. Hélas, les deux grattes finissent par partir en
live, en impro vaguement jazz-rock bordélique, faisant presque passer le
Larry Coreyll de 1969 pour un léthargique. Le saxophone n’étant pas en reste.
Mais voilà que « What I Dream I Am », avec sa
pedal-steel, son acoustique et ses chœurs à la CSN&Y (The Mamas & The
Papas ?), s’égare sur les plages californiennes. « Wayso »
clôture la première face dans une chaleureuse ambiance à la Chicago (période
Transit, II et III).
La seconde face s’ouvre sur « Changing Days », une
très belle ballade aux accents Folk-pop et de country raffinée, mais guère
ampoulée ou chargée. Pareillement au morceau précédent, l’harmonie vocale entre
les trois chanteurs (Lawton, Smith et Sullivan) est parfaite, (un passage
semble même avoir été repompé par Queen), laissant entrevoir les
possibilités s’offrant au quintet.
La flûte refait son apparition sur les deux premiers
mouvements « Strange Place », établissant une atmosphère veloutée
propre à Jade Warrior. Mais le morceau, à tiroirs, s’offre rapidement à un
funk-rock allumé, traversé de comètes jazz et blues. James Brown en plein trip
hallucinogène, jammant avec Funkadelic et Tiger B Smith. « Wild Like
Wine » est un morceau solaire, régénérant et optimiste. Lawton y est
lumineuse, diffusant à l’aide d’une talk-box un sentiment d’allégresse, et
parsemant le morceau d’éclatants soli. Quasiment un truc de Rock FM avant l’heure,
sans gras ni édulcorant. Probablement la meilleure pièce.
Le quintet referme le chapitre sur un « Can’t Sit Still », où la formation se lâche la bribe. Ce qui permet de retrouver un peu du jeu explosif de Mitchell, pas spécialement gâté par la production de Mister Tom Down. Le saxe de Sullivan envoie du lourd et Lawton balance des soli de pyromane – un peu à l’arrache.
Un disque perfectible mais néanmoins bien plaisant et assez riche. Le disque est assez bien accueilli par la presse, qui salue la diversité et la maitrise du groupe. Si Mitchell reste dans l’ombre, la voix forte et Soul de Pinera - plus que sa guitare -, les cuivres et la flûte de Sullivan, plus que ses claviers, sont largement salués. Mais c’est surtout le jeu explosif d’April Lawton, alternant entre Jazz, Heavy-blues et hard-rock, qui récolte tous les suffrages. On compare même son jeu à celui d’Hendrix – ce qui n’est pas vraiment justifié. Du moins, hors de scène. Ou encore celui de Jeff Beck. Tout donne à croire que Ramatam va tracer sa route – du moins aux USA -. Hélas, Pinera et Mitchell quittent le navire, et la formation réduite à un trio, malgré toutes ses qualités, ne parvient pas à maintenir le niveau. Ramatam, premier du nom, explose avant d'avoir pu suffisamment tourné pour se faire connaître. Même s'il a pu assurer la première de quelques grands noms de la musique Rock. Quant à la variante suivante, elle peut difficilement reproduire sa musique sur scène en trio. Quelques mois seulement après la sortie de "In April Came the Dawning of the Red Suns", le groupe abdique.
Malgré la présence de Mike Pinera et de Mitch Mitchell sur cet album éponyme, voire du multi-instrumentiste Tommy Sullivan (sur l'album suivant, il joue aussi de la guitare), c'est avant tout par le nom d'April Lawton que les médias et le public se souviendront du groupe. Notamment parce qu'on mit en doute sa féminité, jugeant son approche de la guitare trop virile pour être vraiment une femme (sic). Pourtant, la même année, le groupe entièrement féminin, Birtha, sort un très grand disque de Hard-rock ; et là, personne n'y trouve rien à dire. Mais des tabloïds américains avanceront qu'il n'existe pas d'April Lawton avant une certaine date. Mais est-ce que cela aurait une quelconque importance avec la qualité de la musique ? Absolument aucune. Pendant des années, le sujet reviendra sur la table. Notamment lorsque ceux qui l'ont côtoyée sont interviewés. Ainsi Pinera dément les rumeurs : à ses dires, April lui avait prit la main pour qu'il constate par lui-même (...). Pourtant, une de ses amies de longue date, Julie Millington (Fanny, Smiles) dira le contraire.
Après un deuxième essai avec une mouture totalement remaniée, puis après s'être usée avec un April Lawton Band qui s'éteint avant la fin des années 70 sans jamais avoir pu décollé, décroché le moindre contrat d'enregistrement, April abandonne la carrière musicale pour se recentrer sur le graphisme, la peinture. Elle reste très réservée sur sa vie privée, refusant les interviews, ainsi que de s'épancher sur son passé. Dans les années 90, elle se remit à composer et à enregistrer, mais des ennuis d'insuffisance cardiaque l'empêchent d'aller plus loin que quelques démos (souvent gardées par des amis musiciens) dans un style dorénavant plus proche de Jeff Beck et de Ronnie Montrose, voire d'Allan Holdsworth. Elle décède le 23 novembre 2006 à seulement 58 ans.
April jouait exclusivement sur Gibson, et sur du lourd du genre Les Paul Custom ou sur une Barney Kessel (dont elle avait peint le corps de motifs pré-colombiens, dans le même esprit que ceux de la belle Gibson Les Paul Custom ornant la double pochette intérieure de "In April Came the Dawning of the Red Suns"). Il y a peu, la Barney Kessel à fait l'objet d'une réédition






J'aime bien le genre : mélodies aux accents facétieux, timbres et enchaînements fantasques.... Orchestration variée. Ca file la pêche par temps gris !!!!
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