CHIEN
51 est un polar d’anticipation, dystopique. Et inévitablement on
pense à MINORITY REPORT de Spielberg, à BLADE RUNNER de Scott, BIENVENUE A GATTACA de Andrew Niccol, ou
SOLEIL VERT de Fleischer. Sans retrouver, hélas, les qualités ni
des uns ni des autres. Mais c’est gonflé de la part de Cédric
Jimenez d’avoir abordé ce genre, de s’en être donné les
moyens visuels (gros budget) même si le résultat laisse sur sa faim.
Paris en
2045 est devenue une mégapole partagée en trois zones verrouillées
par des check-point (quid des autres villes, du pays ?) où se
repartissent la plèbe, la classe moyenne, et l’élite. La
politique sécuritaire est désormais gérée par ALMA, une
Intelligence Artificielle créée par le dénommé Kessel, qui réside dans la très sécurisée zone 1, sur l’île St Louis. Ce
qui ne l’empêche pas d’être assassiné un soir, en rentrant chez lui. Le ministre de l’intérieur Théo Rimarval promet que les
coupables de cet acte odieux seront rapidement châtiés. Dans
son collimateur, John Mafram, chef d’une organisation révolutionnaire.
Salia, une flic de la zone 2, mène l’enquête, secondée par Zem,
poulet de la zone 3*
*Le prolo zone 3 habite un appart avec vue sur Montmartre, et Salia sur la Tour Eiffel ! A l'international, ce genre d'images se vendent bien...
On connaît le goût et le savoir-faire de Jimenez
pour les scènes d’action, CHIEN 51 ne fait pas exception. La scène d'ouverture montre Kessel rentrer chez lui, les barrages, la nuit, le silence. Et ce petit son feutré d’une balle tirée à travers un
silencieux. Jimenez enchaine cut avec une poursuite à toute berzingue dans Paris, spectaculaire à souhait. La transition crée son petit effet, même si on ne comprend pas les enjeux. Ce n’est pas grave, on aura le même
sentiment pendant tout le film. Visiblement, c'est l’adrénaline qui prime.
La première
partie du film est agréable à suivre. Très classique, avec ce
tandem mal assorti de flics. Zem le franc tireur, anar sur les bords,
sans cesse en retard au boulot, qui donne dans le social, connaît la
rue. Et Salia droite dans ses bottes, la frange bien coupée,
condescendante, rigide. Gilles Lellouche s’en sort plutôt bien,
Adèle Exarchopoulos m’a semblé à côte de ses pompes sur toute la première partie.
Les dialogues lestés de plomb n’arrangent rien. Plus tard, l’amourette
(bêtement inévitable) apparait totalement hors sujet. Sherry on the cake, le montage alterné d'un plus mauvais effet nous achève, digne d’un épisode de GREY'S ANATOMY. Et
l’épilogue convoque le magnifique « Wish you were here »
de Pink Flyod à la rescousse. Heureusement qu’il y a la
musique !
Jimenez réussit pourtant quelques bonnes scènes. On pense à
LE FILS DE L’HOMME dans cette dystopie facho (la virtuosité de Cuaron en moins), avec les
attroupements aux check point, ces braves gens qui perdent tout si
leur bracelet d’identité n’est pas mis à jour, la misère de la
zone 1, ce camp de gamins (aucune empathie de la part de l'auteur), la liesse psychédélique de la fiesta « Love
day ». Malgré les soubresauts frénétiques d’une caméra
portée à la main. J’ai été bluffé par les décors parisiens
relookés (même si tournés à Marseille ou Bruxelles !). La scène
où Salia est pourchassée par un drone tueur m’a rappelé LA
GUERRE DES MONDE de Spielberg (la scène dans la cave).
Mais la mise en scène, toute efficace qu’elle
soit (entendez par là tapageuse) manque cruellement de subtilité. A trop vouloir
découper, on perd en lisibilité. Typique du film construit non pas au découpage, mais sur le banc de montage.
Le souci premier, c’est
cette histoire dont les enjeux ne sont pas vraiment développés. Des
flics qu’on envoie sur une enquête-leurre pour mieux maquiller une
vérité inavouable, on en a vus plein. L’idée de l’IA qui crée
des scénarios d’après une scène de crime, pourquoi pas. Mais
a-t-on vraiment besoin d’une IA pour savoir que le tueur
s’est lui même fait dézinguer pour effacer les traces ? C’est quasiment un cas d'école. Soit les flics sont très
cons, soit le logiciel pas encore au point. De même, malgré tout l'armada technologique, on peut rentrer chez le ministre juste en cassant une vitre !
Deuxième souci, les personnages secondaires. Ce médecin, Irina, jouée
par Valeria Bruni Tedeschi dont on se demande ce qu’elle fout là.
C’est qui ? Louis Garrel en révolutionnaire christique est
ridicule, voix caverneuse, capuche sur le crane, sous la pluie, à la
ASSASSIN’S CREED – car le film donne davantage dans le jeu vidéo
que le cinoche. Artus en commissaire ronchon, il sert à quoi ? Et Romain Duris en ministre de
l’Intérieur, la mâchoire crispée, deux p’tits tours et puis s’en va, pas crédible
une seconde. Il convoque Salia dans son bureau pour lui remonter les
bretelles. Le ministre, carrément ? Y’a pas de hiérarchie
dans la police ?
Jimenez s'est approprié un sujet qu'il n’a pas su
raconter et rendre passionnant. Ce n'est pas franchement un réalisateur qui donne dans le social, ses personnages sont des prétextes, des pions dans son dispositif, on ne s'y attache pas réellement. Ses préoccupations sont ailleurs. Il construit son film en termes d'actions, poursuites et coups de flingues. Zem fait penser au début au Philippe Noiret des RIPOUX puis se métamorphose en Tom
Cruise, c'est ridicule. Jimenez laisse de côté le plus passionnant : la réflexion, le frisson
paranoïaque, le mystère, et les enjeux politiques. Où est le point de vue du réalisateur sur ces évènements ?
Cédric Jimenez
passe après de grands metteurs en scène qui ont traité ce même
thème (15 ou 20 ans avant lui) il pioche chez l’un, chez
l’autre, mais peine à construire un récit qui nous transporterait
réellement dans un monde effrayant. Lui qui, même avec de gros sabots, nous avait troussé de belles scènes dans BAC NORD ou NOVEMBRE (mieux maitrisé car inspiré du réel ?) est obnubilé ici par une seule question : comment placer un maximum de cascades, de fusillades, quelque soit la scène. Et fini par se caricaturer lui-même.
Beaucoup de tapage médiatique et aussi beaucoup de fric engagé pour ce film, le premier découlant du second ... Ce que tu en dis ça me fait penser à du Luc Besson, on pourrait écrire à peu près la même chose sur Nikita, Le cinquième élément, Léon, ... Conclusion : le meilleur Paris dystopique n'est-il pas encore le Alphaville de Godard ?
Bon, moi, j'aime pas trop Jimenez, que je trouve racoleur. Et Lellouche, peroxydé ou pas, me fatigue (l'Amour ouf, grosse daube): il faut qu'il se repose. Gros battage médiatique, effectivement. Le chroniqueur ciné de Libération dit quasiment la même chose que toi. En revanche, au Figaro, ils ont trouvé ça très bien.
C'est vrai, c'est rassurant. Dans Le Canard Enchaîné, que j'ai oublié de citer, ils ont bien aimé. Comme quoi, ils n'aiment pas que les films macédoniens ou monténégrins comme disait Lester (pas sûr que ce soit lui...) à propos de je ne sais plus quel film.
Lelouche, Exarchopoulos, flicailleries (par le nouveau spécialiste du genre, sur les pas de Marchal) : red flag. Ils ne sont pas loin de la vérité mais les zones 2 et 3 vont fusionner, la 2 se fondant dans la 3...
Beaucoup de tapage médiatique et aussi beaucoup de fric engagé pour ce film, le premier découlant du second ...
RépondreSupprimerCe que tu en dis ça me fait penser à du Luc Besson, on pourrait écrire à peu près la même chose sur Nikita, Le cinquième élément, Léon, ...
Conclusion : le meilleur Paris dystopique n'est-il pas encore le Alphaville de Godard ?
J'y ai pensé justement, à Alphaville ! Mais pas sûr que Jimenez ait Godard parmi ses références.
SupprimerBon, moi, j'aime pas trop Jimenez, que je trouve racoleur. Et Lellouche, peroxydé ou pas, me fatigue (l'Amour ouf, grosse daube): il faut qu'il se repose. Gros battage médiatique, effectivement. Le chroniqueur ciné de Libération dit quasiment la même chose que toi. En revanche, au Figaro, ils ont trouvé ça très bien.
RépondreSupprimerCa me rassure. Que je penche plutôt vers Libé que le Figaro...
SupprimerC'est vrai, c'est rassurant. Dans Le Canard Enchaîné, que j'ai oublié de citer, ils ont bien aimé. Comme quoi, ils n'aiment pas que les films macédoniens ou monténégrins comme disait Lester (pas sûr que ce soit lui...) à propos de je ne sais plus quel film.
SupprimerLelouche, Exarchopoulos, flicailleries (par le nouveau spécialiste du genre, sur les pas de Marchal) : red flag.
RépondreSupprimerIls ne sont pas loin de la vérité mais les zones 2 et 3 vont fusionner, la 2 se fondant dans la 3...