Arpèges frappés sur guitare folk, portés par une brise chargée d'embruns, sur lesquels se pose un chant chargé de morgue et d'amertume… "Rouge sang sont les eaux de minuit. La lune brûle comme une flamme, le brouillard flotte comme la fumée d'une bataille, tandis que la pluie remplit les rues. Pour ma tête, la foule appelle... Je pense que je préférerais rencontrer mon créateur, d'ici-là, la main du bourreau... Oh, ooh, oh ! Je ne peux changer ce que j'ai fait ! Oh, ooh ho !! " Bam ! Un riff guerrier et vengeur retentit, imposant aux esprits l'image d'une trirème bravant tempête et vagues scélérates comme si elles n'existaient pas. Dans la nuit zébrée d'éclairs, des hommes au regard fou, ramant avec acharnement, persuadés d'aller à la rencontre de Thanatos mais prêts à l'affronter, le xiphos à la main, pour mourir en héros. "... méfiez-vous du chant de la sirène. Nous avons navigué sur sept mers, jusqu'à ce que j'entende ce son. Une voix plaintive d'une beauté si douloureuse." Le break, après un bref intermède acoustique onirique glisse vers une sombre et pesante noirceur. "Le clou dans mon cercueil écoutait le chant de la sirène... Je donnerais tout mon or et mon argent juste pour entendre à nouveau cette voix ! Oh oooh ho !". Conformément à la pochette de l'album, la chanson (éponyme) évoque la rencontre d'Ulysse avec les sirènes, toutefois l'atmosphère pourrait tout aussi bien convenir à une flotte de drakkars affrontant de front une mer déchaînée, chargés de Vikings impatients, avides de vengeance.
Moins fougueux et plus carré, "Blame It On Tupelo", aux allures de complainte d'un troll errant, souffrant de sa solitude mais l'acceptant avec philosophie, alterne entre riff marteau hoquetant et brèves respirations mélodiques
Après les deux premiers coups de sagaris, l'intimité boisée et élégiaque d' "Orion" tranche d'autant plus, faisant subitement redescendre la pression. Moment propice à quelques daimôns teigneux pour surgir et taper un heavy-glam-boogie tribal et hypnotique. Un "Chant de sirènes" électrique obligeant à hocher du chef et taper du pied tel un autiste courroucé. Avec sa batterie martiale franchement typée glam 70's, son gros riff pétri de disto hérissée et ce chant résigné, quasi défaitiste, "Obsession" secoue, excite les esgourdes "Je craque, je m'effondre. Torturé, attaché et lié, j'ai le doigt sur la gâchette d'un flingue jaloux. Je ne supporte pas de te voir avec un autre. Tu es une obsession ! Na, na, na, naa, naa ". Amusant... bien que d'un registre totalement différent, le refrain se cale à peu près sur le tempo de celui de "On The Road Again".
Même le Blues-rock s'imprègne de plomb et de rhum (8 ans d'âge) ; avec sa slide pagienne affilée, "The Remedy" brave les tempêtes et fend les flots bouillonnants. D'aspect plus rigide et froid, plus bourrin, "Burning Daylight" oscille entre temps désabusé (pas loin d'un Queen of The Stone Age modéré) et bourrasques heavy. D'apparence plus classique (-rock), entre Black Crowes et Thunder, "Black Gold" semble dénoncer l'attitude de gouvernements interférant dans des conflits principalement lorsqu'il y a quelque chose à en tirer. En l'occurrence, ici, les riches compagnies pétrolifères.
- "Mais alors ? C'est un skeud de brutasses ?"
Que nenni. Déjà, à des années lumières de toute sorte de métôl extrême, les sieurs ont également un cœur. D'ailleurs, généralement, les paroles content souvent des histoires d'amours brisés allant de pair avec jalousie et déprime. Mais il y a aussi une tripotée de ballades naviguant entre ambiances boisées, frôlant parfois l'intimiste ("If I Could Make You Mine") et le slow-blues. Un bon exemple avec "Cut the Line", qui, avec un savant mélange de Whitesnake, de Scorpions, d'UFO, de Bonamassa et de Great White, délivre une atmosphère dramatique. Tandis que "Make Up Your Mind" essaye de retrouver la recette des ballades d'antan de Rod Stewart, baignées de folk, de country et d'un soleil peinant à chasser tous les nuages d'Albion. En matière de sobriété, après "Orion", "If I Could Make You Mine" clôt l'album sur des notes de piano, laissant ses notes respirer et résonner. La guitare ne revient que pour un bref solo jazzy.
- "Mais qu'est-ce ? D'où sort ce truc qui tient la dragée haute à tous les combos typé heavy-rock ? C'est quoi ce disque qui se place parmi les meilleures sorties "rock velus" de l'année ? (1) "
Cet album, bardé de morceaux "coup de bélier" du genre "Classic-rock" vénère - ou "Heavy old school-bluesy" carburant au super -, interprétés avec une certaine retenue (soit sans soli à l'emporte-pièce et sans hurlements de harpie furibonde) temporisé par quelques pièces acoustiques de belle allure, est le fruit de la collaboration de deux personnages issus du milieu Rock anglais. A savoir, Peter Shoulder, chanteur et compositeur de Winterville (groupe de Stoner-grunge-pop bluesy dépressif), à la voix chaude, sorte de Paul Rodgers limité mais dont le timbre se marie parfaitement avec le matériel présent, et, surtout, de Luke Morley.
Luke Morley, l'épine dorsale de Thunder ; un sacré numéro qui ne supporte pas l'inaction, refuse de se poser, de prendre quelques semestres ou années de repos. Les ventes avantageuses de Thunder des années précédentes devraient lui permettre de se la couler douce quelque temps - même si, bien que gros vendeur européen, étonnamment le quintet londonien n'a jamais vraiment réussi à percer aux USA -, mais non. Inéluctablement, à chaque fois que Thunder, pour une raison ou une autre, a fait une pause, Luke, guitare en main, en a profité pour aller voir ailleurs. Profitant de l'occasion pour goûter à une nouvelle expérience avec une nouvelle collaboration. Ou sinon, simplement se produire sous son nom. Ce gars a mordu à pleine dent dans la musique et n'a jamais lâché prise. C'est son sacerdoce. Aujourd'hui encore, à soixante-cinq balais tous frais (né un 19 juin 1960), après avoir aidé Spike à relancer les Quireboys, d'abord sur scène, ensuite en confirmant par un très bon album ("Wardour Street"), il enregistre son troisième disque solo. Ce gars-là, il n'est pas là pour la monnaie, il a véritablement la musique chevillée au corps. Et il faut que ça sorte. Ainsi, en quarante ans de carrière discographique, ce gaucher a réalisé plus de vingt-cinq disques dont il est fréquemment le principal compositeur. Respect.
A noter que Chris Childs, bassiste de Thunder depuis 1996, fait aussi partie de la formation.
"Siren's Song" est la deuxième réalisation du duo. La première date de 2010 et la dernière de 2013. Si les deux autres albums méritent le détour, le second les surpasse aisément (à savoir qu'à l'époque de sa sortie, pour quelques critiques encore sous le charme du premier essai, s'étaient plutôt une relative déception). On peut regretter que la collaboration ne se soit pas prolongée, mais les vieux camarades de Luke l'ont rappelé (prié ?) pour relancer Thunder ; avec à la clef, un contrat avec une major. The Union, géré et distribué par Payola Music LLP, une modeste entreprise créée spécifiquement par Luke (2), avait bien du mal à décoller, lesté lourdement par une distribution incertaine. Il n'en demeure pas moins que cet album s'avère meilleur que tous les albums de Thunder qui ont suivi.
(1) Ce fut d'ailleurs l'avis d'une célèbre revue anglaise principalement dédiée au Classic Rock.
(2) Entre les tracas, la masse de travail supplémentaire, et probablement l'insuffisance de bénéfices, en avril 2023, la boîte a mis la clef sous la porte.
P.S. : La pochette reprend le tableau "Ulysses et les sirènes" (1909), de Herbert James Draper. Peintre et illustrateur, de la fin du XIXème et du début du XXème siècle, qui, bien que longtemps oublié, a réussi, des décennies plus tard, à réveiller un modeste intérêt grâce à ses toiles inspirées par la mythologie grecque et scandinave et par la légende Arthurienne. Pour le troisième et dernier disque du duo, c'est John William Waterhouse, le peintre italo-britannique qui est "sollicité". Autre peintre de ces temps, qui a également puisé une partie de son inspiration dans légendes et mythologies.
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