- Waouh Claude, Bach est de retour dans ses suites ou ouvertures,
suivant leur dénomination. Mais diable, où as-tu déniché une photo du
maestro hongrois Fritz Reiner naturalisé américain qui… sourit ?!
- Hihi Sonia… En effet, Fritz Reiner a sans aucun doute gagné la réputation du chef mêlant le génie d'une direction exemplaire de clarté mais aussi celle du caractère le plus détestable qu'ait eu à subir ses musiciens… insultes, vannes assassines, et même licenciement immédiat… Même au calme, ce type faisait la gueule !!!
- Un enregistrement de 1953 ! Ce n'est pas un peu daté ? En plus la
musique orchestrale de Bach suggère plutôt le divertissement…
- Oui le son est dur, mais Reiner démontre, pour ceux qui en
douteraient, que l'art de Bach, même en dehors de ses chefs-d'œuvre
religieux, témoigne toujours d'une certaine spiritualité… d'une réelle
hauteur de vue. Bien entendu en 1953, le courant baroqueux commençait à
révolutionner ce style qui fait songer à Brahms… D'où les autres disques
proposés.
- J'aime beaucoup la sonorité pétillante de l'ensemble Zefiro… Il me
semble que tu avais déjà sélectionné celui-ci pour nous présenter les
concerti a due cori de Haendel, les rares concertos grossos qui ne
soient pas réservés aux cordes seules…
- Plus de soixante ans séparent ces gravures… Démonstration de la
magique adaptabilité de la musique du Cantor par des musiciens
inspirés…
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Alfredo Bernardini |
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Fritz Reiner... souriant 😮 |
Ah Sonia, avec son interrogatoire tatillon et passionné, elle me coupe
quasiment l'herbe sous le pied pour rédiger ce billet, le 28ème
consacré à
Jean-Sébastien Bach. Bien sûr,
Bach, pour nombre de mélomanes, reste le maître des œuvres religieuses (une
cantate
pour chaque jour, seules 224 nous sont parvenues car hélas une petite moitié
des manuscrits a été perdue), les deux
Passions
sorties de l'oubli par
Mendelssohn, et de nombreuses pièces pour orgue ou clavier (clavecin à l'époque), dont
des ouvrages théorisant la technique définitive du contrepoint et des
tonalités chromatiques, citons bien entendu à ce sujet l'Art de la Fugue et le Clavier bien tempéré…
Sur le plan orchestral, la production de Bach reste modeste. L'essor des œuvres de types concerto ou sinfonia attendra l'âge classique après la mort du Cantor en 1750, grâce à l'un de ses fils, C.P.E., (une bonne centaine de partitions) et surtout à Mozart et à Haydn qui imposeront le plan définitif académique de chaque forme, en 3 et 4 mouvements. Le choix de Bach ne doit pas surprendre. À travers son art riche en musique religieuse, Bach sollicitait la reconnaissance du divin avant celle du public ou de ses employeurs et mécènes.
Le catalogue BWV par genres comporte 1080 références. Les concertos et œuvres orchestrales sont numérotés de 1041 à 1065 (les six brandebourgeois compris) et de 1066 à 1071 pour les suites/ouvertures : 4 suites complètes et 2 inachevées. 21 ouvrages en tout et pour tout mais des pages d'une fantaisie sidérale...
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Collegium Musicum de Leipzig au café Zimmermann xxxx |
Bach en composant les concertos brandebourgeois répondant à la règle des trois mouvements (sauf le 1er qui en a 4) montrait déjà son fabuleux génie de la variété dans l'orchestration et l'écriture des mélodies. Les concertos grosso de Haendel opus 6 exclusivement pour cordes respectent les règles d'instrumentation germanique austères à l'inverse de la tradition italienne infiniment plus colorée, on pense immédiatement à Vivaldi. (Clic). Ceux de Bach sont d'une surprenante diversité. Ainsi le IIème recourt à ce quatuor de solistes : flûte à bec alto, une petite trompette baroque aigrelette, hautbois, violon. D'une dizaine de minutes, le discours concertant virevolte allègrement. Inversement, le VIème fait appel en solistes à : 2 altos, 2 violes de gambe, un violoncelle et un accompagnement de cordes et de basse continu. Bach assure une synthèse des styles allemand et italien en ajoutant du contrepoint (fugue). L'ensemble n'ennuie jamais grâce à cette débauche de timbres et par leur verve compositionnelle. Ils sont datés de 1721 environ, la datation des œuvres du Cantor est une science à part entière.
Vers 1723, dans ses
Ouvertures,
Bach
retrouve ce souci de fantaisie mais en respectant à la lettre la forme
"suite", soit : un ouverture à la française d'une dizaine de minutes (largo
introductif puis développement plus allant) suivie d'une série d'airs de
danses plus courts.
Concertos et suites ont été inscrits aux programmes du
Collegium Musicum de Leipzig au café Zimmermann. Un lieu dédié à la musique créé par Telemann
en 1701 et qui disposait d'un jardin pour donner des concerts en
extérieur.
En 2019, une chronique consacrée à la
2ème suite
apportait, je l'espère, beaucoup de détails sur la conception des suites.
La
2ème
est la plus célèbre grâce à son final endiablé pour solo de flûte, une
sarabande. L'interprétation en vedette (il en existe des centaines) était
celle de
Nikolaus Harnoncourt. En complément, je proposais les captations du maestro russe
Evgeny Mravinky, de
Musica Antiqua Köln dirigé par
Reinhard Goebel et de l'Academy für Alte Musik de Berlin.
Pour débuter la semaine, voici les quatre suites dans deux styles opposés :
un orchestre symphonique moderne des années 50 et un ensemble baroque jouant
sur instruments anciens. Cela permet d'établir que la musique de
Bach
n'est en rien otage d'un mode d'interprétation mais plutôt dépendant de la
sensibilité et de la rigueur des instrumentistes.
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Julius Baker |
Le très ronchon (limite caractériel avec son orchestre)
Fritz Reiner
entra dans la légende en dirigeant de 1953 à 1963 (date de
sa mort) l'orchestre symphonique de Chicago
dans un répertoire assez classique, faisant de cet orchestre l'un des
meilleurs des USA. Il sera le premier à enregistrer les deux premiers
disques stéréo de l'histoire pour RCA en 1954 :
Ainsi parla Zarathoustra
et
Une vie de héros
de
Richard Strauss. Disques de référence tant par l'inspiration que pour la limpidité et la
dynamique de la technique audio
(voir aussi Reiner dans Shéhérazade).
Fritz Reiner
n'était pas un sentimental et sans doute encore moins un mystique 😊. Or
jouer Bach consiste d'abord à respecter les indications des partitions, une
obsession du maestro hongrois.
On peut s'étonner que cet homme rude apporte une spiritualité hors norme,
une grandeur métaphysique, dans ces suites. Et pourtant, évitons de
déblatérer, de chercher une raison musicologique, écoutons simplement
l'introduction (grave-allegro) de la
2ème suite… L'orchestre de la RCA bouleversera tout auditeur ayant un cœur…
La sonorité de la flûte, son vibrato poignant lors du premier solo confine
à l'extase. Même remarque à propos de la péroraison du violon à la fin de
l'ouverture. Talent du flûtiste
Julius Baker*
ou exigence implacable du chef ? Les deux sans doute,
qu'importe ! La sonorité de la gravure mono est assez rêche, mais que
de nuances bienvenues, quelle vitalité. La plupart des gravures
concurrentes de l'époque n'offrent pas toujours ce climat quasi romantique
(même
Scherchen). "Romantique"… un petit siècle en avance,
Bach
écrivait toujours pour l'éternité… Sonia ne pense-t-elle pas à
Brahms
?
(*) Soliste du symphonique de Chicago. Reiner a voulu assurer 😊.
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Ensemble Zefiro |
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Après cet hommage à une direction romantique héritée du passé mais en
aucun cas révolue, je suggère d'écouter l'ensemble
Zefiro
placé sous la direction du hautboïste
Alfredo Bernardini. Ces musiciens et le label Arcana ont réuni sur deux CD les
Concertos Brandebourgeois
et les
Suites
(y compris les deux incomplètes). Idée très judicieuse car les deux cycles
sont contemporains et de la même filiation sur le plan de l'orchestration
rutilante. Par contre, le premier CD ne comprend que les suites 1, 3 et 4,
la 2 étant complémentaire du second CD qui regroupe la Suite N°2,
la plus populaire, et les
Brandebourgeois.
En
2017
(Clic), nous avons écouté cet ensemble dans une séduisante interprétation des 3
concertos a due cori
de
Haendel, les seuls comportant des vents. les musiciens jouant tous sur des instruments d'époque.
Les gravures de ces suites sont légions, on s'en doute. Ce qui rend
exceptionnel cette production parue au début du siècle s'exprime par une
série d'adjectifs : enlevés, tempos contrastés mais sans confusion du
discours, interventions équilibrées des solistes (les trompettes dans la
3ème), solennel en début d'ouverture mais avec un soupçon
d'humour… Les couleurs instrumentales évitent toute acidité fréquente avec
les instruments anciens. Bref, une musique altière, que du bonheur…
J'ai volontairement isolé chaque suite en constituant les vidéos. Dans le
tableau suivant est présenté la liste des sections de chaque Suite.
Bach
choisit des airs de danses inhabituels chez le compositeur. Ça change…
En gras, les trois mouvements les plus magiques pour ceux qui souhaitent écouter une sélection histoire de…
Suite N° 1 En Ut majeur (BWV 1066) – Vidéo 1 |
Suite N° 3 En Ut majeur (BWV 1068) – Vidéo 3 |
·
Hautbois I/II
·
basson
·
Violon I/II
·
alto
· Basse continue |
·
Trompette I/II/III
·
timbales
·
Hautbois I/II
·
Violon I/II
·
alto
· Basse continue |
Playlist |
Playlist |
1.
Ouverture (grave - vivace) do majeur
2.
Courante en do majeur
3.
Gavotte I et II en Do majeur
4.
Forlane en do majeur
5.
Menuet I et II 3en do majeur
6.
Bourrée I et II do majeur/do mineur
7. Passepied I et II en do majeur
1-7 pour Youtube Reiner |
15-19 pour Youtube Reiner
|
Suite N° 2 En si mineur (BWV 1067) – Vidéo 2 |
Suite N° 4 En ré majeur (BWV 1069) – Vidéo 4 |
·
flûte traversière
·
Violon I/II
·
alto
· Basse continue |
·
Trompette I/II/III
·
timbales
·
Hautbois I/II/III
·
basson
·
Violon I/II
·
alto
·
Basse continue |
Playlist |
Playlist |
2.
Rondeau allegro en si mineur
3.
Sarabande en si mineur
4.
Bourrée I et II en si mineur
5.
Polonaise (Moderato) si mineur
6.
Menuet allegreto en si mineur
7.
Badinerie allegro en si mineur
8-14 pour Youtube Reiner |
20-24 pour Youtube Reiner
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Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
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ZEFIRO Bernardini |
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Fritz Reiner - RCA |
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