lundi 9 juin 2025

BACH – 4 Suites pour orchestre BWV 1066 à 1069 – Zefiro (2016/18) vs F. Reiner (1953) – par Claude Toon


- Waouh Claude, Bach est de retour dans ses suites ou ouvertures, suivant leur dénomination. Mais diable, où as-tu déniché une photo du maestro hongrois Fritz Reiner naturalisé américain qui… sourit ?!

- Hihi Sonia… En effet, Fritz Reiner a sans aucun doute gagné la réputation du chef mêlant le génie d'une direction exemplaire de clarté mais aussi celle du caractère le plus détestable qu'ait eu à subir ses musiciens… insultes, vannes assassines, et même licenciement immédiat… Même au calme, ce type faisait la gueule !!!

- Un enregistrement de 1953 ! Ce n'est pas un peu daté ? En plus la musique orchestrale de Bach suggère plutôt le divertissement…

- Oui le son est dur, mais Reiner démontre, pour ceux qui en douteraient, que l'art de Bach, même en dehors de ses chefs-d'œuvre religieux, témoigne toujours d'une certaine spiritualité… d'une réelle hauteur de vue. Bien entendu en 1953, le courant baroqueux commençait à révolutionner ce style qui fait songer à Brahms… D'où les autres disques proposés.

- J'aime beaucoup la sonorité pétillante de l'ensemble Zefiro… Il me semble que tu avais déjà sélectionné celui-ci pour nous présenter les concerti a due cori de Haendel, les rares concertos grossos qui ne soient pas réservés aux cordes seules…

- Plus de soixante ans séparent ces gravures… Démonstration de la magique adaptabilité de la musique du Cantor par des musiciens inspirés…



Alfredo Bernardini
Fritz Reiner... souriant 😮

Ah Sonia, avec son interrogatoire tatillon et passionné, elle me coupe quasiment l'herbe sous le pied pour rédiger ce billet, le 28ème consacré à Jean-Sébastien Bach. Bien sûr, Bach, pour nombre de mélomanes, reste le maître des œuvres religieuses (une cantate pour chaque jour, seules 224 nous sont parvenues car hélas une petite moitié des manuscrits a été perdue), les deux Passions sorties de l'oubli par Mendelssohn, et de nombreuses pièces pour orgue ou clavier (clavecin à l'époque), dont des ouvrages théorisant la technique définitive du contrepoint et des tonalités chromatiques, citons bien entendu à ce sujet l'Art de la Fugue et le Clavier bien tempéré


Sur le plan orchestral, la production de Bach reste modeste. L'essor des œuvres de types concerto ou sinfonia attendra l'âge classique après la mort du Cantor en 1750, grâce à l'un de ses fils, C.P.E., (une bonne centaine de partitions) et surtout à Mozart et à Haydn qui imposeront le plan définitif académique de chaque forme, en 3 et 4 mouvements. Le choix de Bach ne doit pas surprendre. À travers son art riche en musique religieuse, Bach sollicitait la reconnaissance du divin avant celle du public ou de ses employeurs et mécènes.

Le catalogue BWV par genres comporte 1080 références. Les concertos et œuvres orchestrales sont numérotés de 1041 à 1065 (les six brandebourgeois compris) et de 1066 à 1071 pour les suites/ouvertures : 4 suites complètes et 2 inachevées. 21 ouvrages en tout et pour tout mais des pages d'une fantaisie sidérale...

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Collegium Musicum de Leipzig
au café Zimmermann
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Bach en composant les concertos brandebourgeois répondant à la règle des trois mouvements (sauf le 1er qui en a 4) montrait déjà son fabuleux génie de la variété dans l'orchestration et l'écriture des mélodies. Les concertos grosso de Haendel opus 6 exclusivement pour cordes respectent les règles d'instrumentation germanique  austères à l'inverse de la tradition italienne infiniment plus colorée, on pense immédiatement à Vivaldi. (Clic). Ceux de Bach sont d'une surprenante diversité. Ainsi le IIème recourt à ce quatuor de solistes : flûte à bec alto, une petite trompette baroque aigrelette, hautbois, violon. D'une dizaine de minutes, le discours concertant virevolte allègrement. Inversement, le VIème fait appel en solistes à : 2 altos, 2 violes de gambe, un violoncelle et un accompagnement de cordes et de basse continu. Bach assure une synthèse des styles allemand et italien en ajoutant du contrepoint (fugue). L'ensemble n'ennuie jamais grâce à cette débauche de timbres et par leur verve compositionnelle. Ils sont datés de 1721 environ, la datation des œuvres du Cantor est une science à part entière.

Vers 1723, dans ses Ouvertures, Bach retrouve ce souci de fantaisie mais en respectant à la lettre la forme "suite", soit : un ouverture à la française d'une dizaine de minutes (largo introductif puis développement plus allant) suivie d'une série d'airs de danses plus courts.

Concertos et suites ont été inscrits aux programmes du Collegium Musicum de Leipzig au café Zimmermann. Un lieu dédié à la musique créé par Telemann en 1701 et qui disposait d'un jardin pour donner des concerts en extérieur.

 

En 2019, une chronique consacrée à la 2ème suite apportait, je l'espère, beaucoup de détails sur la conception des suites. La 2ème est la plus célèbre grâce à son final endiablé pour solo de flûte, une sarabande. L'interprétation en vedette (il en existe des centaines) était celle de Nikolaus Harnoncourt. En complément, je proposais les captations du maestro russe Evgeny Mravinky, de Musica Antiqua Köln dirigé par Reinhard Goebel et de l'Academy für Alte Musik de Berlin.

Pour débuter la semaine, voici les quatre suites dans deux styles opposés : un orchestre symphonique moderne des années 50 et un ensemble baroque jouant sur instruments anciens. Cela permet d'établir que la musique de Bach n'est en rien otage d'un mode d'interprétation mais plutôt dépendant de la sensibilité et de la rigueur des instrumentistes.


Julius Baker

Le très ronchon (limite caractériel avec son orchestre) Fritz Reiner entra dans la légende en dirigeant de 1953 à 1963 (date de sa mort) l'orchestre symphonique de Chicago dans un répertoire assez classique, faisant de cet orchestre l'un des meilleurs des USA. Il sera le premier à enregistrer les deux premiers disques stéréo de l'histoire pour RCA en 1954 : Ainsi parla Zarathoustra et Une vie de héros de Richard Strauss. Disques de référence tant par l'inspiration que pour la limpidité et la dynamique de la technique audio (voir aussi Reiner dans Shéhérazade). Fritz Reiner n'était pas un sentimental et sans doute encore moins un mystique 😊. Or jouer Bach consiste d'abord à respecter les indications des partitions, une obsession du maestro hongrois.

On peut s'étonner que cet homme rude apporte une spiritualité hors norme, une grandeur métaphysique, dans ces suites. Et pourtant, évitons de déblatérer, de chercher une raison musicologique, écoutons simplement l'introduction (grave-allegro) de la 2ème suite… L'orchestre de la RCA bouleversera tout auditeur ayant un cœur… La sonorité de la flûte, son vibrato poignant lors du premier solo confine à l'extase. Même remarque à propos de la péroraison du violon à la fin de l'ouverture. Talent du flûtiste Julius Baker* ou exigence implacable du chef ? Les deux sans doute, qu'importe ! La sonorité de la gravure mono est assez rêche, mais que de nuances bienvenues, quelle vitalité. La plupart des gravures concurrentes de l'époque n'offrent pas toujours ce climat quasi romantique (même Scherchen). "Romantique"… un petit siècle en avance, Bach écrivait toujours pour l'éternité… Sonia ne pense-t-elle pas à Brahms ?

(*) Soliste du symphonique de Chicago. Reiner a voulu assurer 😊.


Ensemble Zefiro
 

Après cet hommage à une direction romantique héritée du passé mais en aucun cas révolue, je suggère d'écouter l'ensemble Zefiro placé sous la direction du hautboïste Alfredo Bernardini. Ces musiciens et le label Arcana ont réuni sur deux CD les Concertos Brandebourgeois et les Suites (y compris les deux incomplètes). Idée très judicieuse car les deux cycles sont contemporains et de la même filiation sur le plan de l'orchestration rutilante. Par contre, le premier CD ne comprend que les suites 1, 3 et 4, la 2 étant complémentaire du second CD qui regroupe la Suite N°2, la plus populaire, et les Brandebourgeois.

En 2017 (Clic), nous avons écouté cet ensemble dans une séduisante interprétation des 3 concertos a due cori de Haendel, les seuls comportant des vents. les musiciens jouant tous sur des instruments d'époque. Les gravures de ces suites sont légions, on s'en doute. Ce qui rend exceptionnel cette production parue au début du siècle s'exprime par une série d'adjectifs : enlevés, tempos contrastés mais sans confusion du discours, interventions équilibrées des solistes (les trompettes dans la 3ème), solennel en début d'ouverture mais avec un soupçon d'humour… Les couleurs instrumentales évitent toute acidité fréquente avec les instruments anciens. Bref, une musique altière, que du bonheur…

J'ai volontairement isolé chaque suite en constituant les vidéos. Dans le tableau suivant est présenté la liste des sections de chaque Suite. Bach choisit des airs de danses inhabituels chez le compositeur. Ça change…

En gras, les trois mouvements les plus magiques pour ceux qui souhaitent écouter une sélection histoire de…


Suite N° 1 En Ut majeur (BWV 1066) – Vidéo 1

Suite N° 3 En Ut majeur (BWV 1068) – Vidéo 3

·    Hautbois I/II

·    basson

·    Violon I/II

·    alto

·    Basse continue

·    Trompette I/II/III

·    timbales

·    Hautbois I/II

·    Violon I/II

·    alto

·    Basse continue

Playlist

Playlist

1.   Ouverture (grave - vivace) do majeur

2.   Courante en do majeur

3.   Gavotte I et II en Do majeur

4.   Forlane en do majeur

5.   Menuet I et II 3en do majeur

6.   Bourrée I et II do majeur/do mineur

7.   Passepied I et II en do majeur


1-7 pour Youtube Reiner

  1. Ouverture (grave - Vivace) en ré majeur
  2. Air en do vs ré majeur
  3. Gavotte I et II en Ré majeur
  4. Bourrée en ré majeur
  5. Gigue en ré majeur
    15-19 pour Youtube Reiner

Suite N° 2 En si mineur (BWV 1067) – Vidéo 2

Suite N° 4 En ré majeur (BWV 1069) – Vidéo 4

·    flûte traversière

·    Violon I/II

·    alto

·    Basse continue

·    Trompette I/II/III

·    timbales

·    Hautbois I/II/III

·    basson

·    Violon I/II

·    alto

·    Basse continue

Playlist

Playlist

  1. Ouverture (grave - allegro) si mineur

2.   Rondeau allegro en si mineur

3.   Sarabande en si mineur

4.   Bourrée I et II en si mineur

5.   Polonaise (Moderato) si mineur

6.   Menuet allegreto en si mineur

7.   Badinerie allegro en si mineur


8-14 pour Youtube Reiner

  1. Ouverture (grave aleggro) en rémajeur
  2. Bourrée I et II en ré majeur vs si mineur
  3. Gavotte en do vs ré majeur
  4. Menuet I et II en ré majeur
  5. Rejouissance en ré majeur
    20-24 pour Youtube Reiner

Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée.

Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…


INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. 





ZEFIRO Bernardini

Fritz Reiner - RCA


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