Sonia trouve un livre sur le canapé. Nema n’est pas là. Elle le feuillette, intriguée. Elle pense : "C’est quoi cette histoire de vieux bonhomme juif écrivain ? Et puis ce titre : "Bech aux abois". Vite je regarde sur Internet… Updike…." Nema entre et comprend tout de suite la situation :
- Alors fillette on essaie de découvrir la littérature américaine ?
Nota : la couverture de l'édition anglaise, un chouia sarcastique, a été préférée à celle française… hideuse…
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Prague 1970 |
En 1986 Henry Bech a 63 ans. C’est le héros de ce roman et il est présenté comme "un auteur américain qualifié de seconde zone". L’un de ses romans s’intitule "Grosse pensée". Un petit succès d’estime dans les années 60-70. Il est invité à Prague car ses romans sont traduits en Tchèque. Une réception est donnée par l’ambassadeur dans cette Tchécoslovaquie socialiste, encore sous la coupe de l’URSS. Quel émouvant ambassadeur à l’attitude nuancée et à la femme charmante ! Bech est ému par cet accueil du cercle littéraire qui se cache et qui continue à écrire en cachette. Fini le Printemps de Prague de 1968, bonjour le joug de Moscou. Il passe des moments agréables notamment dans un restaurant avec des amis juifs de l’ambassadeur, mais Bech se sent plus écrivain que juif.
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Manhattan |
Quelques années passent. En 1991, un anniversaire important est célébré avec un "Festschrift", recueil de témoignages élogieux faits à l’écrivain dont on fête les 70 ans. Il s’agit d’honorer Izzy Thornbush ("Buisson épineux" en français 😊 humour de John Updike). Ce n’est pas vraiment un pote de Bech mais ils se connaissent depuis longtemps et ont participé à la même revue début des années 1950. Bech se croit donc obligé de répondre à la demande de l’organisatrice de ce recueil. Leurs styles sont très différents : Izzy l’historien est plus abrupte dans le maniement du langage alors qu’Henry Bech le romancier est plus nuancé. Beaucoup de chamailleries. De fil en aiguille, Izzy arrive à manipuler Bech de telle sorte qu’il devienne le président de la fondation des Quarante.
Cette fondation vivote dans un bâtiment néo-classique au cœur de Manhattan, fondation crée par une généreuse donatrice dans les années 1920, Lucinda Baines. L’objectif est de recevoir 40 écrivains cooptés pour une ou deux réunions annuelles qui donnent lieu à des agapes. Bech admire la secrétaire qui fait respecter scrupuleusement les statuts de cette fondation. Il partage en privé, dans son grand loft, la vie de l’agente d’Izzy, Martina. Car Bech est en fait un homme à femmes même s’il prend de l’âge. Retour à la fondation, quelle cacophonie lorsqu’il faut départager les candidats au remplacement des sièges vacants ! Untel est trop ceci, unetelle trop cela… bref rien ne va.
Finalement, ne serait-il pas plus sage de liquider et de vendre cette propriété qui devient un gouffre financier ? Et Martina n'est-elle pas un peu trop jeune pour rester avec Bech, elle qui se moque doucement des membres de cette vénérable institution ?
Nouvelle époque, celle du procès de Bech. Quelle affaire ! une vieille affaire en fait, celle de critiques jugées diffamatoires, que Bech aurait faites dans un journal à l’encontre de Morris Ohrbach. Celui-ci fera une cocasse apparition au procès (qui se déroule à Los Angeles et donc coûte très cher à Bech). Il y a une quantité énorme de témoignages, on se croirait dans un film de Woody Allen. L’agente de Bech lui donne des conseils. C’est tragicomique.
Avant dernière période de vie de notre héros : une période noire. Noire au sens film noir. Meurtres prémédités. Il faut que la terre soit nettoyée de certains écrivaillons qui sont la honte de la profession. Henry Bech se transforme en justicier. Et sa jeune compagne, Robin (diminutif de Rachel) va l’accompagner dans une série de délires plus ou moins sanglants. Lui a 74 ans et pas un grain de sagesse et elle avec ses 26 ans déborde d’enthousiasme. Carrément.

Et à la fin (mais est-ce vraiment la fin ?), nous serons entraînés à la cérémonie de remise du prix Nobel de littérature en Suède. Que de réflexions pour la préparation du fameux discours qui doit être fait avant de recevoir le prix ! Et quand les mots sont enfin prononcés, tout est tourné en dérision. Ce Nobel de littérature est-il mérité ou simplement donné à un Américain parce qu’il faut alterner les pays d’origine, parce qu’il faut éviter de froisser…
L’ensemble est un roman piquant, doux amer sur l’avancée en âge d’un homme de lettres, un peu moqueur mais parfois tendre. A noter que ce livre est le dernier d’un cycle de trois romans avec Bech comme héros. Le style de John Updike est toujours là. Né en 1932, il nous quitte en 2009 après avoir écrit de nombreux romans, des nouvelles, des critiques et reçu de multiples prix dont le prix Pulitzer pour les aventures de Harry "Rabbit" Angstrom.
Il est également l’auteur des Sorcières d’Eastwich (porté à l’écran avec Jack Nicholson). Merci à Michèle Hechter pour sa traduction fidèle et allègre.
Bonne lecture !
Editions du Seuil - 249 Pages
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