- Dis Claude, tu te rappelles de la chronique de Luc sur le film Il Boemo de Petr Vaclav de 2023… Notre boss* avait commenté ce biopic sur le compositeur tchèque Josef Mysliveček et demandait gentiment en conclusion si tu avais un projet de chronique…
- GENTIMENT !!!! Elle est bien bonne ! Luc écrivait "J'ai cherché dans l'index musique classique pour voir si le Toon nous avait parlé de ce gars-là, rien, nada, peau d'zob ! Le plus célèbre inconnu du Classique !"… Hein Sonia, la formulation "peau de d'zob" est sympa, très classe, si si ! Comprendre : Le Toon ostracise, méprise les seconds couteaux alors que je m'acharne justement à faire découvrir les oubliés du répertoire… L'index en témoigne…
- Oui oui, Claude, surtout les scandinaves… et…
- ET RIEN DU TOUT !! Scandinaves ? Pff, pas faux mais bien d'autres. N'enfonce pas le clou Sonia… Bon, je me calme, la discographie de Mysliveček n'encombre pas les médiathèques… Une fois de plus Chandos fait preuve d'initiative…
- Mais je trouve que ce que j'entends me fait penser à Mozart ou Haydn…
- Mouais ! Quand ils avaient douze ans… Mais j'avoue que même si ça ne concurrence pas la Jupiter de l'un ou les Londoniennes du second, la vitalité, l'élégance et la bonhomie sont au rendez-vous et bien agréables à écouter…
* Il ne l'est qu'à titre honorifique mais si ça lui fait plaisir…
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Josef |
J'ai mis vingt minutes à trouver la date de composition de ce cycle de six symphonies parmi les quatre-vingt cinq écrites. Les informations sur Josef Mysliveček ne saturent pas le web. Je n'ai pas le CD physique présenté donc le livret, surement en anglais et en allemand, même pas en français, comme c'est bizarre pour notre grand pays de mélomanes exaltés si friands de nouveautés 😊. Tiens, justement à propos de la mélomanie hexagonale, il devient quoi Christophe Maé, le crooner des ménagères quinquagénaires d'après Nema…
Soyons honnête, l'intérêt premier de ma participation au blog est de farfouiller dans l'innovation, rédiger des articles de synthèse les moins académiques possibles sans sombrer dans l'entrefilet de la taille d'un texto. Il était chouette le billet Edgar Varèse vendu sans Doliprane… Un boulot de fou pour initier sans snober… Chuis déchainé aujourd'hui !
- Pourquoi Maé il n'est pas en rouge comme les autres compositeurs… Heuuu, rien, je sors…
Un peu de sérieux. N'ayant pas vu le film commenté par Luc, je me prépare à résumer la biographie de Mysliveček en espérant ne pas spoiler la fin du film… Cela dit un biopic n'est pas un polar avec suspens insoutenable et twist dans les derniers plans. Comme bien des compositeurs, et je pense à Mozart boudé et maladif, Beethoven victime de surdité, Bach et Haendel atteints de cécité en fin de carrière, Mysliveček connaîtra la jeunesse et la gloire et la chute dans l'oubli à cause de la maladie, victime comme Schubert de la syphilis…
Laissons de côté les galères tristounettes pour un peu plus de gaîté. Josef voit le jour en 1737 à Prague. (Haydn en 1732 et Mozart en 1756). Le baroque tardif disparaît doucement avec la mort de Bach vers 1750 au bénéfice de l'époque classique dont les fondateurs seront les fils de Bach, C.P.E. Bach entre autres et Haydn dont la longévité lui permettra d'atteindre les débuts du romantisme au XIXème siècle. Les deux autres "classique" illustrissimes étant, comme vous le savez, Mozart et le jeune Beethoven.
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Giovanni Battista Pescetti
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Non, le Deblocnot, ligne éditoriale "classique", n'a à ce jour aucunement limité ses articles aux chefs-d'œuvre du tchèque Antonin Dvořák, le père des indémodables symphonie du nouveau monde et du concerto pour violoncelle… Certes le plus connu des compositeurs de Bohème a bénéficié de 16 chroniques. Pourtant le maître ne rencontra la consécration que tardivement 😊… Mais citons les lauréats plus discrets servis par ma prose : Jan Ladislav Dussek, Isaac Ignaz Moscheles, Jean Baptist Vanhal, František Xaver Dušek, quatre compositeurs de l'époque classique et romantique… présentés au fil des ans. D'autres de différents pays européens ont également profité d'une résurrection discographique notable et donc de billets mérités.
Donc faites comme Luc, rendez-vous dans l'index. Pour la plupart de ces musiciens, les chroniques proposaient des gravures de musique orchestrale, celles qui sont le plus souvent remises au goût du jour par les labels. La plupart comme Dušek ont vu leur discographie également consacrée à une riche musique de chambre bien éditée, mais on ne peut pas parler de tout… Quoique…
Quant au lien avec Mozart, il est bien réel et biunivoque. Les compositeurs tchèques fréquentaient assidument l'univers musical viennois ; Vienne : la capitale artistique à l'époque. ET Mozart aimait séjourner à Prague. Le génie salzbourgeois était mieux accueilli par un public moins conservateur. Don Giovanni y rencontrera un franc succès, là où Vienne l'avait boudé. Enchanté par cette notoriété, Mozart composera en remerciement sa si majestueuse Symphonie N°38 dite de Prague.
La famille Mysliveček a construit une belle fortune en tant que minotiers. (Maître Cornille d'Alphonse Daudet n'était qu'un simple meunier (synonyme) 😊). Josef arrive au monde en compagnie d'un jumeau prénommé Jáchym. Nés dans une famille aisée, ils suivent des études générales solides qui doivent les préparer à reprendre la minoterie. À cette formation généraliste, s'ajoute des cours musicaux dont l'apprentissage du violon, Josef devient un virtuose. Peu passionné par les moulins et la farine, lors de la disparition de leur père, l'entreprise sera gérée par Jáchym tandis que Josef décide de se tourner vers une carrière musicale, bien qu'il ait suivi comme son frère l'enseignement de meunier d'une durée de… 3 ans !
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Matthias Bamert
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En 1764, âgé de 27 ans, il quitte sa patrie ravagée par la guerre de sept ans pour l'Italie. Une guerre qui vit s'affronter l'Autriche, la Prusse, la France et l'Angleterre. L'Europe est à feu et à sang. Vive le soleil vénitien. Le comte Vincent von Waldstein mécène d'une grande famille de Bohème lui octroie une bourse pour étudier auprès du compositeur Giovanni Battista Pescetti qui hélas meurt en 1766. Comme son maître, Josef commence à devenir un stakhanoviste de l'opéra. Il sera même surnommé le père de l'opéra tchèque. Il triomphe sur diverses scènes, la paix revenue, et même de nos jours certaines de ses productions font le bonheur de la discographie des labels imaginatifs…
Les commandes sont nombreuses : 25 opéras entre 1766 et 1780. La guerre s'étant terminée en 1763, il peut voyager en Italie et en Europe : Milan, Prague, Padoue, Florence, Vienne… Mais la première rencontre avec le jeune Mozart aura lieu à Bologne en 1770, un adolescent de 14 ans qui a déjà du métier ! Mozart apprécie son talent et nul ne peut douter l'influence que Josef aura sur le style du prodige qui confirme chaque année un peu plus son génie. Nous voici à la date à laquelle, malgré les interdits de l'Église, Mozart transcrit le sublime Miserere d'Allegri de mémoire (partition disparue). De cette rencontre jaillira la 11ème symphonie. Elle ne comporte que trois mouvements, une instrumentation simple, une tonalité majeure et ne dure qu'une douzaine de minutes. Structurellement, c'est presque une copie de celle de Mysliveček. (Clic). Je vais revenir sur le sujet…
Sa production ne se limite pas à l'opéra, malgré l'exigence du public (l'opéra de style italien n'est rien d'autre que le cinéma de l'époque, avec ses musts et beaucoup de nanars 😊). Josef compose dans tous les genres : oratorios, sonates, musique de chambre (trios, quatuors et quintettes), concertos et n'oublions pas 85 symphonies dont plusieurs manuscrits ont disparu.
Josef mène grand train de vie, a la réputation d'être un homme à femme, notamment avec les cantatrices pour les amener à chanter ses œuvres lyriques. Il ne se mariera jamais. Cette existence à la Casanova sera peut-être à l'origine de ses dettes chroniques, mais comme tous les adeptes du libertinage au siècle des lumières, il y aura bien plus grave…
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La chute... (Photo du film IL Boemo) |
Voir la chronique de Luc (Clic) |
En 1774, les premiers symptômes de la syphilis se manifestent. Josef est atteint de la pire des formes, celle qui, telle la lèpre, creuse d'affreuses lésions sur son visage. (je déconseille aux personnes sensibles de chercher des photos.) Vers 1776, il se rend à Munich où un chirurgien croit bien faire en tentant une opération maxillo-faciale. Josef repart défiguré, sans nez, comme une gueule cassée de 14-18. Il porte un masque, souffre… Son public et ses rares amis, des opportunistes la plupart du temps, se détournent progressivement de lui. Il travaille peu, il essaye d'aider Mozart, de l'inviter en Italie, les deux hommes se brouillent. il est ruiné. Cette descente aux enfers prend fin dans une chambre louée à Rome. Nous sommes le 4 février 1781, il a 43 ans. Josef Mysliveček qui a connu la gloire sombre dans les oubliettes de la musique, jusqu'à nos jours…
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Parler de compositeur de symphonies à propos du tchèque Josef Mysliveček n'est autre qu'un abus sémantique. Pourquoi ? la réponse est dans cette affirmation. Josef est tchèque. Hors si l'on écoute certaines symphonies de Mozart ou de Haydn écrites entre 1760 et 1775 environ, les deux autrichiens nous entraînent dans un monde envoutant, des ouvrages à quatre mouvements, d'une durée de 20 à 25 minutes et surtout dont l'objectif intellectuel n'est plus de divertir mais d'émouvoir. L'orchestration est plus riche. Citons : la célèbre 25ème de Mozart (1773) et quatre partitions de Haydn : les symphonies N°49 "La Passion", N°26 "Les Lamentations", N°44 "Funèbre" et N°45 "Les Adieux", (datées entre 1768 et 1772). Toutes sont caractéristiques d'un mouvement philosophique et politique nommé Sturm und Drang (Tempête et Passion). Considérons d'ailleurs cette idéologie comme les prémices du romantisme.
Hors oui, Josef est tchèque et vit en Italie où ce mouvement littéraire n'aura aucune influence… Il compose des œuvres courtes, pimpantes, destinées essentiellement au divertissement dans les salons BCBG ! Donc Sinfonias et pourquoi pas divertimentos seraient des appellations plus appropriés, tant on reconnaîtra le style des divertimentos K136 à 138 du jeune Mozart ou celui des sérénades de jeunesse telle "la petite musique de nuit" 😊.
Josef compose des œuvres instrumentales très colorées malgré une orchestration minimaliste : 2 hautbois, 2 cors et les cordes. La symphonie N°31 "Paris" de Mozart de 1778 comprendra : 2 flûtes, 2 hautbois, 2 clarinettes, 2 bassons, 2 trompettes, 2 cors, timbales et cordes ; soit l'effectif classique définitif utilisé par Haydn dans les Londoniennes et par le jeune Beethoven. Mysliveček n'utilise que des tonalités majeures, plutôt guillerettes et la forme s'abstient d'intégrer un menuet (3ème mouvement et futur Scherzo).
Au programme, six symphonies de 1772. Voici en enregistrement du compositeur et maestro Matthias Bamert, proche des compositeurs modernistes comme Boulez ou Stockhausen, mais qui se passionne pour la redécouverte des musiques ostracisées du XVIIIème siècle !
Symphonie F 26 en ut majeur 1. Allegro con spirito 2. Andante 3. Presto Symphonie F 27 en la majeur 4. Allegro con brio 5. Andante 6. Allegro |
Symphonie F 28 en Fa majeur 7. Allegro 8. Andante 9. Presto Symphonie F 29 en ré majeur 10. Allegro assai 11. Andante grazioso 12. Prestissimo |
Symphonie F 30 en si bémol majeur 13. Allegro con spirito 14. Andante 15. Presto Symphonie F31 en sol majeur 16. Allegro con brio 17. Andante 18. Presto assai |
Écoute au casque ou avec des enceintes additionnelles plus que conseillée. Le son des PC, sauf exception, est vraiment une injure à la musique…
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INFO : Pour les vidéos ci-dessous, sous réserve d'une écoute directement sur la page web de la chronique… la lecture a lieu en continu sans publicité 😃 Cool. |
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