vendredi 20 décembre 2024

CONCLAVE de Edward Berger (2024) par Luc B.


Le timing est parfait avec la visite en France… enfin, en Corse, de Francesco the First. Comment élit-on un pape ? On réunit les cardinaux lors d’un conclave, pas au Formule 1 du coin, mais à la chapelle Sixtine, tant qu'à faire. Et comme ce qu'il s’y passe est tenu secret, on n’en sait guère plus. Sauf en allant voir CONCLAVE, le film d’Edward Berger ! Pour le reste de l'intrigue, toute ressemblance avec des faits réels, bla bla bla… 

Parce que ce film s’apparente davantage à un thriller aux rebondissements machiavéliques, avec un épilogue carrément tiré par la tiare. Y’a des coups de pieds au culte qui s’perdent ! Il est même surprenant de ne pas avoir entendu les milieux catholiques tradi hurler au blasphème à la sortie du film. Un coup de mou dans le goupillon ? 

CONCLAVE n'est pas une satire, ni une charge, c'est avant tout un divertissement, un scénario bien ficelé tiré d’un bouquin de Robert Harris, romancier moult fois adapté au cinéma.

« Le pape est mort ! » entend-on dès le début. Le doyen, le cardinal Lawrence (Ralph Fiennes) est chargé d’organiser le conclave, dont les tenants et aboutissants sont parfaitement rendu par le réalisateur, qui nous montre dans le détail tout ce qu’il y a à savoir. Les cardinaux sont littéralement enfermés, privés de moyens de communication, les scrutins se succèdent jusqu’à ce que l’heureux élu obtienne les deux tiers des votes. Les bulletins sont comptabilisés, puis troués d’une aiguille, enfilés à un cordon, et brûlés à chaque fin de scrutin.

Quatre cardinaux font campagne. Aldo Bellini, plutôt libéral, Joshua Adeyemi et Joseph Tremblay, conservateurs, et à l’autre bout du spectre, Goffredo Tedesco, un réac qui souhaite revenir sur Vatican II. 

Juste avant de sceller les portes, le cardinal Lawrence est confronté à deux problèmes. Il apprend que le cardinal Tremblay est la dernière personne à avoir vu le pape avant qu’il ne meurt, et il semblerait que la discussion fut houleuse, sa démission exigée. Ce que nie l’intéressé, mais il va falloir enquêter là dessus. Et puis arrive à la dernière minute le cardinal mexicain Vincent Benitez, que personne ne connaît, inscrit sur aucune liste, qui officiait en Afghanistan. « A Kaboul ? Y’avait un cardinal à Kaboul ?! » s’exclame tout le monde dubitatif.

La charge est lourde pour Lawrence, qui doit faire respecter les règles strictes du conclave, tout en démêlant les imbroglios, faire avec les exigences et susceptibilités des uns et des autres. N'étant pas officiellement candidat, il promet de rester neutre, sauf que dès le premier tour, certains ont voté pour lui ! Le doyen n'est sans doute pas aussi clair que l'eau du bénitier...

Il y a au départ un scénario épatant, en mode Cluedo (J'accuse le Père Lachaise, dans la sacristie, avec le goupillon...), relancé par quelques rebondissements, un esclandre entre Joshua Adeyemi et une sœur au réfectoire, les mystérieux billets d’avions de Vincent Benitez payés par le pape himself, la soeur Agnès (Isabella Rossellini) en mode je sais tout mais je ne dirai rien… 

Là dessus vient se greffer la mise en scène d’Edward Berger, dont la première qualité est de savoir utiliser ses décors, reconstitués à Cinecittà. Beaucoup de plans géométriques pour dire la rectitude des lieux et des usages, il joue sur l’obscurité, les conciliabules secrets, la couleur rouge est omniprésente, mais aussi le blanc (superbe plan des cardinaux sous leurs parapluies, où les colonnes éclairées par la lumière extérieure) et il respecte le huis-clos.

Berger s’amuse avec les codes de thriller, rien ne manque, portes qui claquent au loin, bruits de pas feutrés, regards obliques, ombres qui passent… Le suspens est maintenu, chaque tour de scrutin révèle les trahisons ou les ententes, les jeux politiques. La cheminée fumera-t-elle en blanc ou en noire ? Je suis plus circonspect sur cette explosion inattendue (au sens propre!) qui vient troubler les débats.

Le plaisir qu’on prend à suivre cette intrigue tient aussi dans l’interprétation des comédiens chevronnés. Ralph Fiennes prostré, tout en demi teinte, John Lihtgow au port aristocratique et donc forcément suspect, Stanley Tucci goguenard derrière ses binocles (lui j’l’adore depuis toujours), Sergio Castellitto effervescent en superbe crapule réac, Isabella Rossellini, mutique, qui ne porte pas franchement les même fringues que dans BLUE VELVET… On est plus proche de LA CONSPIRATION DU CAIRE (2022) de Tarik Saleh, que du NOM DE LA ROSE (1986) de Jean Jacques Annaud

Le film d’Edward Berger ne révolutionne rien, mais le contexte est original, les images et lumières sont particulièrement soignées. N’y cherchez pas de débats théologiques de hautes volées (entre celui qui défend les gays dans l’Église et l’autre qui ne jure que par le latin, on frise la caricature) on n'est pas chez Nanni Moretti et son HABEMUS PAPAM (2011) mais dans un aimable divertissement tout à fait recommandable.


couleur  -  2h00  -  Format scope 2:1.39 

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