jeudi 25 juillet 2024

LEMMY KILMISTER par Benjamin

 

« Un monde gagné par la technique est perdu pour la liberté » 

(George Bernanos)

L’occident eut ce défaut, sans doute lié à l’influence du christianisme, de penser que l’esprit était indépendant du corps. Oppressé par un mode de vie malsain, comprimé par l’omniprésence des sons et des images, aliéné par des idéologies ridicules, l’esprit humain ne cesse de se ratatiner. Le corps étant plus l’incarnation de l’homme que la simple enveloppe de son âme, les allures se sont avachies et rabougries à mesure que les âmes suffoquaient. Nombreux sont ceux résumant cet avachissement aux ravages que l’obésité cause sur les classes populaires, tant il est vrai que la haine de son peuple est la tare incurable de l’écrivaillon de gauche. Le bourgeois moderne, lui, montre son inconsistance culturelle par une maigreur de phasme à trottinette.

Je ne parle même pas des psychanalysés aux cernes abyssales, des anxieux aux fronts plissés par l’intensité de leurs passions tristes, des hystériques aux yeux exorbités, des narcissiques aux corps piercés et tatoués. La disparition progressive de l’humanité de l’homme commença par la déformation de son corps, déclin causé par un trop grand confort et la sédentarité imposée par l’aliénation technologique. Réfugié dans ses écrans et pensées désincarnées, il commença à imaginer un monde dénué de contraintes liées à son sexe, un univers où tout serait régi par les élans brusques des caprices de cet homme enfant. Pour avoir tenté de mettre un frein à cette dérive monstrueuse, les auteurs de transmania doivent aujourd’hui subir les pires injures et les plus violentes menaces.

Dans un tel univers, les hommes les plus sensibles sont parfois tentés de déifier la nature, d’idéaliser la bête pour cacher leur mépris de l’homme. Si tout être doté d’intelligence ne peut que comprendre leur tristesse devant le long déclin de l’humanité, leur fanatisme irrationnel n’est rien d’autre que le lointain écho des refrains meurtriers de la lèpre communiste. La nature épanouit l’homme disent-ils, oubliant ainsi qu’elle limite également son espérance de vie. Rien n’est plus insupportable que ces hydrocéphales frêles, ces amoureux d’une nature qu’ils ne voient que dans les films, ces larves ivres de confort au point de défendre un retour à la nature qui les tuerait en quelques jours. 

Car la nature est dure, la nature est violente, la nature est une matrone sévère, une tortionnaire ne permettant que la survie des forts. Le destin de l’homme n’est pas de vivre en harmonie avec elle, mais d’en maîtriser suffisamment les emportements pour permettre la survie de son espèce et de quelques autres. Du mépris de l’homme avec un grand H au mépris des hommes avec un petit h il n’y a qu’un pas, que notre chère modernité franchit gaiement. La notion de mère nature est elle-même éminemment démonolâtre, elle présente la flore comme la victime des emportements destructeurs des hommes.

Cette vision s’inscrit dans la lignée de la dévalorisation du courage, du caractère, de la force, de l’allure etc. Toutes ces valeurs si longtemps liées à l’expression d’une virilité épanouie. L’homme semble pourtant être le dernier rempart contre la barbarie instaurée par l’union des cultureux et des marchands, si seulement il pouvait se rappeler cette phrase de Camus « un homme ça s’empêche ». Ce dont il doit aujourd’hui s’empêcher, c’est de céder aux sirènes d’un défaitisme castrateur et de la nonchalance d’une vie trop confortable.

Voilà pourquoi, envers et contre tous, la figure de Lemmy s’impose comme un exemple à suivre. Né à Liverpool, le jeune homme vit le rock comme une révélation. Toute sa vie il ne cessa de crier son admiration pour le plus grand groupe de la ville, The Beatles. Pour lui, les Stones ne trônèrent jamais sur le même sommet, il les voyait comme des bourgeois s’encanaillant grâce au rock’n’roll.

Les Beatles, eux, furent issus de cette classe laborieuse qui offrit au rock ses plus grands régiments. Si le groupe de Paul McCartney est aujourd’hui qualifié de pop, c’est oublier un peu vite « Twist and shout », « Helter skelter », « Revolution », « Back in the USSR » et autres perles issues du fond des âges rock. Le rock, Lemmy Kilmister l’aimait brutal et nerveux, puissant et sauvage, mais il lui fallut suivre un peu les rêveries de son époque. C’est ainsi que, alors que les chants se firent rêveurs et les mélodies douces, les premiers groupes du bassiste reprirent « Dandy » des Kinks et autres bluettes pop. Lemmy devint ensuite roadie pour The Move et Jimi Hendrix, qui lui fit découvrir le LSD. Cette substance le fit entrer dans une nouvelle dimension, celle d’un rock hallucinant fait de distorsions sonores et de textes dystopiques. 

Ainsi naquit le vaisseau Hawkwind, rutilante machine mettant en musique le pessimisme paranoïaque de la science-fiction. Pour HawkwindLemmy fut un réacteur aussi indispensable qu’ingérable, une pièce vitale mais indépendante du reste de l’ensemble. Car ce Goliath au physique de barbare préféra vite l’énergie offerte par le speed aux douces rêveries du LSD. Puis il y eut « Silver Machine », qui le vit faire de l’ombre au chanteur du groupe le temps d’un tube immortel. L’aventure Hawkwind ne dura que quelques mois, qui virent le groupe graver trois classiques et traumatiser des dizaines de hippies lors de rituels tonitruants.

Et il y eut surtout cette basse qui, loin de se contenter de marquer le rythme, le faisait décoller à une vitesse supersonique. Les potards à fond et les doigts secouant frénétiquement les cordes, Lemmy fit de la basse une troisième guitare. D’abord fondé avec d’ex-musiciens des Pink Fairies, Motörhead fut le groupe célébrant la puissance révolutionnaire de ce bassiste libertaire. Vint ensuite la formation emblématique, celle composé du batteur Phil Taylor, du guitariste Eddie Clark et, bien sûr, du bassiste Lemmy Kilmister. Vêtu de cuir, jean et cartouchière, le trio creusa le sillon d’un rock assourdissant et conquérant, la musique des jeunes hommes au sommet de leur puissance virile. Chaque titre fut une bataille épique, chaque concert une lutte à mort pour la gloire, chaque rythme un bombardement destructeur. 

Il y eut les batailles « Ace of spades », « Bomber », « Overkill » et surtout « No sleep ’til Hammersmith », leur Austerlitz à eux. « No sleep... » fut le seul grand succès commercial de Motörhead, il représenta également le sommet indépassable d’un groupe ayant poussé le rock au-delà de ses limites sonores. Car, contrairement à ce qu’en disent les aptères de l’aliénation heavy métallique, Motörhead fut avant tout un grand groupe de rock’n’roll. Il y eut bien quelques dérapages, comme ce « Sacrifice » flirtant un peu trop avec le bourbier sonore de la génération Metallica. « Orgasmatron » fut plus intéressant, tant il synthétisa le mariage unique du nihilisme punk, de la puissance heavy blues et de l’énergie rythmique rock’n’roll qu’opérait le groupe.

Lemmy comprit immédiatement que ces punks, comme lui, cherchaient à réveiller un rock englué dans ses délires expérimentaux et ses compromissions. L’homme était loin de tous les codes du show business, ne rentra dans aucun de ses troupeaux et ne suivit aucun de ses préceptes. Suivant le modèle des pionniers, il hurla ses slogans de titan en rut, laissa les journalistes lui imputer un nombre astronomique de conquêtes sans les contredire. Puis il y eut ces chansons pleines de rage et d’envie de lutte, ces textes déplorant les ravages des guerres passées tout en honorant le courage de leurs soldats. Sans oublier ses appels à vivre plutôt que de se contenter d’exister, ces riffs sonnant comme des coups de tonnerre destructeurs, ces cris bestiaux tentant de réveiller l’homme anesthésié par le confort moderne.

Pendant des années, le colosse Lemmy hurla au milieu de la tempête motöredienne, indestructible Goliath bombant le torse tel un vestige de la déclinante masculinité occidentale. C’est aussi lui qui, après le massacre du Bataclan, voulut que Motörhead joue au plus vite dans la salle attaquée*. La puissance rock de son groupe aurait alors pris une allure grandiose, celle d’une riposte rageuse face à la barbarie, d’une bombe lancée sur les fanatiques islamo-fascistes. Mais la France préféra les pleurs et les bougies, les nerfs anesthésiés de ce peuple sont devenus insensibles à la colère, le courroux masculin étouffe sous les débordements d’un sentimentalisme efféminé. Alors, quand le pacifisme d’un monde d’eunuques étouffe la saine expression d’une juste colère, lorsque la pénurie de courage condamne les hommes à l’impuissance, les rugissements du titan Lemmy viennent nous rappeler que la vie de l’homme est une lutte qu’il ne faut pas fuir.

* Lemmy Kilmister est décédé presque un an avant la réouverture du Bataclan (N.D.É)

Plutôt que les éternelles "Ace of spades" et autres "Overkill", voici quelques raretés...  

7 commentaires:

  1. Encore 5 paragraphes digressifs (plus le dernier en guise de "piqure de rappel"), toujours les mêmes d'ailleurs, teintés de Réaction, d'anti-technologie (alors que l'article est publié sur... Internet), de rancœur envers la "bourgeoisie de gauche" (pas celle de droite ?) et, petite nouveauté, de virilisme (Pitoune et Trump le monde vous tendent les bras...), avant d'arriver péniblement au cœur du sujet, sur des artistes qui s'inscriraient possiblement en faux avec cette "philosophie".

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  2. Mettre sur le même plan poutine et Trump montre déjà une tendance idéologique qui ne sert pas votre critique

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    1. Vous avez raison : Trump est nettement plus ridicule donc plus drôle, si on a le cœur à en rire...
      Rhétorique guerrière et populiste, paranoïa, pouvoir autocritique, état policier, hostilité vis-à-vis des minorités, foi inébranlable en le capitalisme le plus vil et carnassier... Ces deux-là, de même qu'Orban, "Bibi" (sic), Bolsonaro ou Milei cochent de nombreuses cases (voire la totalité. Je rajouterais même impérialisme / colonialisme pour deux d'entre eux), qui chez nous les classeraient à juste titre à l'extrême-droite. Ils sont d'ailleurs les héros de beaucoup de représentants / militants / électeurs de ce camp-là. Qui se ressemble s'assemble...

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    2. Bon, sur ce, je vais aller frotter des pierres pour allumer un feu et faire cuire ma viande puis me coucher sur une planche cloutée... La technologie et le confort, ça ramollit, c'est pas comme ça qu'on va gagner les guerres...

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  3. La critique de Trump non argumentée est surtout la marque des gens soucieux de montrer leur conformisme intellectuel même si je ne fais pas partie de ses partisans.
    Mais là n'est pas le sujet.
    Quant à la caricature que vous faites de mon propos sur le confort, je vous renvoie simplement à des livres tels que sur les chemins noirs et dans la forêt de Sibérie de Sylvain Tesson.
    Vous comprendrez alors mieux que l'on peut critiquer le trop plein de confort de la société du confinement et du télétravail. Mais n'avez vous donc lu que mon Introduction pour qu elle vous obsède ainsi ?

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    1. J'ai tout lu mais à vrai dire cet artiste et son genre musical ne m'intéressent pas vraiment. Mais c'est cocasse de dénigrer les tatouages (je n'aime pas ça non plus) pour mettre plus bas une photo où il en arbore un (pas sur tout le corps, certes). Il en rigole lui même !

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  4. Et alors ?
    Le tatouage est un exemple...
    Bref comme vous venez de l'avouer le sujet ne vous intéresse pas. Ce qui vous embête est le point de vue porté en ouverture.
    Mais je n'entrerai pas dans un combat idéologique avec vous, d'autant que le sujet n'est pas là.

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