mardi 23 janvier 2024

ANGE - Le cimetière des arlequins (1973) - par Pat Slade


1973 sera l’année Ange, celle de la reconnaissance dans le monde du rock progressif.



Le festival de Reading ou l’absentéisme des journalistes

Après avoir tourné pendant trois ans, jouant entre autres le premier opéra-rock de Christian DescampsL’épopée du Général Machin“, et sorti les 45 Tours IsraëlTout Feu Tout FlammeLe Soleil Est Trop VertAnge publie en 1972 son premier album : ”Caricatures. Ainsi commence la longue route du plus ancien groupe de rock français. Un rock progressif bien à lui avec le son de l’orgue Hammond de Francis Decamps et les textes de Christian Decamps teintés d’une certaine poésie médiévale. A cette époque les groupes poussaient comme du chiendent, Alice, Atoll, Dynastie Chrisis ou Triangle , tous se faisaient une petite place au soleil. Mais le  coté théâtrale et le son du clavier de Francis Décamps mettra Ange au dessus du lot.

Après la sortie de ”Caricatures“, le groupe gagne en popularité et part en tournée, il assurera la première partie de Johnny Hallyday lors du premier concert de sa tournéeJohnny Circus“, un concept qui allie rock et numéro de cirque. Malgré l'originalité et l'ambition du projet, le ”Johnny Circus“ est un relatif échec et un gouffre financier pour Johnny Hallyday. En  1973, le groupe enregistre son second album, ”Le Cimetière des Arlequins“. Pour promouvoir sa sortie, Ange donnera de nombreux concerts et le top adviendra le 26 aout 1973 en Angleterre au festival de Reading. 
              

Le Reading festival est l'un des plus anciens festivals au monde de musique populaire qui soit toujours en activité. Même s’il accueille différents styles comme du hard-rock, alternatif, punk de nos jours, dans les 70’ le rock progressif remplissait les gradins. Et ce jour d’aout 1973 Ange partagea la scène avec Genesis et The Spencer Davis Group. Étalée sur trois jours l’affiche proposait des noms comme Rory Gallagher, Magma, Status Quo et The Alex Harvey Band. Le festival de Reading a une longue “tradition” (Si on peut appeler ça une tradition !) de jets de bouteille et d’objets divers sur les groupes de moindre importance, le public anglais est intransigeant. Et devant les 30 000 personnes présentes ce jour-là, on pouvait penser que le petit groupe français ne ferait qu’une courte apparition face a la tête d’affiche qui était Genesis et pourtant ils fausseront les pronostiques. Ange fera lever le public et rencontrera un très gros succès au grand dam du groupe et de son manager puisqu’aucun journaliste français n’était sur place ce jour-là. Même si ce fut un manque à combler, cela n’empêchera pas le groupe de continuer sa route. 

Le Cimetière des Arlequinsest musicalement la suite logique de ”Caricatures“. Même si la sonorité n’y est pas formidable, les renforts panoramiques donnent une couleur particulière à ce bel album. Beaucoup de curiosités, déjà par la reprise de ”Ces Gens-là“ de Jacques Brel qui sera amputé d’un couplet pour être remplacé par un solo de guitare de Jean-Michel Brezovar comme l’expliquera Christian Decamps sur l‘album ”Nous n’avons pas voulu te prendre Frida“. Un titre qui restera dans le répertoire scénique du groupe puisqu’il sera le dernier morceau joué. ”Aujourd’hui c’est la fête chez l’apprenti sorcier“ Un son un peu gras, un orgue lumineux et des paroles délirante, tout ce que l’on demande à Ange ! ”Bivouac (1er partie)“ un morceau bizarre, au refrain tarabiscoté, alambiqué un peut farfelu mais sinon on reste dans ce coté provinciale très médiéval dans le reste des paroles. Un bon titre de la fratrie Decamps. ”L’espionne lesbienne“ sur une musique de Daniel Haas et des paroles de Christian, on fleurte avec le scabreux, et les paroles pourraient apparaitre dans un recueil de Boris Vian. Pour finir la première face (Eh oui ! Je suis encore au vinyle !) ”Bivouac (final)“ un instrumental de 3 minutes.

Christian Decamps
Face 2 : ”De temps en temps“ Un joli titre des frères Decamps avec une dernière note qui ”s’envole“ comme si l’ingénieur du son s’était endormi sur sa console et aurait poussé malencontreusement un curseur tout en accélérant le défilement de la bande. ”La route aux cyprèsDaniel Haas, pour un second titre, voici un genre de musique que l’on retrouvera sur son album instrumental ”Couleurs du temps“ cinq ans plus tard. ”Le cimetière des arlequins“ : la pièce maitresse avec ses 8.50 minutes et son atmosphère un peu sombre. Un début basse et clavier sur des paroles toujours aussi médiévale et avec une certaine recherche délirante. Un vrai son progressif de l’époque avec ses crescendos lyriques qui offrent un final toute en puissance.  

Les premiers exemplaires commercialisés de l'album présentent des autocollants et sont accompagnés d’un transfert pour tee-shirt. La pochette de l'album représente une peinture d'un artiste d'origine russe, Jacques Wyrs, une illustration extraite de la série Monuments Stellaires. ”Le cimetière des arlequins“ est un plat constitué de progressif anglais et de populaire français et la combinaison des deux en fait un album très bon, pour preuve, à sa sortie il se vendra à plus de 200 000 exemplaires, un bon disque qui reste un cimetière ou rien n’est à enterrer. même si je préfère l’album qui suivra ”Au-delà du délire“.





1 commentaire:

  1. Shuffle Master.24/1/24 20:17

    Mmouais. Pour des oreilles vierges, le choc risque d'être rude. Il faudrait se replonger dans l'ambiance du milieu des années 70 où le créneau mystico-rural des frères Deschamps pouvait encore passer, malgré une certaine prétention (cf les "leçons" de poésie de Christian Descamps dans Best.....).

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