David Crosby fut d’abord ce que les gauchistes auraient nommé un "enfant de bourgeois". Il faudrait, soit dit en passant, éradiquer cette morale qui veut que les origines sociales déterminent la valeur d’un homme. L’important n’est pas de savoir d’où les gens viennent mais jusqu’où ils ont pu aller. Mais, pour admettre cela, il faudrait que la gauche moderne cesse d’avoir une vision négative de l’effort et du dépassement de soi. Le père de David Crosby était donc cameraman dans un Hollywood encore digne de son âge d’or.
L’homme dut connaître l’époque bénie où la littérature influençait l’histoire du septième art, où Burt Lancaster précéda Sean Connery et Robert De Niro. Sous l’influence paternelle, le jeune David prit quelques cours d’art dramatique, mais n’y fit pas long feu. En ce début de sixties, le rock'n'roll avait remplacé Hollywood au rang de premier promoteur de l’american way of life. Il y eut bien sur Elvis, mais Crosby fut plus profondément marqué par la voix nasillarde de Bob Dylan. Sous son influence, il quitta le cocon familial pour jouer du folk dans les bars. S’il fallait résumer rapidement le folk, il faudrait dire qu’il s’agit d’un blues de blanc.
Woodie Guthrie l’avait voulu ainsi, lui qui écrivait des mélodies faciles à reprendre pour diffuser rapidement les joies et colères de la classe laborieuse. Avec Dylan, la folk devenait un chant prophétique, une oraison poétique unissant toute une génération sous le même drapeau. Des apprentis folkeux tel que David Crosby, l’Amérique en comptait de plus en plus, il aurait facilement pu se contenter d’une petite escapade de jeunesse. Mais « A hard day night » débarquât sur les écrans de cinéma, où David Crosby le visionna en compagnie d’autres musiciens admirant la poésie Dylaninenne. Les Beatles de cette époque sont souvent considérés avec dédain, comme si l’hystérie de la beatlemania décrédibilisait tout leur début de carrière.
Pourtant, en entendant les chœurs envoûtants et l’énergie électrique des quatre garçons dans le vent, ceux qui se nommèrent ensuite les Byrds trouvèrent leur voie. Après avoir signé leur premier contrat, les oiseaux partirent enregistrer leur fameuse version électrique de « Mr tambourine man ». Alors qu’il se préparait lui aussi à enregistrer son prochain album, Bob Dylan entendit ce que ces jeunes loups firent de son titre. Il s’empressa alors de mettre en boite sa version électrique de ce classique, qui deviendra un des sommets de l’album « Subteranean homesick blues ».
Si la version des Byrds fut bouclée avant la sortie du premier album électrique du Zim, un cafouillage de Columbia permit à Dylan de sortir son disque en premier. L’auteur de « The time they are changin » devint ainsi le pionnier du folk rock, ce qui n’enleva rien à l’influence qu’eut le premier album des Byrds. Ces harmonies vocales, cette pop électrique mariant le lyrisme de Dylan à la douceur des Beatles, tout cela posa les fondements de ce qui devint la scène Californienne.
Au début, David Crosby ne fut qu’un musicien discret d’un des groupes les plus importants de sa génération, il fallut attendre le départ de Gene Clark en 1966 pour le voir prendre le pouvoir. Il fit alors découvrir à ses collègues le jazz de Miles Davis et John Coltrane. Dans le même temps, il se passionna pour le sitariste Ravi Shankar, qu’il fit découvrir à Georges Harrison avec les conséquences que l’on connait. De ces expérimentations planantes naîtra l’excellent « Fifth dimension », avant que le caractère impulsif de Crosby ne lui vaille d’être viré des Byrds durant les séances de « The notorious Byrds brother ».
Par la suite, le Croz étendit son influence sur toute la scène Californienne, en faisant découvrir Joni Mitchell, avant d’écrire avec un membre de l’Airplane un « Guinevere » qui sera popularisé par Miles Davis, avant que Crosby Still and Nash ne grave sa version. Véritable union des plus grands espoirs du folk rock de l’époque, Crosby Still and Nash naquit sous l’impulsion du moustachu impulsif. Le projet obtint un tel succès que, lorsque l’arrivée de Neil Young dans la formation fut annoncée, les précommandes de « Déjà vu » furent si nombreuses qu’Atlantic ne prit pas la peine d’écouter les bandes avant de les publier.
Tant pour la qualité de ses titres que pour des harmonies vocales dont la splendeur n’a pas d’équivalent, « Déjà vu » représente l’aboutissement de ce mouvement folk rock que Crosby a largement participé à créer. Vint ensuite la disparition brutale de sa fiancée en 1969, dont il exorcisa la douleur en convoquant sa "famille" à une grand-messe mystico folk. C’est ainsi que Grace Slick, Neil Young, d’ex membres du Grateful Dead et du Jefferson Airplane participèrent à l’enregistrement du somptueux « If I could only remember my name ». Exploitant le juteux filon de la nostalgie musicale, David Crosby passa le reste des seventies à jouer avec cette scène Californienne qu’il nomma toujours sa famille.
Les années 80 furent plus chaotiques, l’addiction du Croz à l’héroïne le transformant rapidement en vieille épave obèse. Au bout du rouleau, il finit par se faire condamner pour détention de drogue et passa quelques mois derrière les barreaux. Ce libertaire convaincu n’hésitât pas à affirmer par la suite que le juge qui l’avait condamné lui avait sauvé la vie. Crosby partagea ensuite la dernière partie de sa carrière entre ses retrouvailles avec ses illustres compères et une carrière solo dans l’ensemble très honorable. Tant pour l’influence qu’il eut sur sa génération et le rock en général que pour la douceur apaisante de son œuvre, David Crosby fut et restera un des plus grands compositeurs de l’histoire de la musique populaire.
Si on glorifie "l’effort et le dépassement de soi", on légitime nécessairement la compétition économique capitaliste...
RépondreSupprimerDonc pour toi la gauche ne peut qu'être profondément anti capitaliste ? On peut remettre en question certaines chose sans vouloir la mort de tous le système . Deuxièmement le fait que la gauche soit passé de la défense des prolétaires au "droit à la paresse " me parait révélateur de la vision que ces gens ont du petit peuple. Mais ce n'étais pas le sujet principal de ma chronique , si j'ai mis un taquet à la gôche, c'est justement pour éviter de faire comme certains journalistes. C'est à dire faire de Crosby le porte drapeau des idéaux de la gauche moderne.
SupprimerMais la Gauche, ce sont les Lumières (sic), le Progressisme... En ce sens, "Gauche moderne" est un pléonasme. Elle est au pouvoir depuis un demi-siècle (certains diraient même 234 ans...) et n'a pas grand chose à voir avec le communisme ou le socialisme.
SupprimerLes "prolétaires", si l'on excepte quelques métiers encore pénibles (bâtiment, distribution...), ils ont disparu avec les usines parties en Chine ou autres pays "en voie de développement"...
Quant au "droit à la paresse", c'est un mythe. Prendre une déclaration d'une personnalité, certes emblématique mais pas forcément totalement représentative d'un courant, n'a pas grand sens. Mais cela a le mérite de prendre le contre-pied de la "valeur travail" érigée en valeur suprême.
Enfin, je ne pense pas pour ma part qu'il soit possible de "réformer" le capitalisme pour le rendre plus acceptable (el famoso "capitalisme à visage humain"...).
Bien à vous
j'avais fait une chronique de ”If I Could Only Remenber My Name“ en 2016
RépondreSupprimerJe cours de ce pas la lire chère ami
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