Nous y voilà enfin ! L’ex chanteur de Led Zeppelin est mort, laissant ainsi naître le voyageur solitaire. « Fate of nations » est à Robert Plant ce que « Graceland » fut pour Paul Simon, le chef d’œuvre l’autorisant à envisager une nouvelle carrière. Le manifeste anti ségrégation de Paul Simon et le bijou pop de Robert Plant ont également en commun d’être regroupé sous l’étiquette de "world music".
Avant de parler de musique, il faut faire un sort aux mots qui la désignent. World music est un terme qui ne peut être pris au sérieux que dans la tourbe cosmopolite dans laquelle nous pataugeons. Pour une génération mélangeant deux voire trois langues dans un sabir informe, tout est aujourd’hui mondialisé. Les héros de mangas sont aussi ennuyeux que le furent leurs modèles super héros américains, le coca détruit autant de corps que les copies asiatiques tentant de le concurrencer, les rockers se font aussi efféminés et stupides que les boys bands de K pop.
Le terme world music est surtout une autre façon de dire que tout se vaut, de mettre le purin d’une pop culture dégénérée au niveau des plus beaux bijoux artistiques. De sa naissance jusqu’à sa mort, la musique véritable est, sera et restera le symbole d’une culture et du génie d’un peuple. Il est absurde de souligner, à juste titre, la grandeur d’âme des musiciens noirs, tout en utilisant un terme séparant à ce point l’œuvre de la civilisation qui la fit naître. Mais les journalistes sont parfois si fainéants, ils sautent sur le moindre terme écourtant leur effort de réflexion. Auraient-ils qualifié le « Kashmir » de Led Zeppelin de world music ? Certainement pas. Le groupe s’était trop ancré dans le heavy blues pour que les journalistes puissent faire avaler une telle pilule. Il ne faut pas confondre la forme et le fond, l’habillage et l’essence d’une musique. Robert Plant eut beau faire voyager le blues sur des territoires inexplorés, il n’en restait pas moins le digne descendant d’Elvis Presley et de Chuck Berry. Même lorsque la mode de la new wave le poussa à adoucir sa musique, il gardait des fragments de cette fougue binaire ayant conquis le monde grâce au King.
Faire du rock ressemble toujours au fait de pousser un rocher sur une pente dont on se sait incapable d’atteindre le sommet. Une fois le chemin d’un groupe terminé le roc rock revient à son point de départ, où une autre formation le pousse aussi loin qu’elle le peut ou le veut. Il existe quelques disques donnant l’impression que rien n’existait avant eux, des réussites dépassant toutes les attentes comme si elles sortaient de nulle part. « Fate of nations » fait sans aucun doute partie de ces œuvres-là. Les événements récents n’annonçaient pourtant pas une telle réussite. Seule apparition véritablement remarquée, la participation de Plant au concert hommage à Freddy Mercury annonçait son entrée dans un star système décadent et tapageur. Entendre le chanteur de Led Zeppelin reprendre Queen est aussi absurde que si Louis Ferdinand Céline avait pu tenter de rendre hommage à Virginie Despentes, c’est l’original qui honore sa caricature. C’est pourtant aux jeunes loups de faire honneur à leurs ainés, surtout lorsqu’ils se montrent à peine digne de leur héritage. Après qu’il se soit rabaissé ainsi, « Fate of nations » permet à Robert Plant de retrouver toute sa dignité. Le disque s’ouvre sur « Calling to you », swing apocalyptique dont le riff épique semble dépeindre les combats qui opposèrent les sarrasins aux croisés sur la terre Sainte de Jérusalem.
Robert Plant mesure ses effets avant de s’emporter dans une spirale électrique digne de « Kashmir ». Après une telle entrée, la ballade « Down to the sea » rappelle que Plant fut aussi un amateur de psychédélisme rêveur. Quelques arpèges orientaux maintiennent pourtant cette musique sur les terres de Lawrence d’Arabie. C’est encore ce mélange de psychédélisme rêveur et de sonorités orientales qui fait des merveilles sur « Come into my life ». Il faut également souligner la profondeur d’une production dans laquelle l’esprit ne demande qu’à se noyer. La profondeur et la richesse de la mélodie s’harmonisent ainsi avec la grandeur des sentiments exprimés.
Plant n’oublie pas de laisser son guitariste placer un
riff incendiaire que n’aurait pas renié Jimmy Page lui-même. Cette musique
chante l’espoir et le courage, elle parvient même à émouvoir sur la mélodie un
peu kitch de « I believe ». "It’s
only glory from the story I’m told" chante Plant sur ce titre
inoubliable. Cette gloire, c’est aussi celle d’un folk rock trouvant un
nouveau lyrisme sur « 29 palms » et « If I was a carpenter ».
Elle se situe également dans la tendresse bouleversante des violons et dans la
grandiloquence de l’orgue de barbarie. Cette gloire est virile sur l’orgue
électronique de « Memory song », tendre sur la mélodie de « Colour
of the shade ». Ne me parlez pas de world music concernant ce disque, il
vaut bien mieux que cet oxymore écœurant. C’est ce qu’il reste des sixties, les
dernières lueurs d’une inventivité que Led Zeppelin défendit jusqu’au bout.
Jimmy Page s’engluant dans sa nostalgie, Robert Plant devint le dernier
représentant d’une créativité qui n’en finit plus de mourir.
C'est vrai que nous sommes terriblement ethnocentrés, entre Hollywood et le sacro-saint "wok & woll"... Normal étant donné la puissance de frappe phénoménale des troupes de l'Oncle Sam, dont nous ne sommes plus que des supplétifs... Et le manque d'informations sur les autres cultures de ce monde.
RépondreSupprimer"Manque d'informations" ? ou emballement de twit... Necromedia écrit : "nécrologie anticipée (...) il n'est pas mort". MEDIAMASS: "(...) le chanteur de Led Zeppelin victime d(une infâme rumeur".
RépondreSupprimerChronique anticipée donc? je l'espère du moins