jeudi 20 août 2020

THE DOORS "LA Woman" (1971) par Benjamin




« Traduction du divin dans toutes les langues. Le Blues, les disques te font planer » Jim MorrisonLa nuit américaine.

Si parler de THE DOORS, c’est avant tout parler de Jim Morrison, c’est encore plus vrai pour ce dernier disque. Alors, beaucoup ont mis en doute la légende telle qu’elle nous fut racontée, et on se souvient ainsi du jugement sans appel de Manzarek après avoir vu le biopic d’Oliver Stone : « C’est un tissus de conneries ».

Peut-être, la seule chose vérifiable étant le parrainage d’Alvin Lee, qui permit au groupe de signer un contrat. Alvin s’en mordra les doigts quand ses poulains éclipseront Love. Mais, là encore, le film était exactement dans l’esprit du chanteur. « Ses indiens ses rêves, et le bebop en blues spinal cosmique, les horreurs cosmiques ». Le film de Stone restituait cette poésie, le mysticisme d’un homme qui construisait sa légende en « cherchant un rêve ou vivre ».

Qu’importe s’il a réellement été possédé par l’esprit d’un indien, depuis le jour où il en croisa un accidenté sur le bord de la route, ou qu’il ait réellement pensé communier avec les esprits voodoo lors d’un concert. Si Jim a brulé la chandelle par les deux bouts, c’est parce qu’il possédait un brasier intérieur qui ne pouvait que s’étioler au fil des ans.

Dionysos rock testant son pouvoir de fascination sur une foule consentante, son arrestation pour atteinte à la pudeur l’a comme assommé, l’obligeant à changer de registre. Si le live à l’Isle de Wight est si beau, c’est parce que l’apollon provocateurs s’est mué en prêtre mystique, déclamant ses chansons comme autant de prières solennelles. La lumière rouge irradiait autour de lui, comme pour accentuer le coté christique de sa prestation.

Il se voit plus comme un poète raté, et supporte mal ce statut de rockstar, qui l’empêche d’être reconnu en tant que poète. Il noie son chagrin dans l’alcool, et Dionysos commence à ressembler à Demis Roussos.

Alors, forcément, quand le moment est venu d’enregistrer un autre album, la seule musique capable de restituer son spleen était le blues. On ne dira jamais assez que THE DOORS furent aussi un grand groupe de blues, comme le prouve leur prestation au festival de Vancouver en 1970.

Certain jour, Big Jim est dans un tel état qu’il effectue ses vocaux allongé dans une baignoire, donnant au titre cet écho qui semble rappeler le mysticisme des premiers disques. De mysticisme, il en est encore question sur la boucle hypnotique de « America » ou sur le final sombre et fascinant de « Riders on the storm ». Les claviers peuvent alors, ponctuellement, reprendre leur place de maîtres de cérémonie, mais c’est bien la guitare qui se dévoile véritablement sur ce disque.
                                                                    
Répondant à une voix qui ressuscite les grandes heures de Muddy Waters, elle forme une union sacrée avec le chant sur « The wasp » et « Crawling king snake ». Voilà Jim dans le costume du vieux briscard du Mississippi, chantant son amour de la musique de Chicago et son hymne graveleux.

Et puis la pop réclame son dû, que le groupe lui donne de la plus belle façon avec « LA Woman » et « Love her madly ». Les deux titres déclenchèrent le départ de leur producteur Paul Rothchild, qui refusa d’enregistrer ses « merdes », prouvant ainsi que l’on peut avoir enregistré certains des plus grands disques de son temps et dire de grosses âneries.

Qu’importe, le disque est un triomphe, chacun s’extasiant d’un retour aux sources qui n’est en fait qu’une façon de boucler la boucle. Quelques jours plus tard, Big Jim est retrouvé mort dans sa baignoire, vraisemblablement à cause d’une overdose.

Encore aujourd’hui, des centaines de personnes se pressent sur sa tombe comme sur les lieux d’un grand pèlerinage. Voici la preuve que celui qui voulait « trouver un rêve ou vivre » a transformé son rêve en œuvre vénérée. Car ce que l’on salue avant tout aujourd’hui, c’est la légende qu’il a écrite au fil des albums, et qui trouve son expression la plus fascinante sur « LA Woman ».
 
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On écoute la chanson titre de l'album...   
             

3 commentaires:

  1. Paul Rothchild qualifiant la chanson "LA Woman" de merde... on croit rêver ! Je viens de réécouter l'album "Soft Parade", c'est gratiné, question arrangements. Rothchild était aussi à la production...

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  2. Un grand groupe de Blues ? Mmmm... j'sais pas trop ... mais ce fantastique "L.A. Woman" en est effectivement imprégné.
    Un grand classique incontournable.

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  3. M'enfin! Pas catalogable! Tellement évidemment excellent! Joli article dans Rock'n F sur Strange Days par le biais de sa pochette. Salut à tous!

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